Attention à ne pas multiplier inutilement les examens complémentaires.
Chez un patient ayant une ou plusieurs tuméfactions cervicales, la démarche étiologique, bien codifiée, repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique ; il faut limiter les explorations complémentaires afin de poser un diagnostic rapide, sans perte de temps ni de chance.
La date de découverte est une information essentielle car elle permet de différencier les adénopathies aiguës (apparues depuis moins de 8 jours) des subaiguës (depuis 2 à 3 semaines) ou chroniques (plus de 2 mois). Cette distinction est importante car les formes aiguës-subaiguës sont plutôt d’origine infectieuse, alors que les ganglions persistants doivent faire éliminer avant tout un cancer ou un lymphome des voies aérodigestives supérieures (VADS).
Aucune biopsie chirurgicale ne doit être réalisée à l’aveugle, avant d’avoir recherché l’étiologie et pratiqué un examen de la muqueuse des VADS.

Éliminer ce qui n’est pas un ganglion

Les tuméfactions multiples et latérales sont souvent des adénopathies. Si elles sont uniques ou médianes, d’autres diagnostics sont possibles (encadré 1). L’échographie fait en général facilement la différence entre ces affections et un ganglion.

Adénopathies cervicales aiguës

Il s’agit le plus souvent de ganglions bilatéraux sensibles, sans réaction cutanée en regard, apparus depuis 8-15 jours dans le contexte d’une infection des voies respiratoires supérieures : rhinopharyngite, angine… Il n’y a pas ou peu de signes inflammatoires locaux. Le traitement de la cause les fait disparaître.
Lorsque la tuméfaction est volumineuse et douloureuse, 2 étiologies principales :
– la surinfection d’un kyste congénital sous-digastrique (mou ou rénitent, lisse, bien limité), surtout chez les sujets jeunes ;
– un adénophlegmon (fig. 1) qui s’accompagne souvent d’un aspect inflammatoire de la peau en regard ; une porte d’entrée dentaire ou amygdalienne est à rechercher. Le contexte infectieux et le caractère douloureux et récent de l’adéno- pathie sont des éléments importants pour différencier ce dernier d’une forme subaiguë (tuberculeuse), même si l’aspect clinique est similaire.
S’il y a un doute sur une collection suppurée, une antibiothérapie à spectre large (Augmentin) peut être proposée. En l’absence d’amélioration rapide, le patient est adressé au spécialiste, pour incision et drainage chirurgical.

Subaiguës ou chroniques

Elles doivent faire l’objet d’une enquête étiologique minutieuse, orientée par l’interrogatoire (encadré 2). Attention à ne pas passer à côté des causes les plus graves : cancer (ou métastase), tuberculose, lymphome.
L’examen clinique est également contributif. Il apprécie le siège de la tuméfaction et l’état des téguments en regard. La palpation précise ses caractéristiques : consistance (dure, ferme, rénitente, molle), forme, sensibilité (douloureux ou indolore), mobilité (adhérence ou non aux plans superficiels ou aux plans profonds), caractère pulsatile (encadré 3). Il doit être complété par un examen des VADS (cavité buccale, oropharynx, pharyngo- larynx, fosses nasales, cavum), des conduits auditifs externes et des tympans, du revêtement cutané cervico-céphalique et de la région thyroïdienne.

Imagerie : quel bilan ?

Il dépend des manifestations cliniques et du contexte.
Devant un ou plusieurs ganglion(s) unique ou multiples non suspects de moins de 2 cm, en l’absence d’altération de l’état général ou de symptômes ORL associés, une surveillance clinique est suffisante (parfois une échographie de référence est faite, au cas par cas).
Lorsque la tuméfaction est supérieure à 2 cm, le bilan est impératif. L’échographie cervicale est pratiquée si l’on suspecte une affection non ganglionnaire, notamment sous-mandibulaire, thyroïdienne ou parotidienne.
En cas de pathologie réellement ganglionnaire, l’examen de référence est le scanner. Bien que plus coûteux, il a une grande reproductibilité et permet une exploration complète, notamment des chaînes ganglionnaires profondes. Il est pratiqué si le patient est fumeur (plus de 30 ou 40 paquets/années) ou si l’examen évoque une maladie générale (tuberculose, sarcoïdose). Dans le contexte d’un cancer ORL ou d’un lymphome, il fait partie du bilan d’extension.
IRM et TEP sont réservées à des maladies spécifiques (tumeur de la parotide, certains cancers des VADS, lymphome) ; elles sont éventuellement demandées par le spécialiste d’organe, une fois le diagnostic posé, pour compléter le bilan.

Examens biologiques

Chez un sujet jeune ayant des adénopathies cervicales multiples et une altération de l’état général, on prescrit : NFS, CRP, sérologie VIH et toxoplasmose ; on rajoute : une sérologie EBV si on pense à une mononucléose, une IDR et un test Quantiféron si on suspecte une tuberculose.
En l’absence d’orientation, une cytoponction à l’aiguille fine est réalisée, souvent par un anatomopathologiste, parfois guidée par l’échographie (pour prélever dans du tissu charnu plutôt que dans la nécrose) surtout si le ganglion est profond. Si elle ramène un matériel purulent, celui-ci doit être adressé en bactériologie et mis en culture en milieux standard ou de Koch (BK) ; une partie est étalée sur lames afin de vérifier qu’il s’agit bien de pus constitué de polynucléaires plus ou moins altérés. L’examen cytologique peut également révéler des cellules d’une tumeur maligne, un lymphome ou une adénite chronique.
Si ce bilan et l’examen ORL sont normaux, une prise en charge par un service spécialisé est requise pour rechercher une pathologie infectieuse (toxoplasmose, mononucléose à CMV, tuberculose, VIH, maladie des griffes du chat, syphilis, lymphogranulomatose, tularémie) ou inflammatoire chronique (sarcoïdose, lupus, maladie de Gougerot-Sjögren).
Si les différents examens paracliniques ne permettent pas de poser le diagnostic, l’analyse histologique d’un ganglion, après exérèse, est l’examen de référence.
L’adénectomie est faite sous anesthésie locale ou générale, toujours après un examen ORL complet par un spécialiste cervico-facial.
Des informations doivent être fournies à l’anatomopathologiste avec le prélèvement ganglionnaire : âge, sexe, siège du prélèvement, tableau clinique, diagnostic envisagé.
Dans la mesure du possible, il faut l’éviter si on suspecte une tuberculose car il y a un risque important de fistulisation et d’écoulement chronique.
Encadre

1. Diagnostics différentiels

Tuméfaction unique

• Kyste congénital : haut situé et rénitent

• Lipome, lymphangiome kystique : mou à la palpation

• Paragangliome : battant, en regard du bulbe carotidien

• Tumeur nerveuse ou schwannome (rare) : formation solide profonde ou dans le creux sus-claviculaire

• Tumeur de la parotide : sous le lobe de l’oreille (fig. 2)

• Thyroïde : ascendante à la déglutition

• Kyste du tractus thyréoglosse : haut, en regard de l’os hyoïde, antécédents d’épisodes inflammatoires éventuels (fig. 3)

Encadre

2. Que rechercher à l’interrogatoire ?

– Jeune : cancer du cavum si ethnie évocatrice (Maghreb, Asie du Sud-Est), tuberculose, VIH– Avancé : cancer des VADS – Tout âge : lymphomeOrigine ethnique

– Maghreb/Asie du Sud-Est : cancer du cavum

– Afrique/Amérique du Sud : infection par le VIH ou mycoses (histoplasmose)

– Conditions de vie défavorisées : tuberculose

– Alcool-tabac : cancer des VADS

– Chat : maladie des griffes du chat

– Gibier : tularémie

– Maladie de système et lymphome

– VIH : tuberculose, lymphome

– Dysphonie, dysphagie : cancers des VADS

– Surdité unilatérale (otite séreuse), obstruction nasale : cancer du cavum

– Altération de l’état général, fièvre, sueurs : lymphome, tuberculose

– Cancer des VADS

– Tumeur cutanée

– Métastase (sein, poumon, thyroïde)

– Importante : cause infectieuse (tularémie, maladie des griffes du chat)

– Peu intense : tuberculose, syphilis

– Absente : lymphome, cancer

Encadre

Caractéristiques cliniques



✔ Unique : diagnostic différentiel (kyste branchial, chémodectome – tumeur bénigne développée à partir du glomus carotidien – , lipome, lymphangiome), cancer ORL, tuberculose

✔ Multiples : lymphome, pathologie infectieuse (VIH)

✔ Mode évolutif : fluctuant (lymphome), rapide (cancer agressif), fistulisation (infection)

✔ Postérieur : cancer du cavum, toxoplasmose

✔ Bas situé : ganglion de Troisier, schwannome du plexus brachial

✔ Souple : diagnostic différentiel (kyste branchial, lipome, lymphangiome), ganglion kystique

✔ Dur : cancer des VADS ; pierreux : tumeur ++

✔ Arrondi : lymphome, cancer

✔ Oblongue : infectieux ou inflammatoire

✔ Peu mobile : cancer, chémodectome (sur le bulbe carotidien et battant)

✔ Réaction cutanée : tuberculose, ganglion tumoral évolué, maladie des griffes du chat, actinomycose

Pour en savoir plus
– Société française d’ORL. Adénopathies cervicales chroniques de l’adulte. Recommandations pour la pratique clinique. https://bit.ly/2IcJquQ

– Layfield LJ. Fine-needle aspiration in the diagnosis of head and neck lesions: a review and discussion of problems in differential diagnosis. Diagn Cytopathol 2007;35:798-805.

– Mohan A, Reddy MK, Phaneendra BV, Chandra A. Aetiology of peripheral lymphadenopathy in adults: analysis of 1724 cases seen at a tertiary care teaching hospital in southern India. Natl Med J India 2007;20:78-80.

– Khanna R, Sharma AD, Khanna S, Kumar M, Shukla RC. Usefulness of ultrasonography for the evaluation of cervical lymphadenopathy. World J Surg Oncol 2011;9:29.

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essentiel

Les adénopathies de plus de 2-3 cm imposent un bilan étiologique.

Il faut différencier les formes aiguës inflammatoires des chroniques évoluant depuis plus de 1 mois.

Devant ces dernières, il faut exclure un cancer (des VADS, de la thyroïde, du cavum), une hémopathie maligne, une tuberculose…

Jamais d’adénectomie sans, au préalable : examen ORL (nasofibroscopie + palpation cervicale), TDM et cytoponction.