Il pourrait apparaître désuet de s’intéresser à l’anatomie macroscopique de la mémoire. Les mécanismes intimes de cette fonction cérébrale complexe mettent en effet en jeu des circuits neuronaux et des phénomènes de neurogenèse qui relèvent de mécanismes survenant à l’échelle microscopique.
Néanmoins, certaines structures anatomiques, comme l’hippocampe ou le lobe limbique, demeurent des structures clés des différentes théorisations des phénomènes mnésiques, et en particulier de la mémoire épisodique, celle des souvenirs personnellement vécus, mais aussi celle des actions que nous devrons accomplir dans le futur. Il convient donc d’en connaître l’organisation morphologique macroscopique, également utile à la lecture et à la compréhension des examens de neuro-­imagerie, de plus en plus performants.
Dans les années 1950-1960, la localisation cérébrale de la trace mnésique a été l’objet de débats intenses entre partisans d’une théorie « distribuée » de la mémoire et ceux défendant une conception corticale plus localisée. Durant la même période, les interventions neurochirurgicales et de « psychochirurgie » ont révélé, avec le suivi de quelques patients devenus célèbres, l’importance du lobe temporal et en particulier de l’hippocampe dans les phénomènes mnésiques. L’hippocampe, dont le rôle potentiel n’avait pas clairement été évoqué jusqu’alors, est ainsi devenu une structure obligatoire dont les multiples connexions dans le lobe limbique l’ont fait apparaître dans les différentes théories de la mémoire.
Au niveau macroscopique, l’hippocampe est regardé comme une structure qui se charge de l’acquisition des informations venant des zones corticales spécifiques (vision, audition, olfaction…). Il les sélectionne, en stocke une partie et les redistribue vers différentes régions corticales.
Cet article propose une vision synthétique de l’hippocampe et de sa connectivité au cœur du système limbique, également acteur macroscopique majeur des phénomènes de mémorisation.

L’hippocampe, structure incontournable des phénomènes mnésiques

L’hippocampe est une structure faite de deux lames d’archéocortex enroulées l’une dans l’autre : le gyrus dentatus et la corne d’Ammon. Il est divisé en une partie intraventriculaire, qui fait saillie dans la corne temporale du ventricule latéral, et une partie extraventriculaire, qui apparaît sur la face médiale du lobe temporal.
La partie intraventriculaire de l’hippocampe comprend trois segments : la tête, le corps et la queue. Elle entre dans la constitution du plancher de la corne temporale du ventricule latéral et n’est visible qu’après ouverture du toit de ce dernier (fig. 1). La tête de l’hippocampe apparaît comme un segment antérieur dilaté qui porte quelques stries sagittales. Le corps est bordé par la fimbria, prolongation du pilier du fornix. La queue de l’hippocampe correspond à une partie postérieure effilée, également au contact de la fimbria. L’hippocampe se place en avant du splénium du corps calleux et en dehors du subiculum, partie du gyrus parahippocampique, dont elle est séparée par le sillon hippocampique.
La partie extraventriculaire de l’hippocampe est visible à la face médiale du lobe temporal en soulevant la fimbria (fig. 2). Une partie du gyrus dentatus et de la corne d’Ammon devient alors visible. Sur l’uncus, partie antérieure dilatée du lobe temporal, apparaît la partie extraventriculaire de la tête de l’hippocampe. L’uncus recouvre également le complexe nucléaire amygdalien.
Les deux lames corticales enroulées de l’hippocampe, la corne d’Ammon et le gyrus dentatus, sont séparées du subiculum par le sillon de l’hippocampe dont la partie profonde forme le sillon hippocampique vestigial (fig. 3). Elles sont recouvertes par la fimbria, venant du fornix, et par l’alveus, couche de fibres de substance blanche, et font ainsi saillie dans la corne temporale du ventricule latéral, elle-même surplombée par la queue du noyau caudé.
L’hippocampe est une structure anatomique très fortement connectée aux structures de voisinage. Dans ce système d’interconnexions, les commissures, faisceaux de substance blanche assurant la relation entre les hémisphères, jouent un rôle important. Si le corps calleux unit globalement les deux hémisphères cérébraux, le fornix joue un rôle plus spécifique en reliant les deux hippocampes et les corps mamillaires (fig  4). Son corps vient se placer sous le corps calleux, ses colonnes communiquent en avant avec les corps mamillaires et ses piliers, qui se prolongent par les fimbriæ, et communiquent en arrière avec les hippocampes.

L’hippocampe, structure hyperconnectée du lobe limbique

L’hippocampe s’intègre dans les multiples connexions du lobe limbique décrit morphologiquement en 1878 par Paul Broca (1824-1880). Le lobe limbique apparaît sur la face médiale de l’hémisphère et entoure de manière arciforme le diencéphale. Il est constitué des gyrus limbique et intralimbique (fig. 2). Le lobe limbique est séparé du cortex avoisinant par la fissure limbique constituée d’une succession de sillons, de l’avant vers l’arrière : le sillon subcalleux, situé sous le genou du corps calleux ; le sillon cingulaire, qui suit la courbure du corps calleux ; le sillon subpariétal, en forme de lettre H ; le sillon antécalcarin, partie antérieure du sillon calcarin, et le sillon collatéral qui se dirige vers la pointe du lobe temporal.
Le gyrus limbique se place en dedans de cette fissure et recouvre donc une partie des lobes frontal, pariétal et temporal. Il est formé des gyrus subcalleux, cingulaire et parahippocampique (cinquième gyrus temporal T5). Le gyrus parahippocampique possède une partie postérieure, l’isthme, qui communique avec le gyrus cingulaire et une face supérieure aplatie, le subiculum.
Le gyrus intralimbique se place en profondeur du gyrus limbique et correspond à l’hippocampe proprement dit et à ses reliquats embryologiques. Parmi ceux-ci, l’hippocampe supra-commissural, ou indusium griseum, est le plus marqué.
Les travaux de James Papez (1883-1958) en 1937 puis ceux de Paul MacLean (1913-2007) entre 1949 et 1952 ont transformé le lobe limbique morphologique en un système limbique dont les fonctions dans les émotions et la mémoire ont agrandi le périmètre à d’autres structures nucléaires du thalamus ou de l’hypothalamus, par exemple. Le modèle de circuit neuronal proposé par Papez demeure classique, même s’il est aujourd’hui dépassé sur le plan fonctionnel. Toutes les voies prédites par Papez sont néanmoins présentes dans le cerveau (fig. 5). Dans ce concept, l’hippocampe est relié au corps mamillaire par l’intermédiaire du fornix. Le corps mamillaire communique avec les noyaux ventraux du thalamus par le faisceau mamillo-thalamique. Les noyaux thalamiques projettent sur le gyrus cingulaire qui émet à son tour des fibres cingulo-hippocampiques assurant un retour vers l’hippocampe. Les lésions de ce circuit fermé sont en effet capables d’induire des troubles mnésiques, mais ce réseau de fonctionnement n’est plus la base des concepts théoriques actuels sur la mémoire.
Pour en savoir plus
1. Duvernoy HM. Le cerveau humain. Springer Verlag 1992.
2. Duvernoy HM. The human hippocampus. Springer-Verlag (3rd edition), 2005.
3. Destrieux C, Bourry D, Velut S. Anatomie chirurgicale de l’hippocampe. Neurochirurgie 2013;59(4-5):149-58.

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Résumé

Les phénomènes mnésiques mettent en jeu à l’échelle microscopique des circuits neuronaux et des processus de neurogenèse. Néanmoins, le rôle central joué par certaines structures clés comme l’hippocampe ou le lobe limbique impose une bonne connaissance de leur anatomie macroscopique. Cet article propose une synthèse de l’organisation anatomique de ces structures et de leurs riches connexions.