La consommation d’alcool est un sujet de santé à aborder systématiquement en consultation. Pour aider les professionnels de premiers recours à repérer les mésusages, réduire les risques et accompagner les patients, la HAS a élaboré plusieurs fiches-outils synthétiques.

L’alcool est la première substance psychoactive consommée en France. Elle est aussi la première – devant le tabac, la cocaïne, le crack l’héroïne… – en matière de gravité des dommages, individuels et collectifs, qu’elle cause : pathologies aiguës et chroniques, dépendance, conséquences sociales, coûts (sanitaires, juridiques…).

Au-delà de l’alcoolodépendance, l’alcool est un risque ubiquitaire, quelles qu’en soient les modalités d’usage et la fréquence de consommation, et qui touche toutes les dimensions de la personne (somatique, psychique, affective, relationnelle, familiale, socioprofessionnelle, juridique, Les dommages liés peuvent donc concerner des personnes qui n’ont pas de critères de trouble de l’usage (donc d’addiction), mais dont la consommation d’alcool soit n’a jamais été repérée comme étant à risque, soit est excessive mais banalisée (de façon chronique et/ou ponctuelle, par exemple binge drinking).

C’est pourquoi, au-delà des soins addictologiques spécialisés, qui ne concernent donc qu’une petite partie des consommateurs, il est important de faire de l’alcool un sujet régulièrement abordé en soins de premier recours – comme pour toute autre question de santé publique et prévention.

Les professionnels de premier recours, dont les médecins généralistes, sont en effet des acteurs privilégiés pour repérer ces usages et accompagner chaque personne dans une démarche individualisée de réduction des risques. La HAS a donc mis à leur disposition un ensemble de fiches pratiques pour quantifier les consommations d’alcool, détecter un trouble de l’usage, mener un entretien motivationnel, prodiguer des conseils de réduction des risques spécifiques à chaque situation, etc. (v. encadré ci-dessous).

Toute consommation d’alcool est à questionner

Toutes les consultations sont une opportunité pour aborder la consommation d’alcool, même lorsqu’elles n’ont pas de lien apparent et direct avec le sujet. Il est important de rendre la question à la fois simple, systématique et non stigmatisante.

Ainsi, pour n’importe quel patient, quelles que soient son histoire et ses modalités d’exposition et de consommation d’alcool, il est utile :

  • de rappeler qu’il s’agit d’un sujet de prévention en santé et d’hygiène de vie au même titre que l’activité physique et l’alimentation… ;
  • d’interroger toutes les modalités d’usage de l’alcool, y compris lorsqu’il est banalisé voire valorisé (binge drinking festif, usage quotidien, rite d’initiation des plus jeunes, tradition régionale, culturelle ou professionnelle) ;
  • de rappeler que toute exposition est à risque, et pas seulement en cas de complication apparente : le risque sanitaire augmente dès les premières quantités consommées pour les cancers, accidents et suicides, avec un effet-dose.

L’objectif est de faire de l’alcool un sujet de santé comme les autres et de faire évoluer les représentations sociétales erronées des patients, en portant à leur connaissance la réalité des risques liés et en favorisant le développement d’un réflexe de repérage, par la personne elle-même, de la consommation d’alcool : prise de conscience des déterminants (fonctions, effets recherchés, tradition, rituels…) et des risques, ainsi que des possibilités de les moduler au profit de sa santé et sa qualité de vie.

Comment aborder le sujet en pratique ?

La quantité consommée d’alcool est un paramètre important (v. fiche 1 « Verre standard et ses équivalences »), mais elle ne rend pas compte à elle seule de la complexité de la relation d’une personne avec cette substance. L’habituation, l’organisation des consommations (leur ritualisation), les contextes, les effets recherchés et les manières de boire sont aussi des déterminants à évaluer.

Il faut bien sûr aborder ces questions avec tact, sans juger ni culpabiliser afin de ne pas susciter de réactions défensives.

Une approche globale permet d’éclairer le terrain (antécédents, vulnérabilités, ressources internes), l’environnement, les besoins spécifiques éventuels (au niveau social, psychologique, somatique) auxquels il faut répondre parfois prioritairement (telles les violences ou la précarité sociale), sous peine d’échec de toute action visant l’usage d’alcool.

Une intervention adaptée, grâce à l’outil RPIB  (repérage précoce et intervention brève ; v. aussi fiche 2 « Repérage interventionnel » avec questionnaires) permet de resituer les usages dans leurs contextes et déceler ainsi les leviers d’action possibles. Ce repérage doit être répété régulièrement tout au long de la vie et de l’histoire de l’usage, selon un rythme adapté à chacun.

En cas de détection d’un trouble de l’usage d’alcool même sans grandes quantités consommées – grâce au dialogue avec la personne et à des critères précis (DSM- 5, v. fiche 3) –, on pourra orienter le patient vers un soutien addictologique.

Accompagner le patient dans la réalisation d’objectifs personnalisés

L’accompagnement se co-construit dès le premier recours, à partir des données du repérage et du choix du patient quant à ses objectifs propres : accompagner sans contraindre permet de garantir une meilleure gestion des consommations.

Tout changement, même s’il semble minime, est légitime et a des effets positifs : ni le sevrage exclusif ni la réduction obligatoire de la consommation d’emblée ne sont les seules possibilités. Ainsi, on pourra d’abord aider la personne à porter un regard différent sur les circonstances, le contexte, l’environnement, l’entourage, le style de vie, afin de les faire évoluer et ainsi agir sur les usages :

  • déritualiser les consommations, réduire leur fréquence et/ou systématisation, afin de prévenir l’habituation et l’évolution vers un trouble de l’usage ;
  • travailler sur les effets recherchés en aidant la personne à identifier des alternatives à l’alcool (relaxation, activité physique, activités socialisantes, etc.) ;
  • travailler sur les autres besoins de la personne, au niveau psychologique et social (souffrance, violences, stress professionnel, précarité, etc.), en lien avec les partenaires spécialisés (professionnels de la santé mentale, associations, CMP, CSAPA, CAARUD, etc., v. fiche 4).

Une réduction de la consommation doit être toujours valorisée en s’assurant que cela soit tenable pour la personne (sans risque de manque ou de mal-être) et en l’accompagnant :

  • valoriser toute réduction (même minime, quotidienne ou hebdomadaire), quel que soit le niveau de consommation de base (faible ou très élevé) ;
  • aider à réduire l’occurrence des fortes alcoolisations ;
  • prévenir des risques du sevrage ;
  • être attentif à la satisfaction des besoins primaires (alimentation, hydratation, sommeil, lien social).

Les fiches 5 à 10 (v. liste dans l’encadré ci-dessous) aident à la réalisation de ces objectifs.

Enfin, accompagner, c’est aussi :

  • maintenir le dialogue ;
  • renforcer les facteurs de protection vis-à-vis de l’alcool ;
  • orienter si besoin (accueil en CSAPA, association d’aide, soutien psychologique, groupe de parole, thérapies familiales) ;
  • faciliter l’accès à une information juste et claire sur l’alcool, aux outils d’évaluation, à tous les accompagnements possibles (sanitaires, psychologiques, sociaux, associatifs ; réseaux +++), y compris via des dispositifs d’auto-support (soutien entre pairs et outils numériques).

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