En dépit des progrès de la chirurgie reconstructrice depuis les « gueules cassées » au début du XXe siècle, certaines situations cliniques exceptionnelles restent de véritables impasses thérapeutiques. C’est le cas des carbonisations et des mutilations faciales majeures avec destruction complète de la sangle labiale et/ou des amputations bilatérales de la main. Les allotransplantations de tissus composites vascularisés (ATC) représentent une approche nouvelle de la chirurgie reconstructrice qui concilie les règles de la microchirurgie et de la transplantation interhumaine, permettant d’améliorer la qualité de la vie et offrant ainsi un véritable espoir pour des patients gravement mutilés sans solution thérapeutique réellement satisfaisante. Malgré des incertitudes à long terme sur les risques d’une immunosuppression chronique et l’altération possible des résultats fonctionnels avec le temps, à l’instar des greffes d’organes, les premières applications cliniques chez l’homme ont démontré la faisabilité de ces procédures et la qualité des résultats fonctionnels obtenus – bien qu’incomplets – sous réserve d’un « traitement immunosuppresseur à vie ». La prise en charge initiale des très grands brûlés pose des problèmes spécifiques (transfusions multiples incontournables, voire utilisation d’allogreffes de peau) susceptibles d’induire une allo-immunisation anti-HLA et de rendre ainsi plus complexe le choix d’un éventuel donneur « compatible ». Cent ans après la naissance de l’association « Les Gueules cassées », l’activité d’un « trauma center » militaire confronte les difficultés rencontrées dans de telles situations, de la prise en charge initiale au stade aigu jusqu’à la reconstruction au stade des séquelles.

Patrick Duhamel, chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, hôpital d’instruction des armées Percy, Clamart, France

21 juin 2022