Définie par un taux d’Hb < 12 g/dL chez la femme et < 13 g/dL chez l’homme.
Prévalence augmentée avec l’âge : 8 % entre 65 et 74 ans, 13 % entre 75 et 84 ans et 23 % après 85 ans. Facteur indépendant de mortalité.
En cause :
– inflammation (47 %) ;
– insuffisance rénale chronique (46 %) ;
– dénutrition sévère (35 %) ;
– carence martiale (33 %) ;
– myélodysplasie (14,5 %) ;
– carence en folates (7 %) ;
– hémolyse (6 %) ;
– dysthyroïdie (4 %) ;
– déficit en vitamine B12 (4 %).
Multifactorielle dans la majorité des cas.

Anémie par carence martiale

Plusieurs mécanismes : diminution de l’absorption de fer (achlorhydrie ou atrophie villositaire) ; perte excessive par saignement chronique (surtout d’origine digestive) ; inflammation persistante ; carence d’apport (mais impact plus faible).
Critère diagnostique : ferritinémie < 50 μg/L (sensibilité : 85 % ; spécificité : 92 % chez la personne âgée) ; en cas de syndrome inflammatoire : augmentation du récepteur soluble de la transferrine (TfRs) [rapport TfRs/log ferritine > 2].
Chez le sujet âgé, souvent révélée par des signes non spécifiques : asthénie ; décompensation d’une pathologie chronique, notamment cardiaque ; diminution des capacités fonctionnelles et cognitives, chutes...
Carence martiale, associée ou non à une anémie, retrouvée chez 30 à 50 % des patients ayant une insuffisance cardiaque chronique.

Bilan en première intention

Supplémentation martiale sans exploration : seulement si examens trop risqués et/ou sans conséquences sur la prise en charge.
Endoscopie bidirectionnelle : endoscopie œsogastro-duodénale [EOGD] + coloscopie.
EOGD (sans anesthésie générale) : geste peu dangereux, le plus souvent bien toléré.
Coloscopie :
– après analyse de la balance bénéfices/risques qui tient compte de l’espérance de vie (sans incapacité), du diagnostic recherché, des risques de l’examen et des éventuels traitements ; évaluation gériatrique globale (autonomie, fonctions cognitives, comorbidités, qualité de vie) utile dans les cas difficiles ;
– complications (d’après une méta-analyse de 20 études chez des patients de plus de 65 ans) :
. perforations (pour 1 000 examens) : 1 ;
. hémorragies : 6,3 ;
. défaillances cardiorespiratoires : 19 ;
– décès : 1 (sur 1 000) ;
– rentabilité variant de 44 à 84 %.
Lésion œsogastroduodénale identifiée dans 19 à 57 % des cas (surtout peptique) ; atteinte colique chez 25 à 39 % des patients.
En cas de comorbidités contre-indiquant temporairement la coloscopie, envisager une exploration radiologique du côlon :
– pour visualiser sa paroi : préparation suivie d’une distension soit par de l’eau (coloscanner à l’eau), soit par du gaz (CO2, coloscanner à l’air ou coloscopie virtuelle) ;
– coloscanner à l’air : pas d’injection d’iode et meilleure sensibilité pour dépister les polypes ; efficace et sans risque pour repérer des lésions colorectales infracentimétriques chez les plus de 65 ans ;
– coloscanner à l’eau : analyse la paroi du côlon et les viscères abdominaux ; sensibilité moindre pour les petites lésions (valeur prédictive négative de 99 %) ;
– cancer du côlon (droit notamment) : retrouvé dans 7,5 à 28 % des cas.

Exploration négative : que faire ?

Si 1er bilan endoscopique négatif (aucune étiologie dans 10 à 40 % des cas) : supplémentation en fer et surveillance clinico-biologique ; bon pronostic.
Si non-correction ou récidive de l’anémie après traitement substitutif : examens de 2e intention.
EOGD, voire coloscopie (lors de la 1re endoscopie, environ 10 % des lésions digestives hautes et 7 % des coliques passent inaperçues).
Vidéocapsule endoscopique (VCE), car les deux tiers des patients ont une lésion du grêle (contre-indiquée en cas de troubles de la déglutition ; si suspicion de sténose : entéroscanner préalable).
Entéroscopie double-ballon (2 ballons sont gonflés dans un segment intestinal, permettant une exploration profonde de l’intestin grêle) : intérêt diagnostique ou thérapeutique (hémostase endoscopique des angiodysplasies visualisées à la VCE).

Prise en charge

Si cause identifiée : traitement étiologique.
Transfusion sanguine parfois nécessaire si Hb < 8 g/dL, surtout en cas de comorbidités cardiovasculaires.
Supplémentation martiale :
– 300 mg de fer sulfate par jour pendant au moins 3 à 6 mois (par ex. Tardyferon, Fero-Grad, Timoferol…) : afin de corriger l’anémie et restaurer les stocks de fer ; à prendre pendant le repas (tolérance améliorée) ;
– prise conjointe de vitamine C (augmente l’absorption du fer) ;
– voie IV (Ferinject ou Venofer) : en cas d’échec, anémie ferriprive symptomatique, Hb < 10 g/L, inflammation chronique ou pathologie affectant l’absorption intestinale du fer.
Dépister aussi les carences vitaminiques (et supplémenter si nécessaire).
Évaluer l’efficacité du traitement à 6 semaines (dosage de l’hémoglobine et bilan martial).

Anémie par carence en B12

Hydroxocobalamine, méthylcobalamine et adénosyl-cobalamine : apportées exclusivement par les protéines animales.
Stocks de 3 à 5 mg (suffisants pendant environ 3 ans) : une carence témoigne d’un déficit d’apport ou d’une maladie du tube digestif évoluant depuis des années.
Causes de malabsorption : gastriques (défaut de production de facteur intrinsèque [gastrectomie et maladie de Biermer] ou de sécrétion chlorhydropeptique) ou intestinales (maladie ou résection iléale, colonisation bactérienne du grêle), rarement pancréatiques.
Syndrome de non-dissociation de la B12 de ses protéines porteuses (alimentaires et/ou de transport) : principale cause de déficit chez la personne âgée.
Après correction initiale de la carence par voie parentérale :
– B12 administrée per os à 1 000 μg/j et, lorsque le seuil de 200 ng/L est atteint, 1 fois par semaine ou tous les 15 jours ;
– supplémentation parentérale (IM ou SC profonde) en cas de contre-indication aux transfusions si Hb < 9 g/dL ou signes neurologiques.

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