Le « Dry January » motive de nombreux patients à réduire leur consommation d’alcool pour bien démarrer l’année. Mais, pour l’alcool tout autant que pour le tabac et le cannabis – les trois substances psychoactives les plus consommées par les Français –, c’est toute l’année que le médecin traitant est confronté à des consommations à risque chez ses patients, et qu’il doit ainsi savoir les évaluer et proposer des interventions. La HAS a élaboré une fiche-outil très simple pour faciliter cette tâche.

L’objectif de cette fiche est d’aider les professionnels de premier recours à :

  • évaluer précocement la consommation d’alcool, tabac et/ou cannabis chez les adultes, et son niveau de risque ;
  • proposer une intervention brève chez les consommateurs à risque ;
  • assurer un accompagnementdurable pour favoriser la réduction ou l’arrêt de ces consommations.

 

Repérage précoce de la consommation

En France, une part importante de la population a une consommation à risque d’alcool, tabac et cannabis :

  • 23,6 % des personnes de 18-75 ansdépassent les repères de consommation d’alcool établis par Santé publique France, qui sont de maximum 2 verres par jour et pas tous les jours (données du Baromètre santé 2017) ;
  • 31,8 % des personnes de 18-75 fument, et 25,5 % sont des fumeurs quotidiens (données du Baromètre santé 2020) ;
  • 10,6 % des 18-64 ans ont un usage « actuel » de cannabis (c’est-à-dire dans l’année), les usages au cours du dernier mois concernent 3,0 % et 1,7 % respectivement pour un usage régulier et quotidien (données de 2021 de l’Observatoire français des drogues et des tendances actives [OFDT]).

 

Le médecin traitant est donc confronté régulièrement à des patients ayant ces consommations à risque : il est ainsi le plus à même d’en effectuer un repérage précoce pour mettre en place une prévention et, le cas échéant, un accompagnement adéquat.

 

À quelle fréquence repérer ?Au moins une fois par an pour tous les patients, si possible, et/ou à tout moment opportun (changements biopsychosociaux), ainsi que dans les situations particulièrement à risque :grossesse, précarité, conduite de véhicules, poste de sécurité, conditions de stress psychosocial (échec scolaire, examens, changement de travail, retraite, divorce, deuil, etc.).

Les questions sont simples (v. tableau 1) et permettent d’orienter la conduite du praticien vers une évaluation plus précise du risque (v. ci-dessous), si besoin.

Évaluer le risque associé

Plus les consommations sont précoces, intenses, régulières, multiples et en solitaire, plus le risque de dommages augmente.

Le questionnaire FACE (v. tableau 2) permet, en 5 questions, d’évaluer le niveau de risque d’une consommation d’alcool.

Le questionnaire CAST (v. tableau 3) en 6 questions sert, quant à lui, à évaluer une consommation à risque de cannabis.

Quant au tabac, une réponse positive à la simple question « fumez-vous du tabac » suffit à conseiller l’arrêt et proposer un accompagnement.

Certaines situations entraînent une majoration du risque de dommages de la consommation d’alcool :

  • grossesse : toute consommation pendant la grossesse est à risque ;
  • < 25 ans : toute consommation régulière d’alcool en dessous de 25 ans est à risque ;
  • interactions alcool-médicaments ;
  • maladies chroniques ;
  • patients âgés, ayants de troubles psychiatriques ou prenant des médicaments psychotropes.

 

Certaines pratiques majorent aussi les dommages :

 

  • consommation épisodique massive (binge drinking ou ivresse aiguë) : à partir de 6 verres standard (soit 60 g d’alcool) par occasion ;
  • association avec le cannabis ou d’autres substances psychoactives.

 

De façon générale, les facteurs de risque d’installation d’une conduite addictive sont à rechercher : liés aux modes de consommation (précocité, cumul, répétition, excès, usage à visée autothérapeutique), facteurs individuels (tempérament, faible niveau de sociabilité, faible estime de soi, difficultés personnelles, événements traumatiques, comorbidités psychiatriques…), environnementaux (familiaux, professionnels, situation sociale…), etc.

 

Intervention et accompagnement

En dehors des situations où une consultation en addictologie doit être proposée d’emblée, le médecin traitant peut proposer une première intervention brève visant à réduire ou arrêter la consommation de substance(s) psychoactive(s) ; elle consiste à :

  • restituer les résultats des questionnaires de consommation ;
  • informer sur les risques liés à la consommation de ces substances ;
  • évaluer avec le patient ses risques personnels et selon la situation ;
  • identifier ses représentations et ses attentes ;
  • échanger sur l’intérêt personnel de l’arrêt ou de la réduction de la consommation ;
  • expliquer les méthodes utilisables pour réduire ou arrêter sa consommation ;
  • proposer des objectifs et laisser le choix ;
  • évaluer la motivation, le bon moment et la confiance dans la réussite de la réduction ou de l’arrêt de la consommation ;
  • donner la possibilité de réévaluer dans une autre consultation ;
  • remettre une brochure ou orienter vers un site, une application, une association, un forum...

 

Le praticien peut aussi accompagner de manière durable, pour favoriser la réduction ou l’arrêt de consommation à long terme, les rechutes étant fréquentes.

 

En cas de reprise de la consommation, de survenue de dommages ou de dépendance, une consultation de type entretien motivationnel ou le recours à une consultation d’addictologie sont proposées.

La fiche HAS contenant l’ensemble de ces éléments est téléchargeable sur ce lien.

Enfin, un « kit addictions », plus détaillés – que nous avions synthétisés dans un précédent article – ont été élaborés par le Collège de la médecine générale : chacune des fiches de ce kit est également téléchargeable (v. liens dans l’encadré ci-dessous).

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