Rhinite saisonnière : en augmentation
Chaque année, à la même époque, de nombreux allergiques ont ce rendez-vous avec les pollens et son cortège de symptômes. Salves d’éternuements, rhinorrhée antérieure et postérieure, prurit nasal, nez bouché associée ou non à une conjonctivite et/ou un asthme, motivent de nombreuses consultations. D’autant plus que ces dernières années, en raison du réchauffement climatique, les périodes polliniques s’allongent. La pollution atmosphérique (notamment les particules fines) est aussi favorisante : elle a un effet direct sur les voies respiratoires, augmentant l’inflammation et la réactivité bronchique, mais aussi sur l’agressivité des pollens, en altérant leur conformation et leur stabilité.
Dans certains continents, le « thunderstorm asthma » a été décrit : ce phénomène – dû à l’augmentation du taux d’allergènes de pollens dans l’atmosphère après des orages violents – a causé, en 2016, 10 décès par asthme dans la ville de Melbourne.
En complément de la prise en charge symptomatique, les conseils de prévention sont essentiels (fiche-patients ci-dessous, à télécharger ici).
Allergies croisées pollen-aliment
La sensibilisation aux pollens peut induire une sensibilisation vis-à-vis de certains aliments dont les allergènes ont des homologies de structure avec ceux des pollens. La recherche des allergies croisées doit désormais faire partie de l’interrogatoire.
Du syndrome oral à l’anaphylaxie
Le SAPA (syndrome allergie pollens-aliments) induit par l’ingestion de pomme crue est l’un des plus fréquents des syndromes oraux. En effet, 70 % des allergiques à ce fruit le sont aussi au pollen de bouleau par allergie croisée entre allergènes de la famille des PR10.
Ce phénomène concerne aussi d’autres aliments comme la noisette, la carotte, la noix, le céleri, les fruits à noyau, la châtaigne, la poire, le kiwi et l’arachide. La grande particularité des allergènes de la famille des PR10, plus souvent présents dans la pulpe, est d’être détruits par la cuisson et la digestion. Les patients peuvent alors manger la pomme cuite (tarte, compote, confiture). Après consommation de pomme crue, les symptômes sont souvent modérés (prurit labial, buccal, pharyngé ou au niveau des oreilles associé à un léger œdème péribuccal).
Avec d’autres familles allergéniques (v. ci-dessous), les réactions croisées entre pollens et aliments sont plus à risque d’anaphylaxie d’emblée. Mais attention : ces dernières années, ont été rapportées de rares réactions anaphylactiques aux PR10 favorisées par la prise concomitante d’AINS, de bêtabloquants, d’IEC, ou par l’effort post-prandial. Entre 2011 et 2022, 30 cas ont été signalés chez les enfants de moins de 18 ans par le réseau d’allergovigilance (RAV), avec comme responsables surtout le soja, la noisette et le kiwi (et le sport comme facteur favorisant).
Les allergènes en cause
Cinq grandes familles sortent du lot (tableau 1). Les allergies aux PR10 des pommes sont plutôt observées dans le nord de la France, du fait de la prédominance des bouleaux, alors que, dans le sud, les régions riches en cyprès donnent plus de place aux réactions sévères dues aux LTP (lipid transfer proteins) ou GRP (gibberellin-regulated proteins).
La question de l’allergénicité plus importante des fruits et légumes bio est à prendre en compte. En effet, un grand nombre d’allergènes sont des protéines de défense des végétaux vis-à-vis des agressions extérieures (moisissures, changements climatiques) et sont produits en quantité plus importante en l’absence de traitement par insecticides et fongicides industriels.
La pêche, de la famille des rosacées, illustre parfaitement la diversité des possibilités d’allergies croisées pollens-aliments (tableau 2). En cas de SAPA ou de réaction anaphylactique à ce fruit, il faut systématiquement rechercher une allergie pollinique associée passée inaperçue.
Induire une tolérance ?
La désensibilisation par voie sublinguale au pollen de bouleau, efficace sur la rhinite, n’a que peu de retentissement bénéfique sur l’allergie alimentaire. Pour cette raison, depuis quelques années, des protocoles d’ITO (immunothérapie orale) à la pomme crue se multiplient pour la prise en charge du SAPA. Le fruit le plus utilisé est la golden, très riche en allergènes. L’initiation s’effectue en milieu hospitalier après un test de provocation orale. L’efficacité s’étend également à d’autres fruits de la famille des rosacées. L’ITO à la pêche cuite est la plus récente.
Attention aux pollens dans les compléments alimentaires !
Depuis 2018, l’Anses ne cesse de mettre en garde les allergiques aux pollens sur les risques liés à la consommation de produits de la ruche (miel, gelée royales, pelotes de pollens) contenus dans de nombreux compléments alimentaires. Depuis le premier signalement en 1984 chez un apiculteur allergique aux pollens de composées, plusieurs cas d’anaphylaxie ont été rapportés. Ces produits contiennent souvent des pollens sans que cela soit signalé sur l’étiquetage : entre 20 000 et 100 000 grains de pollens sont contenus dans 10 g de miel. Que ce soit sans le miel ou la gelée royale, les pollens les plus présents sont ceux des composés (pissenlit, tournesol, armoise), du bouleau et des graminées.
Fiche-patients. Conseils pour les allergiques aux pollens
- Débuter le traitement médical préventif par antihistaminique avant la date présumée de pollinisation. Pour cela, se référer à l’application « Alerte pollens » disponible gratuitement sur les platesformes de téléchargement ou sur le site du R.N.S.A. (Réseau national de surveillance aérobiologique) : https://pollens.fr/
- Continuer à prendre quotidiennement son traitement médical durant toute la saison de pollinisation, même s’il pleut.
- Rincer les cheveux sous l’eau tous les soirs afin d’éviter que les pollens qui se déposent dans la journée sur le cuir chevelu viennent contaminer les oreillers pendant la nuit. Cela risque de perturber le sommeil avec la persistance des symptômes en raison de ce contact nocturne.
- Éviter de faire du sport ou des balades lors de pics de pollution qui peuvent aggraver l’irritation des voies aériennes et augmenter les symptômes de rhinite ou d’asthme au pollen.
- Aérer l’habitat tôt le matin, ou tard le soir, en dehors des pics de pollution
- Le jardinage est à éviter par temps ensoleillé et venteux. Les pollens allergisants sont dits anémophiles donc transportés par le vent.
- L’utilisation du masque chirurgical peut permettre de diminuer le contact avec les pollens, et donc les symptômes de rhinite allergique.
- Éviter de faire sécher son linge à l’extérieur (risque de dépôt du pollen sur le tissu).
- Bien vérifier le bon fonctionnement des filtres de climatisation dans les voitures, afin que les pollens ne soient pas diffusés dans l’habitacle.
- Le port de lentilles de contact est déconseillé en cas de conjonctivite allergique (risque de kératite avec atteinte de la cornée).
- Éviter le tabagisme actif ou passif qui augmente le risque d’inflammation des bronches et de réactivité au pollen.
- En cas d’allergie alimentaire, aux fruits ou à certains légumes, consulter pour rechercher une allergie croisée pollens-aliments.
- Consulter l’allergologue afin de débuter une désensibilisation spécifique au pollen si le traitement médical prescrit devient inefficace.
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