Bien des crises sanitaires pourraient être désamorcées si les signaux d’alerte étaient détectés à temps. Si parfois le risque pour la santé était connu mais négligé (le scandale est alors difficile à éviter), dans d’autres cas c’est une découverte. Dans l’attente de le confirmer, quelles mesures prendre pour protéger les patients ?
L’alerte récente sur le danger potentiel des dialysats au citrate utilisés dans l’hémodialyse est, à cet égard, un cas d’école. Les « bains de dialyse » utilisés par les générateurs d’hémodialyse sont considérés comme des dispositifs médicaux, soumis donc seulement à un simple marquage CE. Des trois bains de dialyse – HCL, acétate ou citrate –, c’est le dernier qui s’est imposé : il serait moins agressif pour les circuits des générateurs de dialyse, préviendrait par un effet vasoconstricteur les chutes de pression en cours de séance et limiterait la coagulation dans les circuits… Aucune littérature ne semblait exister sur le suivi au long cours des malades dialysés avec ce produit jusqu’à ce que le Dr Lucile Mercadal présente en octobre, au congrès de la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT), une étude montrant une surmortalité de 40 % chez les patients dialysés avec du citrate, laquelle passa plutôt inaperçue jusqu’à ce que la fondatrice de l’association RENALOO (v. aussi p. 1105), Yvanie Caillé, ne la découvre.1 L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est aussitôt contactée. Elle se déclare non informée et provoque immédiatement (sans doute échaudés par la polémique sur les dispositifs médicaux) une réunion avec la SFNDT, l’Agence de la biomédecine, les responsables de l’étude et les associations de malades concernées, mais pas les industriels. Il en ressort que l’étude ne permet pas de conclure, mais qu’elle est suffisante pour lancer une alerte et d’autres investigations. Dans l’attente, l’information délivrée aux malades et aux professionnels de santé sera transparente, et le citrate ne sera prescrit que dans le cadre de recommandations en cours d’élaboration rapide et si possible uniquement en deuxième intention. Une commission de suivi est instituée, qui doit rencontrer les industriels pour analyser les données éventuelles en leur possession et gérer la nouvelle donne de l’approvisionnement des centres de dialyse.
Quelles leçons en tirer ? La première est de rappeler le signalement obligatoire de tout effet indésirable repéré, ce qui n’avait pas été le cas ici. Cela renforce la légitimité des associations de malades qui sont les mieux placées pour connaître les difficultés et les inquiétudes des patients et dont le regard extérieur, comme celui des journalistes, est parfois plus à même de repérer dans un océan de données une information critique. L’affaire montre aussi la nécessité d’agir vite avec toutes les parties prenantes face à tout danger potentiel pour les malades. Il faut protéger ces derniers (quitte à être démenti plus tard par des données plus rassurantes) mais aussi les professionnels et les institutions à qui on pourrait reprocher plus tard d’avoir négligé des faits potentiellement graves (« vous saviez et vous n’avez rien fait »). Il faut enfin mieux contrôler les dispositifs médicaux : ainsi les dialysats dont certains éléments s’échangent avec le sang devraient être plus logiquement considérés comme des médicaments et être évalués en conséquence. C’est toute une philosophie de la vigilance qu’il faut assurément revoir.
L’alerte récente sur le danger potentiel des dialysats au citrate utilisés dans l’hémodialyse est, à cet égard, un cas d’école. Les « bains de dialyse » utilisés par les générateurs d’hémodialyse sont considérés comme des dispositifs médicaux, soumis donc seulement à un simple marquage CE. Des trois bains de dialyse – HCL, acétate ou citrate –, c’est le dernier qui s’est imposé : il serait moins agressif pour les circuits des générateurs de dialyse, préviendrait par un effet vasoconstricteur les chutes de pression en cours de séance et limiterait la coagulation dans les circuits… Aucune littérature ne semblait exister sur le suivi au long cours des malades dialysés avec ce produit jusqu’à ce que le Dr Lucile Mercadal présente en octobre, au congrès de la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT), une étude montrant une surmortalité de 40 % chez les patients dialysés avec du citrate, laquelle passa plutôt inaperçue jusqu’à ce que la fondatrice de l’association RENALOO (v. aussi p. 1105), Yvanie Caillé, ne la découvre.1 L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est aussitôt contactée. Elle se déclare non informée et provoque immédiatement (sans doute échaudés par la polémique sur les dispositifs médicaux) une réunion avec la SFNDT, l’Agence de la biomédecine, les responsables de l’étude et les associations de malades concernées, mais pas les industriels. Il en ressort que l’étude ne permet pas de conclure, mais qu’elle est suffisante pour lancer une alerte et d’autres investigations. Dans l’attente, l’information délivrée aux malades et aux professionnels de santé sera transparente, et le citrate ne sera prescrit que dans le cadre de recommandations en cours d’élaboration rapide et si possible uniquement en deuxième intention. Une commission de suivi est instituée, qui doit rencontrer les industriels pour analyser les données éventuelles en leur possession et gérer la nouvelle donne de l’approvisionnement des centres de dialyse.
Quelles leçons en tirer ? La première est de rappeler le signalement obligatoire de tout effet indésirable repéré, ce qui n’avait pas été le cas ici. Cela renforce la légitimité des associations de malades qui sont les mieux placées pour connaître les difficultés et les inquiétudes des patients et dont le regard extérieur, comme celui des journalistes, est parfois plus à même de repérer dans un océan de données une information critique. L’affaire montre aussi la nécessité d’agir vite avec toutes les parties prenantes face à tout danger potentiel pour les malades. Il faut protéger ces derniers (quitte à être démenti plus tard par des données plus rassurantes) mais aussi les professionnels et les institutions à qui on pourrait reprocher plus tard d’avoir négligé des faits potentiellement graves (« vous saviez et vous n’avez rien fait »). Il faut enfin mieux contrôler les dispositifs médicaux : ainsi les dialysats dont certains éléments s’échangent avec le sang devraient être plus logiquement considérés comme des médicaments et être évalués en conséquence. C’est toute une philosophie de la vigilance qu’il faut assurément revoir.
1. Étude réalisée sous l’égide de l’Inserm réalisée à partir de données extraites du registre REIN de l’Agence de la biomédecine, avec le soutien financier de la firme Fresenius commercialisant un des dialysats au citrate…) non encore publiée.