C’est bien connu, « le vin protège de l’alcoolisme ». Ne rions pas, les médecins étaient nombreux à le clamer lorsqu’en 1915 l’Académie de médecine émit le vœu « que le vin naturel soit introduit en quantité modérée (…) dans la ration réglementaire du soldat », car « donner du vin à nos soldats à la dose modérée de 50 à 75 centilitres par jour, c’est entretenir leurs forces et leur entrain ; c’est les détourner de l’abus d’alcool ». En 1918, le poilu consommait au final 1 litre de vin par jour, une quantité que l’Académie recommanda longtemps de ne pas dépasser…1
Un siècle après c’est Emmanuel Macron lui-même qui, à la veille du Salon de l’agriculture, a relancé ce débat éculé en déclarant « qu’il y a un fléau de santé publique quand la jeunesse se saoule à vitesse accélérée avec des alcools forts ou de la bière, mais ce n’est pas avec le vin ». On voudrait croire à un simple dérapage si le président, qui confie boire du vin midi et soir, n’avait pas aussi indiqué que, pour ne « pas emmerder les Français », il ne durcirait pas la loi Évin (qu’il avait déjà pris pour cible sous le quinquennat Hollande en assouplissant la publicité sur le vin). Subirait-il l’influence d’Audrey Bourolleau, sa conseillère pour l’agriculture ? la Revue du vin de France faisait l’an dernier de celle-ci un portrait bien élogieux : « Pour commencer [lorsqu’elle travaillait pour Vin et Société, une structure du lobby viticole], elle a contré efficacement les messages anti-vin adressés depuis le milieu des années 2000 par les ligues antialcooliques telles que l’Anpaa, la Mildt, l’OFDT, l’Inpes (…) elle comprit très vite que la filière vin devait produire des études scientifiques et des enquêtes sociologiques sur le vin, sa culture, son poids économique plutôt que de rester sur la défensive face aux attaques du lobby sanitaire diffusant des énormités du genre “ le vin est cancérigène dès le premier verre ” ».2
En matière de santé publique, le gouvernement a pris des mesures courageuses et souvent impopulaires dont les 11 vaccins obligatoires, l’augmentation forte du prix des cigarettes ou la limitation de la vitesse à 80 km à l’heure sur les routes secondaires. On aurait aimé sur le risque alcool le même volontarisme … Le président ignore-t-il l’envers lamentable du décor ? Citons ce que répondaient au déni présidentiel les auteurs d’une récente tribune : « Chacun entretient un rapport singulier avec l’expérience d’usage, avec ses plaisirs et conséquences variables selon ses plus ou moins grandes vulnérabilités aux effets de l’éthanol. Et ne sous-estimons pas la difficulté à en garder le contrôle, encore moins chez les populations jeunes : l’exercice du libre arbitre est un bien précieux. La société doit le garantir et le faciliter par une régulation adaptée de l’accessibilité aux produits concernés et des excès de la publicité et du marketing. Mais les enjeux économiques à court terme ne peuvent être l’alpha et l’oméga des politiques publiques (…) [celles-ci] doivent prendre en considération leur impact sur la santé des populations, établi par les travaux scientifiques. Le président de la République est garant du bien-être de toutes et de tous, y compris des plus vulnérables. Il faut se montrer prudent quand on parle de l’alcool, et ne pas en rester à son bon plaisir, surtout quand les conséquences pour la santé en sont souvent plus lourdes qu’un simple « emmerdement ».3 Ce n’est pas nuire à la belle tradition viticole de la France que de le rappeler.
Un siècle après c’est Emmanuel Macron lui-même qui, à la veille du Salon de l’agriculture, a relancé ce débat éculé en déclarant « qu’il y a un fléau de santé publique quand la jeunesse se saoule à vitesse accélérée avec des alcools forts ou de la bière, mais ce n’est pas avec le vin ». On voudrait croire à un simple dérapage si le président, qui confie boire du vin midi et soir, n’avait pas aussi indiqué que, pour ne « pas emmerder les Français », il ne durcirait pas la loi Évin (qu’il avait déjà pris pour cible sous le quinquennat Hollande en assouplissant la publicité sur le vin). Subirait-il l’influence d’Audrey Bourolleau, sa conseillère pour l’agriculture ? la Revue du vin de France faisait l’an dernier de celle-ci un portrait bien élogieux : « Pour commencer [lorsqu’elle travaillait pour Vin et Société, une structure du lobby viticole], elle a contré efficacement les messages anti-vin adressés depuis le milieu des années 2000 par les ligues antialcooliques telles que l’Anpaa, la Mildt, l’OFDT, l’Inpes (…) elle comprit très vite que la filière vin devait produire des études scientifiques et des enquêtes sociologiques sur le vin, sa culture, son poids économique plutôt que de rester sur la défensive face aux attaques du lobby sanitaire diffusant des énormités du genre “ le vin est cancérigène dès le premier verre ” ».2
En matière de santé publique, le gouvernement a pris des mesures courageuses et souvent impopulaires dont les 11 vaccins obligatoires, l’augmentation forte du prix des cigarettes ou la limitation de la vitesse à 80 km à l’heure sur les routes secondaires. On aurait aimé sur le risque alcool le même volontarisme … Le président ignore-t-il l’envers lamentable du décor ? Citons ce que répondaient au déni présidentiel les auteurs d’une récente tribune : « Chacun entretient un rapport singulier avec l’expérience d’usage, avec ses plaisirs et conséquences variables selon ses plus ou moins grandes vulnérabilités aux effets de l’éthanol. Et ne sous-estimons pas la difficulté à en garder le contrôle, encore moins chez les populations jeunes : l’exercice du libre arbitre est un bien précieux. La société doit le garantir et le faciliter par une régulation adaptée de l’accessibilité aux produits concernés et des excès de la publicité et du marketing. Mais les enjeux économiques à court terme ne peuvent être l’alpha et l’oméga des politiques publiques (…) [celles-ci] doivent prendre en considération leur impact sur la santé des populations, établi par les travaux scientifiques. Le président de la République est garant du bien-être de toutes et de tous, y compris des plus vulnérables. Il faut se montrer prudent quand on parle de l’alcool, et ne pas en rester à son bon plaisir, surtout quand les conséquences pour la santé en sont souvent plus lourdes qu’un simple « emmerdement ».3 Ce n’est pas nuire à la belle tradition viticole de la France que de le rappeler.
1. Fillaut T. Jamais plus d’un litre de vin par jour ! L’Académie et le pinard (1914-1918). Rev Prat 2016;66:574-6.
2. Baudouin J, Saverot D. Audrey Bourolleau : la Madame Agriculture d’Emmanuel Macron est une championne du vin ! La Revue du vin de France du 9 mai 2017.
3. Rush E, Couteron JP, Lombrail P. Alcool : « le président Macron doit garantir le bien-être de tous, y compris des plus vulnérables ». Le Monde du 28 février 2018.
2. Baudouin J, Saverot D. Audrey Bourolleau : la Madame Agriculture d’Emmanuel Macron est une championne du vin ! La Revue du vin de France du 9 mai 2017.
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