L’alopécie androgénique (AAG) est la cause la plus fréquente d’alopécie diffuse chronique chez la femme, en particulier après la ménopause. Les patientes consultent le plus souvent pour une perte de volume ou une chute chronique des cheveux, avec affinement progressif.

Quel mécanisme ?

En cause : l’imprégnation androgénique du cuir chevelu. Cependant, le rôle de ces hormones chez la femme est moins clairement établi que chez l’homme.1 Il s’agirait davantage d’une hypersensibilité des follicules pileux, survenant dans un contexte de prédisposition génétique.2 Les follicules subissent une miniaturisation progressive. La tige pilaire ainsi créée devient fine, plus fragile et moins pigmentée. Au stade le plus évolué, les follicules « se vident » de leur contenu : il apparaît alors une zone sans cheveux.
Le diagnostic est clinique.1, 3 L’interrogatoire recherche des antécédents de calvitie du côté des hommes (père, frère, oncle) et des femmes. Signes principaux : l’affinement des cheveux et leur diminution en nombre. Leur diamètre est réduit, révélant progressivement le cuir chevelu sous-jacent. L’atteinte touche principalement la zone fronto-temporale, les régions temporales et occipitales étant le plus souvent épargnées (fig. 1). On distingue 3 grades de sévérité (fig. 2).1 La raie médiane est plus large en avant qu’en arrière et respecte une bande antérieure frontale (fig. 3). En dermoscopie : cheveux de diamètres hétérogènes (anisotrichie), baisse de la densité des follicules et unités folliculaires à cheveu unique. Une anisotrichie > 20 % confirme le diagnostic (fig. 4).

Éliminer une cause hormonale

L’apparition rapide d’une AAG chez une femme jeune doit faire évoquer une cause hormonale.
Si des signes cliniques d’hyperandrogénie sont associés – acné, séborrhée, hirsutisme et troubles des règles – des examens complémentaires et un avis spécialisé sont judicieux afin d’éliminer un syndrome des ovaires polykystiques, une hyperplasie congénitale des sur- rénales ou une tumeur ovarienne androgénosécrétante, très rare.
Attention à certaines contraceptions qui, créant un climat d’hyperandrogénie iatrogène, peuvent aggraver ou déclencher une AAG : pilules avec progestatif ou progestatives pures de 1re ou de 2e génération ; stérilet à la progestérone ; implants progestatifs.

Quel bilan ?

On prescrit un dosage de la ferritinémie et une évaluation de la fonction thyroïdienne. Devant des signes d’hyper- androgénie, un bilan hormonal est effectué entre le 3e et le 6e jour du cycle et en l’absence de toute prise hormonale : testostérone totale plasmatique, 17-OH progestérone, delta-4 androstènedione plasmatique, sulfate-DHEA plasmatique. Un avis endocrinologique est à discuter en fonction des résultats.
En cas d’apparition brutale chez une femme ménopausée avec phénotype masculin (golfes temporaux), un dosage de la testostérone totale suffit pour ne pas méconnaître une tumeur androgénosécrétante de l’ovaire ou des surrénales.

Prise en charge 5

Traitement suspensif au long cours, le minoxidil, non remboursé, est utilisé en lotion (2 %), 1 mL 2 x/j (ou 5 %, 1 mL/j pour faciliter l’observance), ou en mousse (5 %,½ bouchon 1 x/j, en cas d’intolérance au propylène glycol). Il ralentit la chute et redonne du calibre aux cheveux. On applique sur cuir chevelu sec sans rinçage. Principaux effets secondaires : irritation et pellicules. Les cas d’allergie sont relativement peu fréquents. L’efficacité est évaluée à 6 mois. Il faut prévenir la patiente de la survenue d’un effluvium au cours du 1er trimestre d’application et la rassurer : c’est un marqueur de bonne réponse.
Les inhibiteurs de la 5-α réductase ne sont pas recommandés. Leur prescription (hors AMM) doit être réservée aux spécialistes, en l’absence de contre-indication et dans les formes sévères.
Les traitements hormonaux ne sont indiqués qu’en cas de signes d’hyper- androgénie. Toutefois, leur efficacité reste faible. On peut proposer l’acétate de cyprotérone per os, en association à une pilule estroprogestative, ou la spironolactone pour son action anti-androgénique. Leur prescription requiert un avis spécialisé. Les applications locales d’estrogènes ou de progestatifs ne sont pas efficaces.
Dans les cas sévères et/ou stabilisés, des microgreffes capillaires, par bandelettes ou par extraction d’unités folliculaires (plus longue et plus coûteuse), sont envisageables, en association aux médicaments.
De nombreux compléments alimentaires – acides aminés soufrés, vitamine B5, biotine B6 et pyridoxine, extraits de plantes et oligo-éléments – peuvent être utiles ponctuellement pour lutter contre un effluvium télogène mais ils n’auraient pas d’effet sur l’évolution de l’AAG.
Les autres traitements locaux (RTH 16, – extrait de Ruscus aculeatus – aminexil, stémoxydine, acétyl tétrapeptide) auraient une légère efficacité, bien inférieure à celle du minoxidil (mais études cliniques de faible niveau de preuve).
De nombreuses lotions formulées à partir de plantes ou de vitamines revendiquent une action contre la chute de cheveux, mais aucune étude robuste n’a démontré leur intérêt.
Dans certains cas, l’application de poudres densifiantes colorées (HairMaker, Hair Fiber...), sur un cuir chevelu dégarni masque l’alopécie.
Dans les formes très sévères (grade 3), une prothèse capillaire peut être prescrite par le dermatologue (forfait de remboursement de la Sécurité sociale : 350 € maximum, renouvelable tous les 12 mois).
Enfin, selon la gravité et l’impact sur la qualité de vie, un soutien psychologique peut être également proposé.
Encadre

Diagnostics différentiels

Effluvium télogène chronique (ETC) : alopécie chronique, d’évolution favorable mais lente. Principales causes : dysthyroïdies, carence martiale, déficit en folates, zinc et vitamine D, malnutrition. À la différence de l’AAG, le diamètre des cheveux reste homogène. Les 2 affections sont parfois associées.

Alopécies iatrogènes : elles sont fréquentes. Pour qu’un médicament soit suspecté, le délai d’apparition doit être compatible (environ 3 mois en moyenne). Certaines chimiothérapies sont fréquemment alopéciantes (taxotère ++).

Affections générales : anémie, dysthyroïdie, pathologies auto-immunes (vascularites, connectivites), lymphomes, syphilis secondaire peuvent engendrer une chute chronique. Pas de miniaturisation.

Pelade diffuse : plutôt rare et de diagnostic difficile, elle se manifeste par une alopécie diffuse et symétrique. Le duvet peut alors simuler une miniaturisation pilaire. On recherche à l’examen d’autres signes caractéristiques (cheveux en point d’exclamation, atteinte ophiasique [part de l'occiput et s’étend progressivement vers les parties latérales en remontant au-dessus des oreilles] et rétro-auriculaire).

Références
1. Fabbrocini G, Cantelli M, Masara A, et al. Female pattern hair loss: A clinical, pathophysiologic, and therapeutic review. Int J Womens Dermatol 2018;4:203-11.
2. Redler S, Messenger AG, Betz RC. Genetics and other factors in the aetiology of female pattern hair loss. Exp Dermatol 2017;26:510-7.
3. Blume-Peytavi U, Blumeyer A, Tosti A, et al. S1 guideline for diagnostic evaluation in androgenetic alopecia in men, women and adolescents. Br J Dermatol 2011;164:5-15.
4. Kanti V, Messenger A, Dobos G, et al. Evidence-based (S3) guideline for the treatment of androgenetic alopecia in women and in men - short version. J Eur Acad Dermatol Venereol 2018;32:11-22.

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essentiel

Cause d’alopécie la plus fréquente chez la femme, surtout après la ménopause.

Chute de cheveux, perte de volume et miniaturisation confirmée au dermoscope (anisotrichie > 20 %).

En première intention : application locale de minoxidil au long cours.