Omniprésent dans l’alimentation quotidienne, le blé est responsable d’allergies aux multiples tableaux cliniques : urticaire, anaphylaxie alimentaire induite par l’exercice, troubles digestifs, asthme professionnel… Les notions clés pour s’en sortir en médecine générale.

Une centaine de protéines

Le blé (Triticum aestivum), au même titre que le seigle et l’orge, fait partie de la famille des Triticées. Ses protéines sont réparties selon la classification de T.B. Osborne établie en fonction de leur solubilité (fig. 1). L’association de la gliadine (prolamine du blé) et des gluténines forme le gluten du blé.

Cette complexité de composition rend parfois difficile le diagnostic d’une allergie, avec 28 allergènes identifiés, dont certains sont associés à des pathologies allergiques spécifiques IgE-médiées (en bleu dans la fig. 1).

Une multiplicité de tableaux cliniques

Le contact avec le blé peut emprunter diverses voies :

  • ingestion via des préparations culinaires ou le lait maternel ;
  • voie cutanée (application des cosmétiques en contenant) ;
  • contamination croisée (via une surface en contact avec de la farine de blé) ;
  • inhalation, dans le contexte d’une activité professionnelle ;
  • « procuration », avec un(e) partenaire en ayant préalablement consommé.

De nombreux mécanismes peuvent être incriminés, avec des conséquences variables pouvant aller jusqu’à l’anaphylaxie pour les allergies IgE-médiées (fig. 2).

Les allergies IgE-médiées

Attention à ne pas confondre allergie au blé et intolérance au gluten. En effet, les mécanismes sont totalement différents, ainsi que les risques liés.

On distingue différents types d’allergies.

Forme classique IgE-médiée au blé

L’allergie alimentaire IgE-médiée apparaît classiquement dans les quelques minutes à deux heures après le contact. Elle entraîne l’apparition d’une urticaire, d’un œdème de Quincke et/ou d’une réaction anaphylactique selon le stade de sévérité.

Les tests cutanés et le dosage des IgE-spécifiques corrélés à l’histoire clinique permettent d’affirmer le diagnostic. L’éviction est préconisée. Cependant, depuis quelques années, l’induction de tolérance orale (ITO) – parfois renforcée dans son protocole par la prise d’omalizumab – est proposée dans certaines indications.

Anaphylaxie alimentaire au blé induite par l’exercice (AAIE)

Cette forme sévère de réaction allergique IgE-médiée a été décrite en 1980, le blé restant l’aliment le plus souvent en cause. Il s’agit de l’apparition de signes d’anaphylaxie pendant ou au décours d’un effort physique précédé par la consommation d’un aliment. Cependant, en l’absence d’effort, le même aliment consommé n’entraîne aucun symptôme. Les manifestations cliniques sont majorées en cas de prise concomitante d’AINS, d’aspirine, de bêtabloquant, d’alcool, d’IEC.

Les allergènes incriminés sont le ω5 gliadine (Tri a 19) et plus rarement la LTP du blé (Tri a 14).

Le diagnostic repose sur l’anamnèse corrélée à un prick-test positif, un dosage d’IgE spécifique positif (blé alimentaire, code f4 ; IgE anti r Tri a 1, code f 433 ; IgE anti r Tri a 19, code f 416).

Le bilan est impérativement complété en milieu hospitalier par un test de provocation orale couplé à un test d’effort.

La conduite à tenir recommandée est de ne pas consommer de blé (sous n’importe quelque forme) dans les 5 heures précédant un effort (danse, course, vélo…). Par précaution, la personne ayant déjà eu ce type de réaction doit se munir de son stylo auto-injecteur d’adrénaline durant son jogging ou tout autre activité physique.

Asthme du boulanger

Cette pathologie professionnelle est liée à l’inhalation de différents allergènes, dont les farines de céréales (blé > seigle), les acariens de stockage, certaines moisissures et additifs dont les enzymes (alpha amylase, xylanase) font partie. C’est une des causes les plus fréquentes d’asthme professionnel. Un terrain atopique est un facteur de risque.

Plusieurs arguments plaident en faveur d’une cause professionnelle :

  • la rythmicité des symptômes : apparition des troubles respiratoires en relation avec la manipulation des farines dans le laboratoire du boulanger ; la baisse du débit de pointe mesuré sur le lieu de travail est utile pour l’orientation diagnostique ;
  • la positivité de tests cutanés (aux farines utilisées) corrélée avec la clinique ;
  • les allergènes responsables sont de plusieurs natures (Tri a 14, Tri a 21, Tri a 37, Tri a 28, Tri a 29.01) ; cependant, à ce jour, les IgE spécifiques ne sont pas disponibles excepté pour Tri a 14 ;
  • l’arrêt des signes respiratoires (toux, sifflements pulmonaires, dyspnée) en dehors de toute activité professionnelle ;
  • la réalisation d’EFR avec syndrome obstructif ;
  • dans de rares cas, en cas de doute (négativité des tests cutanés et des IgE spécifiques mais troubles respiratoires évocateurs sur le lieu de travail), un test de provocation réaliste en cabine au CHU peut s’avérer nécessaire.

L’asthme professionnel lié au « broyage des grains de céréales alimentaires, ensachage et utilisations de farines » rentre dans le cadre du tableau 66 du régime général de la sécurité sociale, contrairement à celui lié aux enzymes (tableau 63).

Allergies alimentaires non IgE-médiées

Classiquement, on retrouve les deux principaux tableaux cliniques à expression digestive que sont l’œsophagite à éosinophiles et le SEIPA. Les tests cutanés en prick et le dosage des IgE spécifiques sont dans ces cas négatifs.

Quelle prévention ?

Éviter les contaminations croisées

En cuisine, durant la préparation de plats qui contiennent de la farine de blé, le risque de contamination croisée existe. Il s’agit donc d’être très vigilant en présence d’une personne qui réagit au gluten ou est allergique aux protéines de blé. D’après une étude de 2018, l’utilisation d’une louche pour la manipulation des aliments est associée à un risque de contamination croisée supérieur comparé à celui lié à une cuillère en bois, un couteau ou une passoire. Il est cependant recommandé de laver toujours les ustensiles entre les manipulations. Les auteurs recommandent aussi de garder, dans une cuisine, une distance d’au moins 2 mètres entre une zone avec manipulation de farine de blé et une zone sans gluten.

Scruter les étiquetages

Le gluten fait partie des 14 allergènes à étiquetage obligatoire.

Les produits étiquetés « sans gluten » doivent contenir en gluten moins de 20 mg/kg (20 ppm), alors que les produits « à faible teneur en gluten » reçoivent cette appellation lorsqu’ils contiennent une quantité inférieure à 100 mg/kg (100 ppm).

Toutes les autres mentions n’ont aucun caractère réglementaire et ne garantissent pas l’absence de contamination.

Encadre

Une nouvelle allergie : hydrolysats de protéines de gluten de blé

Les hydrolysats de protéines de gluten de blé – obtenus par désamidation du gluten par voie enzymatique ou chimique – rentrent aujourd’hui dans la composition de plusieurs cosmétiques (savons, shampooings, après-shampooing, crèmes…) ou aliments industriels (jambons et tranches de dinde reconstituées, sandwichs du commerce, escalopes de dinde panées, pâté en croûte industriel, viennoiseries, sauces…).

Ces nouveaux allergènes peuvent entraîner des allergies IgE-médiées pouvant aller jusqu’à l’anaphylaxie. Au Japon, par exemple, 2 000 utilisateurs réguliers d’une marque de savon pour visage contenant un hydrolysat de blé (GP19S ou glupearl 19 S) ont déclenché une réaction anaphylactique IgE-médiée après consommation d’un produit industriel en contenant. Des réactions de type AAIE au blé ont également été observées, avec sensibilisation préalable à cet hydrolysat de blé. Quelques cas sont signalés en France même si l’hypothèse d’une prédisposition génétique chez les Japonais a été avancée. Attention : les hydrolysats de blé ne font pas partie des 14 allergènes à étiquetage obligatoire.

Pour en savoir plus
Ricci G, Andreozzi L, Cipriani F, et al. Wheat Allergy in Children: A Comprehensive Update.  Medicina (Kaunas) 2019;55(7):400.
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Caron N. Hypersensibilité au gluten/au blé non cœliaque : mode ou réalité ?  Rev Fr Allergol 2019;59(3):212-3.
Codreanu-Morel F. Les allergènes transformés : exemples des isolats de blé.Rev Fr Allergol 2012;52(3):138-40.
Nakamura M, Yagami A, Hara K, et al. Évaluation de la réactivité croisée des antigènes dans Glupearl 19S et d’autres protéines de blé hydrolysées dans les cosmétiques.  Contact Dermatitis 2016;74(6):346-52.
Yanagida N, Takei M, Saito A, et al. Réactivité croisée clinique du blé et de l'orge chez les enfants allergiques au blé.  Pediatr Allergy Immunol 2022;33(11):e13878.
Attia A, Benziane S. Induction de tolérance à la farine de blé chez un enfant allergique à profil LTP entraînant une tolérance à l’ensemble des LTP.Rev Fr Allergol 2020;60(4):360.
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Pacharn P, Vichyanond P. Immunotherapy for IgE-mediated wheat allergy.  Hum Vaccin Immunother 2017;13(10):2462-6.
Cianferoni A. Wheat allergy: diagnosis and management.  J Asthma Allergy 2016;9:13-25.
Studerus D, Ilg Hampe E, Fahrer D, et al. Vavricka,Cross-Contamination with Gluten by Using Kitchen Utensils: Fact or Fiction? J Food Protect 2018;81(10):1679-84.

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