L’albinisme oculo-cutané est une affection génétique résultant de mutations dans au moins 19 gènes qui affectent la production de mélanine dans la peau, les cheveux et les yeux. Il peut être isolé (forme de type 1, 2, 3, 4, 6 et 7, et lié à l’X) ou plus rarement syndromique, associé à l’atteinte d’autres organes (syndrome d’Hermansky-Pudlak, de Chediak-Higashi).
Des tableaux cliniques variés
L’albinisme est caractérisé par une hypopigmentation de la peau et des phanères de degré variable. En l’absence totale de production de mélanine, elle peut être généralisée et définitive : la peau est blanche, les cheveux et les cils sont blanc-platine ; dans les formes incomplètes, les cheveux peuvent avoir une coloration jaune, roux ou brun-clair.
Les manifestations ophtalmologiquessont constantes, particulièrement dans les pays tempérés. L’albinisme serait à l’origine de 5 % des malvoyances dans le monde. Nystagmus, strabisme, torticolis oculaire, amétropie forte sont diversement associés et de sévérité variable. Le nystagmus congénital, quasi constant, absent à la naissance, est généralement découvert dans les premiers mois de vie. De nombreux patients ont une posture de la tête compensatoire (dans cette attitude de fixation l’acuité visuelle est meilleure car les battements nystagmiques sont réduits voire absents) : on parle de torticolis oculaire par « blocage du nystagmus ». Une mauvaise acuité visuelle est constante : dans la forme complète, le nouveau-né a un retard d’acquisition des réflexes psychovisuels ; dans les incomplètes, cette malvoyance peut s’atténuer avec l’âge ; elle est meilleure en vision de près, ce qui permet une scolarité en milieu ordinaire.
La photosensibilité peut être marquée et invalidante ; elle n’est pas toujours proportionnelle à l’importance de l’hypopigmentation irienne.
Les principales complications dermatologiques sont les kératoses actiniqueset les carcinomes des zones photo-exposées ; les carcinomes épidermoïdes sont les plus fréquents (ils sont plus agressifs que dans la population générale, avec un risque de dissémination secondaire élevé), suivis par les carcinomes basocellulaires ; les mélanomes sont beaucoup plus rares.
Critères diagnostiques
L’hypopigmentation est variable.
Les anomalies oculaires et du système visuel sont indispensables au diagnostic. L’examen ophtalmologique met en évidence l’hypopigmentation de l’iris, une pigmentation rétinienne réduite, les vaisseaux de la choroïde (normalement masqués par la couche de l’épithélium de la rétine) et une hypoplasie fovéale. Les anomalies de décussation des voies optiques au niveau du chiasma peuvent s’associer à un strabisme alternant avec une vision stéréoscopique réduite et une altération des potentiels évoqués visuels.
Les différentes formes d’albinisme étant difficiles à différencier cliniquement, le diagnostic repose sur l’analyse moléculaire des 19 gènes connus (techniques de séquençage à haut débit).
Prise en charge
À l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement spécifique. L’identification des bases moléculaires impliquées dans sa physiopathologie incite au développement de thérapies ciblées pour augmenter la production de mélanine. Des études sont en cours chez la souris (nitisinone, L-dopa, transfert de gène rétinien par virus adéno-associé).
La photoprotection est essentielle pour minimiser le risque de cancers cutanés : port de vêtements couvrant (chemises à manches longues, pantalons longs) surtout l’été, et de chapeaux à larges bords ; planification des activités en plein air en dehors des heures où le soleil est le plus fort ; application d’écrans solaires d’indice maximal contre les ultraviolets A et B sur les zones exposées. Une photoprotection efficace dès le plus jeune âge permet de limiter le risque de carcinomes cutanés.
Les atteintes cutanées peuvent être prises en charge par cryothérapie (lésions précancéreuses) ou chimiothérapies topiques.
Les patients peuvent être myopes, hypermétropes mais surtout astigmates. Les corrections optiques (verres correcteurs et/ou lentilles de contact), les aides visuelles (loupes, téléagrandisseur, ordinateur avec logiciel d’agrandissement) sont utilisées pour améliorer la vision, en particulier dans le cadre scolaire et professionnel.
Pour la photophobie : verres correcteurs teintés et port d’un chapeau couvrant (à larges bords).
Les patients ont une prévalence accrue de douleurs au niveau du dos et des épaules qui s’explique par les mauvaises postures adoptées pour bloquer le nystagmus. L’opération du nystagmus et/ou du strabisme avec position de fixation compensatrice responsable de « torticolis oculaire » permet de corriger les mauvaises attitudes et de prévenir à terme ces douleurs.
Parcours de soin
Il doit comprendre 3 dimensions principales : ophtalmologique, dermatologique et génétique. En fonction du profil de chaque patient, peuvent s’ajouter un suivi neurologique, psychologique, médicosocial, ORL.
Un suivi dermatologique – en raison du risque accru de cancer cutané – est recommandé au moins 2 fois par an.
Au niveau ophtalmologique, l’acuité visuelle se développant jusqu’à environ l’âge de 6-8 ans, une visite annuelle est indispensable pendant cette période, voire davantage les premières années.La correction doit être optimale dès le plus jeune âge pour que le développement visuel soit le meilleur possible.
Un bilan orthoptique est nécessaire, par un orthoptiste si possible spécialisé dans la basse vision et la prise en charge de très jeunes enfants, pour qu’une rééducation de la vue soit proposée.
Attention : la baisse de vision tardive dans la vie d’un adulte est considérée comme un processus distinct de l’albinisme si la vision de l’enfant était stabilisée.
Le développement psychomoteur de l’enfant peut être soutenu par un psychomotricien. L’enfant peut être la cible de moqueries, voire de harcèlements : un suivi psychologique peut être proposé.
Dans les formes frustes de découverte tardive, il peut exister une anomalie de décussation des fibres auditives, voire une diminution de l’audition, voire une surdité sensorielle : un examen ORL est indiqué au moindre doute.
Enfin, une étude suggère une augmentation de la prévalence des troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité : il faut y penser bien que le lien causal avec l’albinisme soit encore controversé.
L’éducation est primordiale, avec la mise en place des mesures simples qui amélioreront le confort quotidien et l’intégration au sein de l’école.
Du point de vue du conseil génétique, la connaissance du type d’albinisme et des mutations responsables chez le cas index permettent de définir le risque de récurrence familiale. Pour un couple ayant un enfant atteint d’une forme autosomique récessive (c’est-à-dire toutes les formes sauf l’albinisme oculaire lié au chromosome X) le risque de récurrence à chaque grossesse est de 25 %, que le fœtus soit de sexe masculin ou féminin. En cas d’albinisme oculaire lié au chromosome X, le risque est de 50 % pour les fœtus de sexe masculin et nul pour les fœtus de sexe féminin.
Contacts et adresses utiles
- Centre de référence des maladies rares de la peau, CHU de Bordeaux
- Centre de référence des maladies rares en ophtalmologie Ophtara, Hôpital Necker-Enfants malades (149, rue de Sèvres, 75015 Paris ; 01 44 49 45 02)
- Association Genespoir : Association française des albinismes (3, rue de La Paix, 35000 Rennes ; 02 99 30 96 79)