La vaccination est l’une des interventions de santé publique les plus efficaces en matière de réduction de morbidité et de mortalité. Les réactions allergiques aux vaccins sont rares, bien que potentiellement mortelles. Elles sont estimées entre 1/50 000 et 1/1 000 000 de doses.1 Il faut les différencier des manifestations cliniques non allergiques secondaires à la vaccination – plus fréquentes –, comme les malaises vagaux ou les réactions locales au point d’injection.2
Les réactions allergiques sont généralement immédiates et IgE-médiées. Les symptômes apparaissent dans les deux heures suivant la vaccination ; ils vont de l’éruption urticarienne prurigineuse (grade I) au véritable choc anaphylactique (grade III) avec hypotension, atteinte respiratoire, digestive… L’anaphylaxie aux vaccins concerne entre 1/100 000 et 1/1 000 000 de doses. Les allergènes potentiels sont ici évoqués, ainsi que le risque anaphylactique lors de la vaccination anti-Sars-CoV-2.
Des réactions retardées sont aussi décrites : il semble exister de rares cas de sensibilisation à des constituants des vaccins, qu’il s’agisse du composant vaccinal, d’un excipient, d’un conservateur, d’un adsorbant ou d’un résidu de fabrication. Des exanthèmes maculopapuleux ou des urticaires de survenue retardée sont alors observés. L’hypersensibilité allergique à l’aluminium contenu dans les vaccins est un cas particulier, responsable de la survenue de granulomes persistants post-vaccinaux en regard des sites d’injection, en particulier chez l’enfant.
Allergènes et conduite à tenir
Le tableau 1 détaille les principaux allergènes des vaccins (non exhaustifs) et la conduite à tenir en cas de suspicion ou d’allergie avérée à un composant.1-4
D’autres réactions retardées immunologiques ont été exceptionnellement rapportées (pour une revue détaillée des différents tableaux cliniques selon les vaccins, voir réf. 3) : vascularite leucocytoclasique cutanée après vaccin antigrippal ; pityriasis lichénoïde après vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR), grippe ou tétanos-poliomyélite ; érythème noueux après vaccination contre les papillomavirus humains (HPV), etc. Elles ne requièrent pas de test allergologique.
En cas d’antécédent de mastocytose et en l’absence d’antécédent de réaction à un vaccin, il n’y a pas d’indication à réaliser un bilan allergologique préalable. Il est recommandé d’administrer les vaccins isolément, à dose pleine d’emblée, avec une surveillance de trente minutes après la vaccination.
Diagnostics différentiels
Les effets secondaires suivant l’immunisation post-vaccinale ne sont pas des allergies. Il peut s’agir d’une hyperthermie modérée, de réactions locales, voire de véritables infections menaçant le pronostic vital chez les patients immunodéprimés recevant un vaccin vivant.
Les réactions inflammatoires locales, voire locorégionales, peuvent survenir dans les heures suivant l’injection. Elles peuvent persister plusieurs jours, et le traitement est symptomatique, consistant à appliquer un dermocorticoïde. Il n’y a pas d’indication à réaliser un bilan allergologique ni de contre-indication à la revaccination. Il est généralement recommandé de faire une injection plus profonde du vaccin en sous-cutané. Un traitement préventif par application de dermocorticoïdes peut être proposé sur le site d’injection.
Chez le patient atopique, il ne faut pas confondre les réactions allergiques avec le phénomène de « flash » : celui-ci correspond à l’exacerbation de la maladie atopique par diminution du seuil de réactivité allergénique consécutive à l’injection du vaccin. La présence d’une pathologie atopique ne doit pas retarder ni contre-indiquer la réalisation des vaccinations. Il est uniquement conseillé de privilégier la vaccination en dehors des poussées.
Le vaccin bilié de Calmette et Guérin (BCG) par multiponcture entraînant peu de BCGites a été supprimé ; seules les injections intradermiques sont désormais possibles.
Les BCGites sont alors devenues fréquentes, motivant une modification des recommandations de vaccination : elle n’est désormais plus conseillée pour tous mais réservée aux populations à risque d’exposition au bacille de Koch. La réponse habituelle après vaccination est l’apparition d’une papule au point d’injection, suivie parfois d’une induration pouvant s’ulcérer quelques semaines plus tard et cicatriser spontanément après quelques mois ; elle ne requiert aucun soin particulier ni de bilan allergologique.
Quand proposer un bilan allergologique ?
En cas de réaction locale de type nodule post-vaccinal, il convient de réaliser des patch-tests à l’aluminium et à d’autres allergènes potentiellement présents dans le vaccin tels que des conservateurs ou des antibiotiques (discussion au cas par cas selon la composition du vaccin). Cependant, les résultats ne changent pas la conduite à tenir vis-à-vis de la vaccination : pas de contre-indication, importance de la technique d’injection en favorisant une injection plus profonde.
Dans un contexte de réaction systémique à un vaccin, des tests cutanés avec le vaccin concerné sont réalisés. Des tests aux composants du vaccin sont discutés au cas par cas selon sa composition (par exemple : protéines de l’œuf pour le vaccin contre la fièvre jaune, gélatine de viande et porc pour le vaccin ROR, etc.).
Le bilan consiste en des prick-tests et des intradermo-réactions (IDR) plus ou moins diluées selon la gravité de l’épisode, à lecture immédiate à vingt minutes en cas de réaction immédiate (moins de 2 heures). Les lectures retardées en cas de réaction retardée ne se font que sur prick-test, les IDR étant souvent responsables de faux positifs.
Selon le vaccin, les immunoglobulines E (IgE) spécifiques des allergènes suspectés sont également dosées (par exemple : œuf, gélatine, Saccharomyces cerevisiae, etc.).
En cas d’allergie confirmée, une alternative ne contenant pas l’allergène est utilisée. En cas d’impossibilité ou si le test est négatif mais que la réaction est grave et évocatrice d’anaphylaxie, il convient de proposer un protocole d’induction de tolérance en service spécialisé en hospitalisation de jour avec une voie d’abord veineuse : toutes les quinze à trente minutes, injection sous-cutanée de 0,05 mL de solution diluée au 1/10e, puis 0,05 mL, puis 0,1 mL, puis 0,15 mL, puis 0,2 mL.
Si la réaction n’est pas grave et les tests cutanés négatifs, on peut proposer une revaccination sous surveillance spécialisée en hospitalisation de jour en injectant 1/10e du vaccin puis, en l’absence de réaction après trente minutes, les 9/10e restants avec surveillance d’au moins une heure ; la pose d’une voie veineuse périphérique est recommandée.1
Particularités de la vaccination anti-SARS-CoV-2
En décembre 2020, les premiers cas d’anaphylaxie après vaccination anti-Sars-CoV-2 par vaccin à ARN messager (ARNm) Pfizer-BioNTech ont été notifiés (sans aucun décès rapporté). L’incidence des réactions anaphylactiques après vaccination par ce vaccin était de 11,1 par million de doses administrées, soit 10 fois supérieure aux autres vaccins ; l’anaphylaxie après vaccin anti- Sars-CoV-2 a été estimée à 7,91 cas par million de doses. En France, les réactions allergiques aux vaccins à ARNm anti-Sars-Cov-2 étaient de 0,97 pour 100 000 administrations en juillet 2021. Le mécanisme de ces réactions n’est pas élucidé, mais les excipients, et en particulier le PEG-2000, sont potentiellement incriminés. Des recommandations européennes ont été émises en septembre 2021 (tableau 2).4
Le bilan allergologique consiste en la réalisation de prick-tests avec une goutte de la solution vaccinale et les excipients du vaccin (PEG-2000 ou 3000, PEG-4000 et polysorbate 80).
En cas de test négatif, le patient peut être vacciné avec une surveillance d’une durée d’une heure.
En cas de test positif à un excipient du vaccin et de test au vaccin négatif, la réalisation d’une IDR avec la solution vaccinale est à discuter. Au maximum, il faut privilégier une vaccination ultérieure avec un vaccin de composition différente sans l’allergène responsable. Une contre-indication à la vaccination anti-Sars-CoV-2 ou une induction de tolérance (fractionnement de dose en augmentation progressive) sont à discuter en service spécialisé.
Par ailleurs, le « Covid-arm » – souvent confondu avec un érysipèle – correspond à une hypersensibilité retardée locale à la vaccination anti-Sars-CoV-2, se manifestant par un érythème infiltré, voire œdémateux et prurigineux localisé au bras injecté, survenant environ sept jours après l’injection. L’évolution est favorable en quelques jours, avec ou sans corticothérapie locale. Il n’y a pas de contre-indication aux doses ultérieures.
2. McNeil MM, De Stefano F. Vaccine-associated hypersensitivity. J Allergy Clin Immunol 2018;141(2): 463-72.
3. Rosenblatt AE, Stein SL. Cutaneous reactions to vaccinations. Clin Dermatol 2015;33(3):327-32.
4. Barbaud A, Garvey LH, Arcolaci A, et al. Allergies and COVID-19 vaccines: An ENDA/EAACI Position paper. Allergy 2022;77(8):2292-312.