Ces molécules sont apparues il y a plus de 15 ans dans l’arsenal thérapeutique du diabète de type 2, pour le contrôle des glycémies. Quatre sont commercialisées, uniquement sous forme injectable sous-cutanée. L’exénatide à action immédiate (Byetta 5 et 10 µg) nécessite 2 administrations quotidiennes et 1 injection hebdomadaire pour la forme à libération prolongée (Bydureon). Le liraglutide requiert 1 injection quotidienne (Victoza) ; il est aussi commercialisé en association fixe avec un analogue de l’insuline, le dégludec (Xultophy). Le dulaglutide est administré en injection hebdomadaire (Trulicity 0,75 et 1,5 mg). Plus récent, le sémaglutide (Ozempic 0,25, 0,5 et 1 mg) est lui aussi une forme hebdomadaire.
Les agonistes des récepteurs du GLP-1 semblent parés de nombreuses vertus, de sorte que les recommandations de la Société européenne de cardiologie de 2019 proposent de les prescrire en première ligne, avant la metformine, chez les sujets à très haut risque vasculaire. Cependant, ces médicaments ont un coût mensuel très élevé, de l’ordre de 80 €, comparés à 4 € pour la metformine (MET) à 2 g/j.
Selon la Société francophone de diabétologie (SFD), ils devraient être l’option thérapeutique préférée lorsque l’objectif glycémique ne peut pas être obtenu sous metformine seule chez les patients à haut risque vasculaire dont l’IMC est supérieur à 30 kg/m².1
La réactualisation des recommandations de la HAS (qui datent de 2013) est attendue...

Mode d’action

Le GLP-1 fait partie d’une série d’hormones appelées incrétines. Produites par les cellules endocrines de l’intestin, elles sont des acteurs importants de la réponse hormonale et neurale au repas : sécrétion d’insuline, de glucagon, de somatostatine et d’autres hormones à tropisme gastro-intestinal (p. ex. gastrine et cholécystokinine ; CCK), motricité digestive, comportement alimentaire.
Sécrété rapidement après le début du repas, le GLP-1 a une demi-vie très brève. Il agit sur de nombreux organes, dont les mieux étudiés sont le pancréas, le tube digestif et le cerveau.2 Sur les îlots de Langerhans, il exerce 2 actions principales : amplification de la sécrétion d’insuline (mais en présence de concentrations basses de glucose, il est sans effet) et réduction de celle de glucagon. Il faut aussi noter que l’autre incrétine, le GIP (glucose-dependent insulinotropic peptide), a des effets similaires sur la sécrétion d’insuline, mais opposés sur le glucagon. La vidange gastrique est ralentie, ce qui retarde l’absorption et étale dans le temps l’hyperglycémie post-prandiale du diabétique.
Au niveau cérébral, le GLP-1 induit une satiété précoce et décale la sensation de faim, ce qui favorise la perte de poids. On décrit aussi des effets sur le rein (il favorise la natriurèse), le cœur et l’endothélium, qui se traduisent par une baisse de la pression artérielle de quelques mmHg, et une augmentation de la fréquence cardiaque de quelques battements par minutes.
Sa sécrétion étant fortement accrue après le bypass chez l’obèse, il est possible qu’il soit responsable d’une partie des effets de la chirurgie bariatrique.

Au-delà du contrôle glycémique

Le premier effet thérapeutique, l’amaigrissement, est observé dans quasiment tous les essais cliniques et dans la vraie vie. Avant le lancement des inhibiteurs du transporteur SGLT-2 (la dapagliflozine, Forxiga, vient d’être commercialisée ; remboursée en bithérapie avec MET et en trithérapie avec MET + SU), c’était la seule classe de médicaments du diabète de type 2 capable d’induire un amaigrissement significatif, de l’ordre de 1 à 4 kg en 6 mois :3 le liraglutide a une AMM dans cette indication en Europe et aux États-Unis (mais pour plus de 1 000 dollars/mois).
Concernant les effets cardiovasculaires (CV), depuis 2008 les autorités sanitaires américaines et européennes – FDA et EMA – demandent des essais de sécurité pour tous les hypoglycémiants nouvellement commercialisés. Tous les agonistes du GLP-1 ont été évalués sur un critère de jugement à 3 paramètres (mortalité CV, infarctus, AVC). Ceux commercialisés en France ont montré une supériorité par rapport à la prise en charge standard (sur des critères composites et pour certains sur la mortalité).4 Les mécanismes de cette protection sont encore incertains.
Si l’on caricature, ce sont les seuls antidiabétiques (hors gliflozine) disponibles en France qui permettent à la fois une perte de poids et une protection CV. On comprend ainsi l’engouement à leur égard…

Autres avantages

Plusieurs études ont montré une amélioration de la maladie métabolique du foie (stéatose, NASH), avec une baisse des transaminases, du contenu hépatique en triglycérides ou des lésions histologiques. Toutefois, ces résultats ont été obtenus dans de petites séries et sur une période de temps relativement courte ; plusieurs essais sont en cours. À ce jour, le déterminant majeur de ces effets hépatiques semble être la perte de poids.
Dans les essais cliniques de sécurité CV, les paramètres rénaux ont été améliorés sous agonistes du GLP-1 (réduction de 18 % d’un critère rénal composite large : doublement de la créatinine, dialyse, protéinurie). Cependant, cela est essentiellement lié à la réduction du risque de protéinurie. Les bénéfices à long terme, CV et pondéral, font espérer un ralentissement du déclin de la fonction rénale.
Autre point : la maniabilité. Il est tentant de prescrire un médicament injectable qui aide à perdre du poids, qui ne nécessite pas d’ajustements fréquents de la dose, et ne provoque pas d’hypoglycémie (à la différence de l’insuline), surtout s’il peut être administré 1 seule fois par semaine, avec une manipulation très simple du stylo injecteur, sans aiguille à visser pour certaines molécules. Cela aide à faire accepter les effets indésirables, essentiellement digestifs, qu’on peut réduire en utilisant les plus faibles doses. Par exemple, pour le liraglutide, la posologie « officielle » minimale est de 0,6 mg/j, mais en comptant les « clics du stylo », on peut la baisser à 0,3 mg/j (10 clics pour 0,6 mg, donc 5 pour 0,3 mg).
Concernant la sécurité, plusieurs rapports initiaux ont fait état d’un risque de pancréatite aiguë ; des études préliminaires chez l’animal ont également suggéré la survenue de tumeurs du pancréas ou de la thyroïde. Après 15 ans d’utilisation et des essais sur des milliers de patients correctement surveillés, ces craintes se sont dissipées et la FDA et l’EMA ont pris des positions officielles : il n’y a pas de risque significatif. Cependant, il est important de savoir que la lipasémie, plus souvent que l’amylasémie, peut augmenter sous traitement : 50 % des patients recevant du liraglutide ont une valeur supérieure à la normale (vs 32 % des sujets sous placebo),5 mais chez seulement 8 % à plus de 3 fois la limite supérieure (vs 5 % dans le groupe placebo), sans augmentation du risque de pancréatite. Ainsi, en l’absence de symptôme, il est inutile de faire un scanner.

Références

1. Darmon P, Bauduceau B, Bordier L, et al. Prise de position de la SFD sur la prise en charge médicamenteuse de l’hyper­glycémie du patient diabétique de type 2, 2019. Med Mal Metaboliques 2019;13:711-32.
2. Andersen A, Lund A, Knop FK, Vilsbøll T. Glucagon-like peptide 1 in health and disease. Nat Rev Endocrinol 2018;14:390-403.
3. Aroda VR. A review of GLP-1 receptor agonists: Evolution and advancement, through the lens of randomised controlled trials. Diabetes Obes Metab 2018;20(suppl 1):22-33.
4. Caruso I, Cignarelli A, Giorgino F. Heterogeneity and Similarities in GLP-1 Receptor Agonist Cardiovascular Outcomes Trials. Trends Endocrinol Metab 2019;30:578-89.
5. Steinberg WM, Buse JB, Ghorbani ML, et al. Amylase, lipase, and acute pancreatitis in people with type 2 diabetes treated with liraglutide: results from the LEADER randomized trial. Diabetes Care 2017;40:966-72.

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essentiel

Les agonistes du récepteur du GLP-1 ont une place plutôt réduite dans la stratégie de contrôle glycémique de la HAS.

Ils ont beaucoup d’atouts, mais leur prix est un obstacle majeur à l’essor de leur prescription.

Quelques incertitudes pèsent encore sur leur sécurité à long terme.