Au cours de l’enfance, 1 à 2 individus sur 3 décrivent un compagnon invisible avec qui ils peuvent converser et interagir. Cette expérience, décrite sous le terme d’ami imaginaire, est souvent rapportée par les parents. Considérée comme faisant partie du développement normal (forme particulière de jeu symbolique, de jeu de faire-semblant ou de « régulateur » émotionnel), elle est classiquement associée à davantage de créativité et à un bon pronostic cognitif et fonctionnel.1 Bien que surtout décrit en période prépubère, l’ami imaginaire peut dans 7 à 9 % des cas persister de manière bénigne à l’âge adulte sans qu’on puisse distinguer un profil particulier.
Depuis les années 2000, des travaux en psychologie développementale viennent questionner les liens de cette expérience avec l’hallucination à début précoce. En effet, ces enfants auraient significativement plus de perceptions aberrantes que les témoins, par exemple lors d’une tâche de détection de mots dans le bruit (mots qui n’étaient en réalité pas prononcés au cours de l’expérience).2 Une évolution vers l’hallucination est-elle possible ? Ces 2 expériences partagent-elles des mécanismes communs ? Ou s’agit-il de processus totalement indépendants ?
Trois caractéristiques sont à rechercher :
– l’ami est sollicité à volonté par l’enfant, il ne s’impose pas à lui. Ne perturbant pas le cours de sa pensée, il est intrinsèquement considéré comme une production interne ;
– il s’accompagne d’émotions positives et ne commente ni ne tente d’influencer les actes de l’enfant. Il n’est jamais source de détresse ;
– compagnon de jeu disponible à loisir, il n’interfère pas avec la socialisation de l’enfant, qui préfère habituellement ses vrais amis parmi ses pairs de même âge.
Certains de ces traits peuvent cependant manquer ou disparaître chez les sujets ayant une vulnérabilité psychologique sous-jacente ou exposés à des environnements traumatiques,3 dont on sait qu’ils sont parfois sources d’hallucinations précoces.4 C’est par exemple le cas du critère de contrôle, qui, s’il s’estompe, rend l’enfant passif face à l’émergence de cette expérience subjective. Cet ami imaginaire dit « non compliant » se rapproche alors davantage d’une expérience hallucinatoire avec impact clinique.
Bien sûr, en complément de ces trois critères, le bon développement des capacités cognitives est à prendre en compte pour distinguer ami imaginaire et hallucinations. C’est notamment le cas de la théorie de l’esprit de 1er ordre (normalement acquise vers 4-5 ans), qui permet à l’enfant de se représenter des « objets mentaux » tels que sa propre pensée ou celle d’autrui. Au sein d’un échantillon scolaire de plus de 1 000 enfants, on a montré qu’un retard de cette acquisition était associé à une propension plus importante à halluciner.5
Au total, si l’hallucination est bien une expérience de perception sans objet à percevoir, qui peut être rapportée dès le plus jeune âge,5 elle se situe le long d’un continuum qui s’étend du normal au pathologique. Il semble raisonnable de considérer que l’ami imaginaire est l’extrémité physiologique de ce spectre. Il serait ainsi l’équivalent d’une production hallucinatoire développementale et bénigne. L’intervention d’autres facteurs (vulnérabilité biologique et cognitive, traumatisme psychologique – à rechercher systématiquement) serait nécessaire pour produire des manifestations cliniques significatives Cette description fonctionnelle ne présage pas de la présence d’une pathologie sous-jacente, même si le symptôme peut requérir des soins.
Depuis les années 2000, des travaux en psychologie développementale viennent questionner les liens de cette expérience avec l’hallucination à début précoce. En effet, ces enfants auraient significativement plus de perceptions aberrantes que les témoins, par exemple lors d’une tâche de détection de mots dans le bruit (mots qui n’étaient en réalité pas prononcés au cours de l’expérience).2 Une évolution vers l’hallucination est-elle possible ? Ces 2 expériences partagent-elles des mécanismes communs ? Ou s’agit-il de processus totalement indépendants ?
Trois caractéristiques sont à rechercher :
– l’ami est sollicité à volonté par l’enfant, il ne s’impose pas à lui. Ne perturbant pas le cours de sa pensée, il est intrinsèquement considéré comme une production interne ;
– il s’accompagne d’émotions positives et ne commente ni ne tente d’influencer les actes de l’enfant. Il n’est jamais source de détresse ;
– compagnon de jeu disponible à loisir, il n’interfère pas avec la socialisation de l’enfant, qui préfère habituellement ses vrais amis parmi ses pairs de même âge.
Certains de ces traits peuvent cependant manquer ou disparaître chez les sujets ayant une vulnérabilité psychologique sous-jacente ou exposés à des environnements traumatiques,3 dont on sait qu’ils sont parfois sources d’hallucinations précoces.4 C’est par exemple le cas du critère de contrôle, qui, s’il s’estompe, rend l’enfant passif face à l’émergence de cette expérience subjective. Cet ami imaginaire dit « non compliant » se rapproche alors davantage d’une expérience hallucinatoire avec impact clinique.
Bien sûr, en complément de ces trois critères, le bon développement des capacités cognitives est à prendre en compte pour distinguer ami imaginaire et hallucinations. C’est notamment le cas de la théorie de l’esprit de 1er ordre (normalement acquise vers 4-5 ans), qui permet à l’enfant de se représenter des « objets mentaux » tels que sa propre pensée ou celle d’autrui. Au sein d’un échantillon scolaire de plus de 1 000 enfants, on a montré qu’un retard de cette acquisition était associé à une propension plus importante à halluciner.5
Au total, si l’hallucination est bien une expérience de perception sans objet à percevoir, qui peut être rapportée dès le plus jeune âge,5 elle se situe le long d’un continuum qui s’étend du normal au pathologique. Il semble raisonnable de considérer que l’ami imaginaire est l’extrémité physiologique de ce spectre. Il serait ainsi l’équivalent d’une production hallucinatoire développementale et bénigne. L’intervention d’autres facteurs (vulnérabilité biologique et cognitive, traumatisme psychologique – à rechercher systématiquement) serait nécessaire pour produire des manifestations cliniques significatives Cette description fonctionnelle ne présage pas de la présence d’une pathologie sous-jacente, même si le symptôme peut requérir des soins.
Références
1. Davis PE, Meins E, Fernyhough C. Self-knowledge in childhood: relations with children’s imaginary companions and understanding of mind. Br J Dev Psychol 2011;29(Pt3):680‑6.
2. Fernyhough C, Bland K, Meins E, Coltheart M. Imaginary companions and young children’s responses to ambiguous auditory stimuli: implications for typical and atypical development. J Child Psychol Psychiatry 2007;48:1094‑101.
3. Davis PE, Webster LAD, Fernyhough C, et al. Adult report of childhood imaginary companions and adversity relates to concurrent prodromal psychosis symptoms. Psychiatry Res 2019;271:150‑2.
4. Medjkane F, Notredame CE, Sharkey L, et al. Association between childhood trauma and multimodal early-onset hallucinations. Br J Psychiatry 2020:1-3. doi:10.1192/bjp.2019.266
5. Pignon B, Geoffroy PA, Gharib A, et al. Very early hallucinatory experiences: a school-based study. J Child Psychol Psychiatry 2018;59:68‑75.
2. Fernyhough C, Bland K, Meins E, Coltheart M. Imaginary companions and young children’s responses to ambiguous auditory stimuli: implications for typical and atypical development. J Child Psychol Psychiatry 2007;48:1094‑101.
3. Davis PE, Webster LAD, Fernyhough C, et al. Adult report of childhood imaginary companions and adversity relates to concurrent prodromal psychosis symptoms. Psychiatry Res 2019;271:150‑2.
4. Medjkane F, Notredame CE, Sharkey L, et al. Association between childhood trauma and multimodal early-onset hallucinations. Br J Psychiatry 2020:1-3. doi:10.1192/bjp.2019.266
5. Pignon B, Geoffroy PA, Gharib A, et al. Very early hallucinatory experiences: a school-based study. J Child Psychol Psychiatry 2018;59:68‑75.