Bien que rares et considérées comme relevant du spécialiste, ces céphalées méritent d’être connues du généraliste car, compte tenu de leur sévérité, elles peuvent nécessiter un traitement antalgique en urgence. Comment faire le diagnostic ? Comment les distinguer des migraines et des autres céphalées trigémino-autonomiques ? Quelles nouveautés dans la prise en charge ?
L’algie vasculaire de la face est la plus fréquente des céphalées trigémino-autonomiques, mais elle est environ 25 fois moins fréquente que la migraine : elle affecte 1 adulte sur 1 000 en population générale, surtout des hommes jeunes et fumeurs.
Un tableau clinique typique
La douleur est décrite comme atroce à type de broiement, arrachement (les patients évoquent « un pieu ou un fer rouge enfoncé dans l’œil »), strictement unilatérale, localisée en orbito-temporal, mais irradiant souvent en hémicrânie, avec une composante cervicale associée. La crise dure de 15 à 180 minutes, survenant 1 à 8 fois par jour, surtout pendant la nuit.
Deux formes sont décrites : dans la forme épisodique (80 % de cas) les crises surviennent par périodes de 2 à 8 semaines, 1 ou 2 fois par an ; dans la forme chronique, elles surviennent régulièrement sans rémission pendant au moins 1 an ou avec des intervalles libres < 3 mois. Habituellement, le côté atteint est toujours le même.
Au cours de la crise, pour porter le diagnostic, au moins un signe végétatif (injection conjonctivale et/ou larmoiement, congestion nasale et/ou rhinorrhée, œdème palpébral, transpiration du front et/ou de la face, rougeur du front et/ou de la face, impression de plénitude de l’oreille, myosis et/ou ptosis) ou une agitation doivent être retrouvés. Entre les crises, le signes disparaissent mais – rarement – certains sujets conservent un signe de Claude-Bernard-Horner (chute de la paupière supérieure, myosis et énophtalmie). À l’acmé de la douleur, certains patients peuvent avoir des vomissements.
Quels diagnostics différentiels ?
Le diagnostic est exclusivement clinique mais une IRM cérébrale est indiquée de façon systématique pour écarter une cause secondaire, notamment des lésions tumorales ou vasculaires de la région hypophysaire et du sinus caverneux.
L’algie vasculaire de la face peut être confondue avec la migraine, surtout quand cette dernière se traduit par des crises avec nausées et phono-photophobie. Néanmoins, la crise migraineuse est moins intense mais de plus longue durée (4 à 72 heures) et les signes dysautonomiques éventuellement associés sont moins intenses et le plus souvent bilatéraux. Surtout, la migraine s’accompagne d’un comportement de repli opposé à l’agitation motrice de l’algie vasculaire de la face.
Les autres céphalées trigémino-autonomiques (aussi strictement unilatérales) se différencient de l’algie vasculaire de la face par leur moindre prédominance masculine, l’absence de périodicité et, surtout, par la durée et la fréquence des crises (tableau).
Quelle prise en charge ?
Une fois le diagnostic posé après normalité de l’IRM, il faut expliquer au patient la maladie, l’absence de gravité, l’inutilité des traitements « invasifs », dentaires et ORL. L’évaluation du retentissement social, professionnel et familial est indispensable. Ces patients ont souvent des comorbidités importantes, dont la dépression (56 %), l’agoraphobie (33 %) et les tendances suicidaires (25 %) pouvant conduire à un isolement terrible. L’alcool doit être évité car il déclenche les crises.
Le traitement de crise, prescrit à tous les patients, repose sur du sumatriptan dans sa forme injectable (Imiject ou SUN) avec auto-injecteur (à prendre dès le début de la crise sans dépasser 2 injections par jour ; respecter un délai minimal de 1 heure entre les 2). Il est contre-indiqué en cas d’antécédents coronariens et d’allergie aux sulfamides. La prescription est faite sur une ordonnance d’exception.
Si le patient fait plus de 2 crises par jour, ou ne souhaite pas faire de piqûres, l’oxygénothérapie est prescrite, 12-15 L/min pendant 15-30 minutes au masque, au domicile (elle est remboursée, mais doit être prescrite par un neurologue, ORL ou spécialiste de la douleur).
Récemment, deux études cliniques ont montré l’efficacité de la stimulation non invasive du nerf vague chez des patients ayant une forme épisodique (mais non chronique). Contre-indications : dispositifs implantés (pacemaker…).
Le traitement de fond (prophylactique) peut être envisagé pour les formes épisodiques à longues périodes douloureuses (uniquement pendant ces phases) et chroniques (administré en permanence). Il repose en premier lieu sur le vérapamil (souvent à une posologie quotidienne supérieure aux doses utilisées en cardiologie et nécessitant alors une surveillance électrocardiographique) et le lithium (Téralithe, posologie moyenne de 750 mg/j).
Pour casser une poussée évolutive, on peut faire appel à un traitement « transitionnel » par corticothérapie orale (prednisolone 1 mg/kg, pendant quelques jours) ou injections sous-occipitales de corticoïdes (cortivazol).
Enfin, dans les formes réfractaires (évolution depuis au moins 3 ans, avec crises quotidiennes malgré un traitement bien conduit par vérapamil et lithium), une technique par neuromodulation peut être proposée. La stimulation du nerf grand occipital (bilatérale) est à préférer aux autres méthodes de stimulation (ganglion sphéno-palatin, hypothalamus, plancher du 4e ventricule), car elle est moins invasive et a démontré une grande efficacité.
Les anticorps monoclonaux anti-CGRP (galcanézumab) sont en cours d’étude dans l’indication « traitement de fond de l’algie vasculaire de la face » sous forme d’injection mensuelle sous-cutanée ; ils seraient efficaces à des doses plus fortes que celles utilisés dans la migraine (300 mg).
Que dire à vos patients ?
Le site de l’Association française contre l’algie vasculaire de la face propose des informations utiles et pratiques à destination des patients :
Roos C. Item 99 (ancien 97). Migraine, névralgie du trijumeau et algies de la face. Rev Prat 2018;68(9);e339-350.
Lantéri-Minet M. Céphalées trigémino-autonomiques. Rev Prat Med Gen 2018;32(1001);361-2.
Schindler EAD, Burish MJ. Recent advances in the diagnosis and management of cluster headache. BMJ 16 mars 2022.