Ces derniers mois, les analogues du GLP- 1 – molécules utilisées depuis de nombreuses années dans le traitement du diabète de type 2 – ont fait l’actualité, en raison de leur utilisation croissante à des fins de perte de poids.
D’une part, l’utilisation hors AMM de certaines spécialités, notamment Ozempic (sémaglutide), à des fins esthétiques amaigrissantes a connu un essor en début d’année, lié à sa popularité sur les réseaux sociaux en France et à l’étranger (le mot-clé #Ozempic est associé à plus de 500 millions de vues sur TikTok). En réponse à cette situation, les autorités de santé ont instauré une surveillance renforcée de ces usages détournés (prescriptions hors AMM et falsifications d’ordonnances), tout en rappelant leurs risques – tensions d’approvisionnement pour les patients diabétiques ; exposition à des effets indésirables potentiellement graves. Elles ont également insisté sur le fait que ces médicaments doivent être réservés aux diabétiques de type 2 et que la prise en charge de l’obésité repose en première ligne sur des mesures hygiénodiététiques.
D’autre part, il y a bien eu des extensions récentes de l’indication de ces antidiabétiques, couvrant certaines situations de prise en charge de l’obésité en deuxième intention. En France, la spécialité Saxenda (liraglutide), commercialisé depuis 2021, est indiquée en complément d’un régime hypocalorique et de l’activité physique pour le contrôle du poids en cas d’IMC ≥ 30 mg/m2, ou ≥ 27 mg/m2 avec comorbidités (HTA, dyslipidémie ou apnée du sommeil), mais il n’est pas remboursé dans cette indication. Le Wegovy (sémaglutide) a eu l’AMM en 2022 dans une indication similaire – IMC ≥ 40 mg/m2 avec au moins une comorbidité liée au poids, en complément des mesures hygiénodiététiques et en absence d’alternative thérapeutique – ; il bénéficiait à ce titre d’un accès précoce précommercialisation jusqu’en octobre 2023. Aux États-Unis, l’autorisation du Wegovy dans le contrôle du poids date de 2021 (si IMC ≥ 30 mg/m2, ou ≥ 27 mg/m2 avec comorbidités) ; en novembre 2023, la FDA a aussi approuvé le Zepbound (tirzépatide) pour ces mêmes patients.
Dans ce contexte d’utilisation accrue, le risque d’apparition de certains événements indésirables rares – peu observés dans les essais ou lorsque le médicament est utilisé par une population plus restreinte – est aussi augmenté. Une mise en garde en ce sens vient d’être publiée par des médecins américains dans le JAMA .
Effets indésirables gastro-intestinaux graves
Les patients obèses utilisant des agonistes du GLP- 1 (liraglutide, sémaglutide) ont un risque 9 fois plus important de pancréatite, 4 fois plus important d’occlusion intestinale et > 3 fois plus important de gastroparésie, comparés à ceux utilisant l’association bupropion-naltrexone.
Ces estimations proviennent d’une étude rétrospective canadienne, publiée aussi dans le JAMAen octobre 2023, incluant plus de 5 000 patients obèses non diabétiques. Si des effets indésirables tels que la pancréatite et la cholécystite aiguë sont connus et listés dans les RCP de ces médicaments, ce n’est pas le cas de l’occlusion intestinale et de la gastroparésie.
Les risques absolus demeuraient toutefois faibles : 1 % ou moins sur une année d’utilisation, selon cette même étude. Les auteurs ont souligné qu’ils ne mettaient pas en cause la balance bénéfices/risques chez les patients ayant une obésité morbide et/ou exposant à des complications.
Complications lors d’une anesthésie
Des cas des patients sous agonistes du GLP- 1 ayant régurgité ou aspiré le contenu de leur estomac sous anesthésie générale – un événement potentiellement fatal – ont été rapportés dans la littérature ces derniers mois. Ils pourraient s’expliquer par les effets indésirables gastro-intestinaux de ces molécules, notamment le retard de la vidange de l’estomac et la réduction de la mobilité du tractus gastro-intestinal.
Ces cas ont conduit l’American Society of Anesthesiologists à émettre une recommandation de consensus pour les patients : éviter la prise de ces médicaments le jour d’une chirurgie, ou dans les 7 jours précédents pour les formulations dont l’administration est hebdomadaire. Elle a également appelé à la réalisation d’études pour mieux évaluer la sécurité de ces molécules en lien avec les procédures d’anesthésie, étant donné leur utilisation de plus en plus courante.
Événements indésirables psychiatriques
Après qu’une centaine de cas d’idées suicidaires et d’automutilation chez des patients prenant du liraglutide ou du sémaglutide ont été rapportés à l’Agence européenne du médicament en juillet, cette dernière a initié une évaluation de ce risque, incluant aussi d’autres analogues du GLP- 1.
L’investigation de ce signal est en cours afin de déterminer si ces événements sont imputables ou non à ces molécules. Les résultats étaient attendus pour novembre mais n’ont pas encore été publiés. À ce jour, de tels effets n’ont pas été identifiés comme étant en lien avec ces médicaments, et à ce titre ne figurent pas dans les RCP ; toutefois, dans les notices américaines des spécialités Wegovy, Saxenda et Zepbound figure un avertissement sur la nécessité de surveiller l’apparition d’idées et comportements suicidaires et d’arrêter l’utilisation du médicament le cas échéant (ces avertissements ne sont pas présents dans les RCP européens).
Les auteurs soulignent ainsi le besoin d’étudier davantage tous ces événements et de constituer, le cas échéant, des recommandations de pratique clinique actualisées incluant ces nouvelles données.