L’amnésie dissociative est une amnésie autobiographique lacunaire ou globale au point que l’amnésique peut perdre son identité et, voyageur sans bagage, être retrouvé errant loin du domicile si l’amnésie s’accompagne d’une fugue.1 Le terme « dissociatif », traduisant un état modifié de la conscience, est apparu dès le DSM-IV en 1994 et se maintient dans le DSM-5 en 2013 pour remplacer celui de « psychogène » toujours présent dans la CIM-10.2 Il est souvent difficile d’expliquer à un patient qui en souffre ce qu’est l’amnésie dissociative. Les médecins utilisent volontiers le terme de « fonctionnel », suggérant que l’organe (le hard) est intact et que la fonction (le soft) peut se restaurer, avec une récupération partielle ou totale des souvenirs.3
Le terme « fonctionnel » recouvre en réalité deux sens. De Renzi et al. l’ont proposé dans l’idée classique d’un trouble fonctionnel par contraste avec un trouble organique.4 La proposition d’une « atteinte dynamique et réversible » – expression soumise par Charcot en 1889 – par opposition à celle d’une « atteinte lésionnelle » paraît plus juste. Ainsi Markowitsch et al.5 ont-ils utilisé le terme « fonctionnel » dans le contexte de données d’imagerie fonctionnelle objectivant en tomographie par émission de positons (TEP) des régions en hypométabolisme malgré l’absence d’atteinte structurale en imagerie par résonance magnétique (IRM). Les localisations sont variables et souvent étendues. La région préfrontale droite, impliquée dans le traitement des émotions et de la mémoire autobiographique, semble souvent concernée6, ainsi que les hippocampes.7
Le terme « fonctionnel » recouvre en réalité deux sens. De Renzi et al. l’ont proposé dans l’idée classique d’un trouble fonctionnel par contraste avec un trouble organique.4 La proposition d’une « atteinte dynamique et réversible » – expression soumise par Charcot en 1889 – par opposition à celle d’une « atteinte lésionnelle » paraît plus juste. Ainsi Markowitsch et al.5 ont-ils utilisé le terme « fonctionnel » dans le contexte de données d’imagerie fonctionnelle objectivant en tomographie par émission de positons (TEP) des régions en hypométabolisme malgré l’absence d’atteinte structurale en imagerie par résonance magnétique (IRM). Les localisations sont variables et souvent étendues. La région préfrontale droite, impliquée dans le traitement des émotions et de la mémoire autobiographique, semble souvent concernée6, ainsi que les hippocampes.7
Amnésie rétrograde disproportionnée
Dans la très grande majorité des cas, l’amnésie est rétrograde et disproportionnée puisque que, contrairement à l’amnésie organique, la mémoire antérograde et les fonctions exécutives sont intègres ou très peu modifiées au regard de l’oubli du passé.1 L’amnésie concerne la biographie des sujets : événements de vie et savoirs personnels (identification de proches ou d’objets). Parfois, l’oubli concerne aussi les connaissances sémantiques, notamment les savoirs professionnels, ce qui empêche le retour au travail. Il reste difficile de comprendre quel mécanisme empêche l’accès aux souvenirs épisodiques, génériques et sémantiques sans modifier la construction de nouveaux souvenirs.1,9-10 Il n’est pas exceptionnel que les patients oublient certaines procédures (signature, conduite, activités manuelles), abandonnent certaines préférences (tabac, alimentation végétarienne) ou en développent de nouvelles.8 Ces éléments sont difficiles à intégrer dans une hypothèse impliquant le circuit de Papez. Les mécanismes pourraient être d’un autre ordre : symbolisation d’un symptôme, représentation par le sujet de ce qu’il pense être le fonctionnement de la mémoire, bénéfice secondaire.3 Enfin, du point de vue comportemental, les sujets présentent soit une grande perplexité anxieuse, soit au contraire « la belle indifférence affective ».3 Le risque suicidaire est important.1
Beaucoup de ces patients récupèrent, souvent en quelques jours, parfois de façon spectaculaire. Le sujet M. M. décrit par Luchelli et al.9 récupère de plusieurs semaines d’amnésie après un match de tennis, où dans un échange, il « se revit vivre un match précédent avec le même adversaire » et « tout lui revint ». Les auteurs ont dénommé cette levée des symptômes (et/ou de l’inhibition), qui contribue à la récupération, « le phénomène de la petite madeleine » et souligné le rôle de la mémoire involontaire ou non consciente.
Beaucoup de ces patients récupèrent, souvent en quelques jours, parfois de façon spectaculaire. Le sujet M. M. décrit par Luchelli et al.9 récupère de plusieurs semaines d’amnésie après un match de tennis, où dans un échange, il « se revit vivre un match précédent avec le même adversaire » et « tout lui revint ». Les auteurs ont dénommé cette levée des symptômes (et/ou de l’inhibition), qui contribue à la récupération, « le phénomène de la petite madeleine » et souligné le rôle de la mémoire involontaire ou non consciente.
Recherche de l’élément déclencheur
L’entretien, dans ces situations, est dédié à la recherche des soubassements et des occasions somatiques, psychiques et socio-familiales de survenue de l’amnésie, ainsi qu’aux antécédents dissociatifs ou de la lignée somatoforme.8 Il s’agit souvent d’événements graves : conflits, ruine et indignité, agression sexuelle, conflit de loyauté. Même s’il faut savoir se méfier d’une amnésie construite sur une pathologie organique associée, l’occasion neurologique n’agit le plus souvent que comme une épine irritative et correspond presque toujours à un changement d’état de conscience, par exemple : traumatisme crânien bénin, syncope, ictus amnésique, crise d’épilepsie, réveil d’une sieste. Ceci n’est pas sans rappeler, dans les états de stress post-traumatique, la récupération de souvenirs, parfois très anciens, au réveil d’une nuit de sommeil ou d’une anesthésie. Un certain nombre de ces situations surviennent dans le contexte de stress post-traumatique5,9, mais la dissociation peut également être un symptôme psychotique.8
Bilan rapide pour affirmer l’atteinte fonctionnelle
Le diagnostic clinique s’accompagne d’un bilan paraclinique guidé par le contexte et les comorbidités. Ce bilan doit être aussi rapide que possible pour pouvoir affirmer, sans trop de délai, la nature fonctionnelle de l’atteinte. L’IRM encéphalique est l’examen de base, parfois complétée par un électroencéphalogramme (EEG), notamment en cas de fugue. Une imagerie fonctionnelle peut être réalisée ; elle est souvent décevante. Enfin, les comorbidités psychiques doivent être soigneusement recherchées et traitées. La rencontre avec un psychiatre est de ce fait très importante.
Le bilan cognitif est construit en fonction de chaque situation : étendue de l’amnésie, demande du sujet, doute sur un autre diagnostic, rencontre au décours immédiat de l’amnésie ou pas. Tout doit être mis en œuvre pour que les tests rassurent et que le bilan ne soit pas trop long. Les épreuves de mots indices, notamment dans les amnésies lacunaires, sont recommandées.8 Il s’agit d’inviter la personne à raconter, à partir d’un mot donné, le souvenir le plus détaillé possible en le situant dans le temps et l’espace (exemple, pour le mot chien : « Un matin d’hiver, pour mes 7 ou 8 ans, mes parents et ma grand-mère m’ont emmené choisir mon chien à I. ; j’étais fou de joie. ») La méthode associative (évoquer un souvenir à partir d’un mot) permet d’accéder à des informations classées par période, idée générale, idée spécifique, images. Dans notre expérience, le fait de récupérer des souvenirs avec tous les indices est de bon pronostic, car le sujet montre sa capacité à reconstruire des souvenirs épisodiques au moins pour les périodes conservées.
Le bilan cognitif est construit en fonction de chaque situation : étendue de l’amnésie, demande du sujet, doute sur un autre diagnostic, rencontre au décours immédiat de l’amnésie ou pas. Tout doit être mis en œuvre pour que les tests rassurent et que le bilan ne soit pas trop long. Les épreuves de mots indices, notamment dans les amnésies lacunaires, sont recommandées.8 Il s’agit d’inviter la personne à raconter, à partir d’un mot donné, le souvenir le plus détaillé possible en le situant dans le temps et l’espace (exemple, pour le mot chien : « Un matin d’hiver, pour mes 7 ou 8 ans, mes parents et ma grand-mère m’ont emmené choisir mon chien à I. ; j’étais fou de joie. ») La méthode associative (évoquer un souvenir à partir d’un mot) permet d’accéder à des informations classées par période, idée générale, idée spécifique, images. Dans notre expérience, le fait de récupérer des souvenirs avec tous les indices est de bon pronostic, car le sujet montre sa capacité à reconstruire des souvenirs épisodiques au moins pour les périodes conservées.
Prise en charge bienveillante
Un soin empirique bienveillant, avec une écoute soigneuse, des explications simples sur l’intégrité structurale du cerveau, un bilan sans excès, et surtout la prudence, c’est-à-dire ne pas chercher à débloquer à tout prix une amnésie probablement salutaire pour l’individu – si l’on admet qu’il y a un blocage de type inhibition – reste l’attitude la plus raisonnable. Bien entendu les comorbidités neurologiques ou psychiques doivent être prises en charge.
Références
1. Staniloiu A, Markowitsch H. Dissociative amnesia. The Lancet Psychiatry 2014;1(3):226-41.
2. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders, 5th edition: DSM-5. Washington: American Psychiatric Press, 2013.
3. Stone R, Smyth R, Carson A, Warlow C, Sharpe M. La belle indifférence in conversion symptoms and hysteria: Systematic review. Br J Psychiatr 2006;188:204-9.
4. De Renzi E, Lucchelli F, Muggias S, Spinnler H. Is memory loss without anatomical damage tantamount to a psychogenic deficit? The case of pure retrograde amnesia. Neuropsychologia 1997;35:781-94.
5. Markowitsch H, Kessler J, Van der Ven C, Weber-Luxenburger G, Albers M, Heiss WD. Psychic trauma causing grossly reduced brain metabolism and cognitive deterioration. Neuropsychologia 1998;36(1):77-82.
6. Piolino P, Hannequin D, Desgranges B, Girard C, Beaunieux H, Giffard B, et al. Right ventral frontal hypometabolism and abnormal sense of self in a case of disproportionate retrograde amnesia. Cognitive Neuropsychology 2005;22(8):1005-34.
7. Thomas-Antérion C, Dubas F, Decousus M, Jeanguillaume C, Guedj E. Clinical characteristics and brain PET findings in 3 cases of dissociative amnesia: Disproportionate retrograde deficit and posterior middle temporal gyrus hypometabolism. Neurophysiol Clin 2014;44(4):355-62.
8. Thomas-Antérion. L’amnésie dissociative. Rev Neuropsychol 2017;9:213-7.
9. Lucchelli F, Muggia S, Spinnler H. The “Petites Madeleines” phenomenon in two amnesic patients: Sudden recovery of forgotten memories. Brain 1995;118:167-83.
10. Spence SA. “Others” and others: hysteria and the divided self. In: Cappa S et al. Cognitive neurology: A clinical textbook. Oxford: Oxford University Press, 2008, 459-72.
11. Kopelman MD. Disorders of memory. Brain 2002;125:2152-90.
2. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders, 5th edition: DSM-5. Washington: American Psychiatric Press, 2013.
3. Stone R, Smyth R, Carson A, Warlow C, Sharpe M. La belle indifférence in conversion symptoms and hysteria: Systematic review. Br J Psychiatr 2006;188:204-9.
4. De Renzi E, Lucchelli F, Muggias S, Spinnler H. Is memory loss without anatomical damage tantamount to a psychogenic deficit? The case of pure retrograde amnesia. Neuropsychologia 1997;35:781-94.
5. Markowitsch H, Kessler J, Van der Ven C, Weber-Luxenburger G, Albers M, Heiss WD. Psychic trauma causing grossly reduced brain metabolism and cognitive deterioration. Neuropsychologia 1998;36(1):77-82.
6. Piolino P, Hannequin D, Desgranges B, Girard C, Beaunieux H, Giffard B, et al. Right ventral frontal hypometabolism and abnormal sense of self in a case of disproportionate retrograde amnesia. Cognitive Neuropsychology 2005;22(8):1005-34.
7. Thomas-Antérion C, Dubas F, Decousus M, Jeanguillaume C, Guedj E. Clinical characteristics and brain PET findings in 3 cases of dissociative amnesia: Disproportionate retrograde deficit and posterior middle temporal gyrus hypometabolism. Neurophysiol Clin 2014;44(4):355-62.
8. Thomas-Antérion. L’amnésie dissociative. Rev Neuropsychol 2017;9:213-7.
9. Lucchelli F, Muggia S, Spinnler H. The “Petites Madeleines” phenomenon in two amnesic patients: Sudden recovery of forgotten memories. Brain 1995;118:167-83.
10. Spence SA. “Others” and others: hysteria and the divided self. In: Cappa S et al. Cognitive neurology: A clinical textbook. Oxford: Oxford University Press, 2008, 459-72.
11. Kopelman MD. Disorders of memory. Brain 2002;125:2152-90.