Plus de 9 millions de personnes en France sont des « aidants » : parents, enfants, conjoints, amis, etc. qui viennent en aide à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie, de manière régulière, fréquente et à titre non professionnel. Les évolutions sociétales, comme le vieillissement de la population, amplifient leur rôle indispensable.
Ces aidants endossent de lourdes responsabilités, pour lesquelles ils ne sont pas forcément préparés ni formés, et gèrent des tâches complexes (montage de dossiers administratifs, coordination de soins et du parcours, soins techniques, actes paramédicaux, etc.). S’y ajoute la dimension affective du lien avec la personne aidée, qui peut entraîner chez l’aidant un surinvestissement voire un sentiment de culpabilité. Enfin, en fonction du type et du niveau d’aide et de la façon dont elle est vécue, la situation peut affecter les sphères personnelle, familiale, sociale, scolaire et professionnelle de l’aidant. Tous ces aspects peuvent entraîner des situations d’épuisement.
Pour y faire face, les solutions de répit et de soutien sont essentielles : formation sur la pathologie du proche aidé, bilan de santé pour l’aidant, accueil temporaire du proche aidé dans une structure dédiée, relais à domicile, séjours vacances-répit, ateliers bien-être…
Les médecins généralistes jouent un rôle central dans le repérage de ces situations, pour comprendre les besoins des aidants et mettre en place un accompagnement et des solutions de répit.
Poser les bonnes questions pour repérer et évaluer l’« aidance »
Dans un but préventif, le repérage précoce permet d’anticiper d’éventuelles difficultés pouvant générer des interventions en urgence (hospitalisations de l’aidant ou de l’aidé, maltraitances intrafamiliales, etc.). Il peut également être une première étape – à travers la prise de conscience par l’aidant de son rôle, voire de ses difficultés et besoins – vers la mise en place d’un accompagnement.
Les situations de handicap, fin de vie, perte d’autonomie ou maladie chronique (vieillissement, polypathologie, maladies neuroévolutives, troubles neurodéveloppementaux, psychiques, addictions…) doivent ainsi conduire à échanger avec l’aidant de ces patients, afin de mieux connaître :
- les tâches effectuées : administration des médicaments, suivi de traitements, courses, soutien moral, émotionnel, toilette, soins, aide à la communication, activités domestiques, démarches administratives, etc. ;
- l’intensité ressentie de l’aide, sa fréquence et sa durée ;
- les besoins de l’aidant : informations, formations, solutions de répit, etc. ;
- les éventuelles difficultés : la personne est-elle la seule à s’occuper du proche, ou peut-elle être relayée par d’autres proches ou des professionnels ? s’occupe-t-elle d’une seule personne ou de plusieurs à la fois (« multi-aidance ») ?
- sa propre perception de la situation : se considère-t-elle comme un aidant ? a-t-elle le sentiment d’avoir choisi son rôle ou le vit-elle comme une imposition ? se sent-elle soutenue ou isolée dans son rôle d’aidant ? estime-t-elle que la situation a eu des conséquences positives ou négatives sur sa vie ?
Les profils d’aidants sont variés : ils peuvent être de tout âge, avoir un lien de parenté ou non avec le proche aidé et évoluer dans tous les environnements (aidants actifs dans la vie professionnelle, adolescents et jeunes, vieillissants …). Ainsi, garder à l’esprit que toute difficulté observée chez tout type de patient peut être liée à une situation d’aidance.
Une grille d’évaluation pour identifier les besoins de l’aidant est disponible en annexe des recos (téléchargeable sur ce lien). Elle n’est pas exhaustive mais indique les principales thématiques à aborder avec l’aidant, en présence ou non de son proche.
Certains signes d’alerte évoquant un épuisement de l’aidant doivent conduire à une vigilance particulière (v. encadré).
Quelles solutions proposer ?
Aides et allocations prévues par la loi
Il est utile, tout d’abord, de rappeler à l’aidant qu’il a des droits spécifiques (aides, dédommagements, allocations… versées soit à la personne aidée soit directement à l’aidant), qui permettent notamment de dégager du temps pour l’accompagnement ou de compenser une partie des pertes de revenus ou des coûts induits par celui-ci. Certains de ces droits sont applicables dès lors que le proche aidé bénéficie lui-même de certaines dispositions. Il existe :
- des dispositifs spécifiques à la personne aidée : allocation personnalisée d’autonomie (APA), prestation de compensation du handicap (PCH), prestation de compensation du handicap parentalité ; l’aidant peut être salarié ou dédommagé par son proche aidé dans le cadre de l’APA ou de la PCH ;
- des aides spécifiques aux parents d’enfants handicapés : allocation journalière de présence parentale (AJPP), allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ;
- pour les aidants actifs dans la vie professionnelle : congé de présence parentale (CPP), congé proche aidant et l’allocation journalière pour les proches aidants (AJPA), don de jours de repos, congé de solidarité familiale ;
- pour les aidants adolescentes et jeunes : divers aménagements et soutiens, tels qu’aménagements de l’emploi du temps, dispense de cours, tutorat, points supplémentaires pour favoriser l’accès aux bourses…
- retraite de l’aidant : affiliation à l’assurance vieillesse (AVA), taux maximum dès 65 ans ;
- le droit au répit (v. aussi ci-dessous) : le plus souvent sous forme d’aides à domicile ou d’un accueil transitoire en structure qui permettent à l’aidant de se reposer et d’avoir du temps libre, le répit peut bénéficier de financements spécifiques, par exemple dans le cadre du plan d’aide APA.
Une description détaillée de ces aides est disponible en annexe des recos (sur ce lien, p. 45).
Focus sur les solutions de répit
Le répit permet à l’aidant de faire une pause et de se ressourcer, de prendre du recul sur sa situation et de se reconnaître en tant qu’aidant, mais aussi de prévenir toute dégradation de la situation. Il peut être ponctuel ou régulier, court ou durable, et peut prendre des formes variées :
- un accompagnement auprès de la personne aidée pour permettre à l’aidant de se dégager du temps : relayage à domicile, soutien scolaire, vacances de l’aidé, etc. ;
- des actions directement en faveur des aidants : accompagnement psychologique, groupes de parole, atelier bien-être, ateliers artistiques, partage d’expériences entre aidants, formation, etc. ;
- des interventions auprès du binôme aidant-aidé : activité de médiation, loisirs, vacances, etc. ;
- actions d’adaptation ciblées permettant à l’aidant de maintenir un lien social et de continuer à vivre normalement.
À l’issue de l’évaluation (cf. grille mentionnée ci-dessus), une solution de répit peut être mise en œuvre. Co-construite avec l’aidant, elle est bien sûr adaptée à chaque situation et dépend du contexte dans lequel le répit devient nécessaire (situations d’urgence ou ponctuelles, ou programmées), de la situation globale – en prenant en compte les besoins du proche aidé durant la phase de répit – et, enfin, des dispositifs existants sur le territoire.
En fonction des ressources territoriales dédiées, orienter l’aidant vers des dispositifs répondant à ses besoins de répit ou vers des contacts pouvant l’aider à trouver des solutions (plateformes, associations, pairs aidants…).
En cas de refus par l’aidant de soutien ou de recours à un dispositif de répit, respecter sa décision mais lui proposer une nouvelle rencontre dans quelque temps pour refaire le point. Le refus peut être la conséquence d’une inadaptation de la solution, de la nécessité d’un temps supplémentaire de réflexion, d’un manque de temps ou d’un coût du reste à charge, mais aussi de facteurs psychologiques (peur de la séparation, manque de confiance, culpabilité, refus de demander l’aide, voire refus du proche aidé d’accepter un soutien extérieur…). De plus, quand un aidant est en situation d’épuisement, toute projection lui est parfois insurmontable. Il convient donc de rester disponible pour une évaluation ultérieure et éventuellement un échange avec le proche aidé, afin de favoriser l’acceptation du répit tout en respectant le rythme de l’aidant.
Signes d’alerte et situations de crise affectant l’aidant et le proche aidé
Signes communs à tous les aidants
Épuisement physique qui peut se manifester par des douleurs (lombalgies, par exemple), un amaigrissement, des troubles de la pression artérielle, respiratoires, cardiovasculaires, etc.
Épuisement mental qui peut se manifester par : angoisse, agacement, pleurs, irascibilité, irritabilité, qualité de sommeil dégradée, découragement, absence de réactivité, difficultés de concentration, voire idées suicidaires, etc.
Perte de lien social et isolement social.
Négligence ou laisser-aller ; priorisation de la situation de l’aidé aux dépens de celle de l’aidant.
Rupture de soins.
Difficultés financières.
Tensions intrafamiliales (conjugales, parents/enfants, fratrie, etc.).
Signes spécifiques aux aidants vieillissants
Négligence de leur propre santé : problème de santé propre qui passe après celui du proche aidé.
Perte d’autonomie, déclaration ou majoration de ses problèmes de santé, difficultés pour se déplacer (motricité et problème matériel).
Accentuation du repli sur soi ou de la perte de lien social.
Signes spécifiques aux aidants actifs
Arrêts maladie fréquents, burn-out, signes de dépression, d’anxiété.
Absences régulières et pas anticipées.
Implication moindre ou surimplication.
Problèmes de concentration, difficultés d’adaptation à l’emploi.
Signes spécifiques aux jeunes aidants
Difficultés scolaires pouvant aller jusqu’à un décrochage scolaire, problèmes de concentration, épuisement en classe.
Absences répétées et pas anticipées.
Changements d’attitude : retard en classe, baisse de l’investissement scolaire ou surinvestissement, par exemple.
Vigilance sur les situations évoluant très vite
Dans certaines situations, il convient d’être très réactif pour proposer des solutions rapidement :
- personnes en grande perte d’autonomie ;
- personnes ayant des troubles du comportement liés à des maladies neuroévolutives ou aux troubles psychiques.
En effet, ces situations supposent un très fort investissement physique et émotionnel de la part des aidants ainsi qu’une vigilance accrue (possible agressivité du proche aidé, problèmes d’errance, de désorientation temporo-spatiale, etc.).
HAS. Répit des aidants. 25 juin 2024.