Une symptomatologie à plusieurs facettes
Le mode de sensibilisation et le déclenchement des manifestations varient en fonction de la voie d’exposition. Le plus souvent sont observées des manifestations IgE-dépendantes à type de rhinoconjonctivite, d’asthme et/ou d’œdème palpébral chez le consommateur par inhalation de la fumée directe ou de façon passive par l’entourage.
La peau n’est pas épargnée, avec un risque d’urticaire de contact ou l’exacerbation d’un eczéma atopique lors de la manipulation de la plante.
Quant à l’ingestion de space cake, de graines de cannabis ou de thé à la marijuana, l’évolution vers une anaphylaxie est possible.
Enfin, la moisissure Aspergillus colonise l’herbe utilisée pour la confection des joints et peut engendrer un asthme sévère.
Les allergènes responsables
À ce jour, seuls quatre allergènes sont officiellement identifiés et répertoriés :
- Can s 2 : profiline
- Can s 3 : LTP (protéine de transfert lipidique)
- Can s 4 : oxygen-evolving enhancer protein 2
- Can s 5 : homologue de Bet v 1 de la famille des PR10 (du bouleau)
D’autres potentiels allergènes, identifiés depuis 2013 (RuBisCO ou ribulose-1,5-bisphosphate carboxylase oxygénase ; ATP synthase ; phosphoglycérate kinase ; glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase), ne font pas, pour l’instant, partie de la nomenclature internationale.
Le syndrome cannabis-fruits et légumes
Le phénomène d’allergie croisée n’épargne pas les consommateurs de cannabis. En cause : la famille des LTP non détruits par la chaleur ou la digestion. En particulier, Can s 3 peut par homologie de structure entraîner des réactions avec différentes LTP comme l’allergène Pru p 3 de la pêche (risque d’anaphylaxie). D’autres aliments sont concernés comme la pomme, la cerise, la noisette, la tomate, consommées crues ou cuites, mais aussi le pamplemousse, l’orange, la bière, le vin.
Comment faire le diagnostic ?
L’interrogatoire préalable est parfois difficile en raison du caractère illicite de la consommation en France. Un arbre décisionnel (voir figure 4 de cet article) a été proposé en 2022 par trois instances allergologiques internationales*, mais son application reste difficile car il faut tenir compte du caractère illégal ou dépénalisé de la consommation à visée médicale ou festive et de la disponibilité des tests dans les différents pays ou États.
En 2019, des spécialistes belges ont réalisé une étude sur 371 patients (120 allergiques au cannabis et 251 témoins). Il en ressort que les prick-tests réalisés avec des matières premières fournies par le patient sont fortement déconseillés en raison de leur nature aléatoire. Ainsi, dans cette étude, l’équipe médicale utilise donc un extrait de chanvre agricole fabriqué par un laboratoire spécialisé. Cependant, de faux positifs sont possibles en raison du risque de réaction croisée, par exemple avec l’allergène Bet v 1 du bouleau. Bien évidemment, le test de provocation n’est pas envisageable.
Quant au dosage des IgE spécifiques, les possibilités sont extrêmement limitées. Néanmoins, depuis début 2023, deux dosages sont disponibles en France, mais plutôt à visée de recherche pour l’instant. Il s’agit du dosage IgE anti-chanvre (code U 901) et du dosage IgE anti-LTP r Can s 3 (code U 1368). Le test d’activation des basophiles (TAB) avec un extrait de marijuana est également réservé à la recherche et non remboursé.
En cas d’anaphylaxie à la pêche, le dosage positif de l’IgE anti-Pru p 3 motive à rechercher à l’interrogatoire une possible consommation de cannabis.
Prise en charge
La gestion de l’allergie au cannabis repose sur l’éviction des allergènes sous toutes leurs formes. Les patients ayant un syndrome-fruits légumes doivent être munis d’une trousse d’urgence (adrénaline auto-injectable) et être informés du risque de réaction croisé en cas de sensibilisation à la LTP Pru p 3.
Decuyper II, Van Gasse AV, Faber MA, et al. Exploring the Diagnosis and Profile of Cannabis Allergy. J Allergy Clin Immunol Pract 2019;7(3);983-9.
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Quéquet C. Les nouvelles allergies. Paris: Éditions du Rocher, 2022.