Allergie au vin
Hormis les allergènes du raisin, d’autres protéines allergisantes peuvent être introduites au cours des différentes étapes de vinification. Des réactions allergiques IgE-médiées, certes rares, pouvant aller de l’urticaire jusqu’à l’anaphylaxie à l’effort, sont répertoriées depuis de nombreuses années.
Allergie alimentaire au raisin (Vitis vinifera)
À ce jour, 3 allergènes ont été isolés : la LTP Vit v1 (seule identifiée dans la nomenclature internationale) ; l’endochitinase 4A, présente dans les vins jeunes à saveur de fraise et certains vins italiens ; un allergène mineur de la famille des thaumatines Like (TLP). La symptomatologie comprend l’apparition d’un asthme, d’un angioœdème, d’urticaire ou de manifestations gastro-intestinales dans les quelques minutes à 2 heures après l’ingestion de raisin ou de vin.
Autres allergènes du vin
La levure Saccharomyces cerevisiae utilisée dans l’étape initiale de fermentation peut être incriminée, comme la moisissure (Botrytis cinerea), qui est la pourriture noble du raisin, et la gomme arabique.
La clarification, qui permet d’améliorer l’aspect visuel et la stabilité du vin, est obtenue grâce à l’adjonction, pendant 15 jours à 3 semaines, de colles œnologiques d’origine animale (blanc d’œuf, colle de poisson, caséine) ou végétale (gluten, protéine de lupin et de pois). Ces dernières vont capter les impuretés pour ensuite se déposer au fond des cuves (ces dêpots sont ensuite séparés par la filtration). Les gélatines et collagènes de poisson sont surtout utilisés pour les vins blancs et rosés. Les caséines de lait et protéine d’œuf influent sur la couleur et le goût du vin. Les consommateurs réagissant à ces allergènes alimentaires (lait, œuf, poissons, pois, etc.) peuvent donc avoir des réactions allergiques à ces colles œnologiques.
Étiquetage des vins : du nouveau !
Depuis 2012, en cas d’ajout de plus de 0,25 mg/L de caséine, ovalbumine, lysozyme, etc., leur présence doit être signalée sur l’étiquetage. Depuis le 8 décembre 2023, la nouvelle réglementation européenne impose aux viticulteurs l’obligation d’indiquer la composition de leur vin et la présence d’allergènes sur l’étiquette physique et via un QR code (encadré). Cependant, les vins produits et étiquetés avant cette date peuvent être commercialisés jusqu’à épuisement des stocks.
Allergie à la bière
Le plus souvent, la bière est obtenue à partir de la fermentation de l’orge par des levures comme Saccharomyces cerevisiae, S. carlsbergensis ou plus rarement S. pastorianus (pour les bières lagers) ou Brettanomyces sp, selon le type de bière (brune ou blonde). Le lieu de brassage est également important (l’orge est délaissé au profit du sorgho en Chine, ce qui en fait l’allergène prédominant pour cette boisson en Asie). D’autres végétaux sont parfois utilisés comme le riz, le maïs, le blé, le millet. Le houblon sert à aromatiser la boisson.
Le mécanisme IgE-médié survient après contact avec certains allergènes (qui ne sont pas encore tous identifiés). Pour l’orge (Hordeum vulgare), Hor v14 est répertorié dans la nomenclature internationale. L’allergie se manifeste par l’apparition en quelques minutes à 2 heures de symptômes allant du prurit buccal à la réaction anaphylactique.
Le cas particulier du Campari
Le premier cas d’anaphylaxie après consommation de Campari (utilisé dans le spritz) date de 1994. L’allergène incriminé est un colorant alimentaire naturel (E120 ou carmin de cochenille) que l’on peut retrouver dans d’autres produits (saucisse de Francfort, saucisson, chorizo, tarama, certains bonbons, gâteaux, yaourts, sauces tomate, jus de fruit, médicaments) et certains cosmétiques. Il est extrait de cochenilles femelles (Dactylopius coccus Costa) broyées. Il faut également y penser lorsque des réactions récidivantes apparaissent après ingestion de bonbons, boissons colorées ou de contact avec des cosmétiques de couleur rouge. Attention : il faut faire la différence entre le rouge naturel (E120) et les colorants rouges de synthèse : E124 (rouge cochenille A), E127 (érythrosine), E128 (rouge 2 G) E129 (rouge allura AC).
Diagnostic de l’allergie aux boissons alcoolisées
L’interrogatoire est l’étape initiale essentielle du diagnostic et permet une première approche chronologique :
- Une personne qui a une réaction allergique IgE-médiée après consommation de bière, de vin, de champagne ou de cidre est très vraisemblablement réactive à la levureSaccharomyces cerevisiaeutilisée lors de la fermentation de toutes ces boissons.
- Cette levure est aussi mise en cause lorsqu’une allergie IgE-médiée survient après ingestion de bière artisanale, sans réactions aux bières industrielles ou pression. L’ingrédient initial (orge, sorgho, etc.) est rarement incriminé.
- La notion de répétition de symptômes identiques après la consommation d’une boisson alcoolisée, peu importe l’ingestion concomitante d’autres aliments, est évocatrice.
Concernant les tests allergologiques, les prick-tests avec la boisson suspectée (ou le colorant E120 du Campari) sont complétés par un dosage des IgE spécifiques vis-à-vis de certains allergènes encore peu nombreux dans ce domaine : IgE anti-malt (f 90), IgE antiSaccharomyces cerevisiae (f 45) ; IgE anti-maïs (f 8), IgE anti-rouge carmin de cochenille (f 340). Il faut éliminer l’hypothèse d’une allergie alimentaire où la prise d’alcool est un co-facteur aggravant. Le test de provocation orale est utilisé lorsque la symptomatologie est parlante mais que les tests cutanés sont négatifs.
Diagnostics différentiels
Il faut connaître 2 tableaux cliniques qui ne sont pas allergiques.
L’ « Asian flush syndrome », encore peu connu, atteint une partie de la population d’origine asiatique. Il s’agit d’un déficit enzymatique héréditaire en aldéhyde déshydrogénase 2 (ALDH2). Normalement, dans l’organisme, l’alcool subit deux modifications : l’enzyme alcool déshydrogénase (ADH) transforme, par oxydation, l’éthanol en acétaldéhyde, substance toxique pour notre organisme ; puis c’est au tour de l’enzyme ALDH2 de transformer cet acétaldéhyde en acide acétique facilement éliminé et non toxique. Les symptômes sont très parlants avec, dès les premières gorgées, l’apparition d’une vasodilatation généralisée avec un érythème du visage, du tronc et des membres, une tachycardie, des céphalées parfois associées à des vomissements. La surstimulation des mastocytes par accumulation d’acétaldéhyde peut entraîner une bronchoconstriction.
L’intolérance aux sulfites. Aussi appelés anhydre sulfureux (SO₂), les sulfites (E220 à E228) sont des additifs utilisés de longue date pour limiter la prolifération bactérienne. Ils peuvent être responsables de réactions d’intolérance chez 1 personne sur 500 : maux de tête, obstruction nasale, crise d’asthme, gastralgie, érythème du visage. Ils sont aussi présents dans des aliments de consommation courante : vinaigre, moutarde, certaines conserves, sodas, médicaments, etc. Les vins fabriqués avant 2005 n’avaient aucune obligation d’apposer un étiquetage concernant l’adjonction de sulfites. En cas d’intolérance aux sulfites, on recommande l’éviction des vins et des produits qui contiennent des sulfites en grande quantité
Étiquetage des vins : ce qui est obligatoire
Depuis le 8 décembre 2023, doivent apparaître :
- la dénomination de vente entre parenthèses : AOP, AOC, etc.
- le Tava : taux alcoolémie volumique acquis ;
- le volume du contenu ;
- la provenance ;
- les informations relatives à l’embouteillement ;
- la présence de sulfites, si leur concentration est > à 10 mg par litre ;
- la teneur en sucre pour les mousseux ;
- les numéros de lot ;
- les messages sanitaires destinés aux femmes enceintes ;
- la liste des ingrédients (avec 14 allergènes à déclaration obligatoire de la liste INCO) et les valeurs nutritionnelles (calories/100 mL).
Sbornik M, Rakoski J, Mempel M, et al. IgE-mediated type-I-allergy against red wine and grapes. Allergy 2007;62(11):1339-40.
Wüthrich B. Allergic and intolerance reactions to wine. Allergol Select 2018;2(1):80-8.
Doyen V, Moneret-Vautrin DA, Dron-Gonzales M. Anaphylaxie sévère au vin et au raisin impliquant la LTP de raisin (Vit v 1) : à propos des deux cas. Rev Fr Allergol 2012;52(7):480-3.
Bansal RA, Tadros S, Bansal AS. Beer, Cider, and Wine Allergy. Case Reports Immunol 2017;2017:7958924.
Ramachandran V, Cline A, Summey B, et al. Systemic contact dermatitis related to alcoholic beverage consumption. Dermatol Online J 2019;25(9):13030/qt3zg853qv.
Hinton AN, Goldminz AM. Alcohol-Related Dermatitis: A Review. Dermatitis 2020;31(3):185-90.
Adams KE, Rans TS. Adverse reactions to alcohol and alcoholic beverages. Ann Allergy Asthma Immunol 2013;111(6):439-45.
Bercy infos. Quelles sont les mentions à vérifier sur les étiquettes des bouteilles de vin ?20 septembre 2023.
Kägi MK, Wüthrich B, Johansson SG. Campari-Orange anaphylaxis due to carmine allergy. Lancet 1997;344(8914):60-1.
Miyakawa M, Inomata N, Sagawa N, et al. Anaphylaxis due to carmine-containing foods induced by epicutaneous sensitization to red eye-liner. J Dermatol 2017;44(1):96-7.
Quéquet C. Les nouvelles allergies. Paris: Éditions du Rocher, 2022.
Kawaguchi D, Lee J, Lin MJ, et al. Is Asian flushing syndrome a disadvantage in the labor market? Health Econ 2023;32(7):1478-503.