Faut-il continuer à faire un test de diagnostic rapide (TDR) et à prescrire une antibiothérapie en cas de résultat positif dans les angines non compliquées ? Pour le Conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), cette reco est obsolète : il est temps de changer les pratiques, en suivant l’exemple de nos voisins européens. Explications…

Selon les dernières recommandations de la HAS1 (2021), il faut prescrire une antibiothérapie chez les adultes et les enfants âgés de plus de 3 ans atteints d’une angine aiguë avec test de diagnostic rapide (TDR) positif. Pour rappel, chez les adultes, le TDR ne doit être réalisé que si le score de Mac Isaac est ≥ à 2.

Des données obsolètes

Classiquement, l’objectif de la prescription d’antibiotiques est triple : prévenir le rhumatisme articulaire aigu (RAA), diminuer les complications locales et limiter la contagiosité.

Or les essais montrant l’intérêt de l’antibiothérapie dans la prévention du RAA datent d’avant 1960 et étaient de faible qualité méthodologique. Aujourd’hui, le risque de RAA est < 1/100 000 angines en France métropolitaine, il concerne essentiellement les enfants âgés de 5 à 15 ans et est dû à des souches de streptocoques peu circulantes.2

Quant au risque de complications locales, une méta-analyse Cochrane parue en 20213 indiquait une réduction du risque de phlegmon passant de 1 % sans antibiothérapie à 0,16 % avec antibiothérapie, mais elle était essentiellement fondée sur une étude ancienne (1951) ayant plusieurs biais. Ainsi, les recommandations européennes4 ne considèrent pas la prévention des complications locales comme une indication d’antibiothérapie, les bénéfices cliniques n’étant pas supérieurs aux risques (effets indésirables et antibiorésistance induite).

La limitation de la contagiosité reste donc le principal argument pour proposer une antibiothérapie selon les recommandations de nombreux pays, afin de limiter les infections invasives à streptocoques du groupe A (IISGA), mais les preuves de son intérêt sont limitées.

Enfin, les bénéfices cliniques individuels attendus – réduire l’intensité des maux de gorge au 3e jour – doivent être confrontés aux risques d’antibiorésistance.

L’exemple de la Belgique et de l’Écosse

Les recommandations belges et écossaises divergent de celles publiées en France par la Spilf : elles préconisent – chez un patient atteint d’une angine non compliquée – de ne pas faire un test pour identifier la cause bactérienne ou virale, ni de prescrire un antibiotique. Les auteurs considèrent que l’infection sera spontanément résolutive dans tous les cas. Bien sûr, font exception les patients à risque de forme grave – immunodépression, antécédent de RAA, chirurgie prothétique récente, valvulopathie cardiaque avec risque d’endocardite, etc. – qui doivent être traités d’emblée.

Cette stratégie a porté ses fruits : la prescription d’antibiotiques en soins primaires chez les enfants a diminué en Belgique entre 2010 et 2019,5 alors que la prévalence des IISGA ne semble pas plus importante en Belgique qu’en France.6

Les recos du CNGE

Ainsi, selon le CNGE, devant un patient souffrant d’une angine, si la douleur est tolérable, sans risque de forme grave et que l’entourage du patient n’est pas à risque de forme grave en cas de contamination, il est raisonnable de ne traiter que par antalgiques, sans faire de TDR ni prescrire d’antibiotiques.

Dans tous les autres cas, un TDR est légitime (avec prescription d’antibiotique s’il est positif). L’évaluation clinique globale de la situation du patient est donc nécessaire pour poser l’indication du TDR et d’un éventuel traitement.

Attention, la scarlatine n’est pas considérée dans cet avis : elle impose une antibiothérapie.

Références
1. Haute autorité de santé. Rhinopharyngite aiguë et angine aiguë de l’enfant. Juillet 2021.
2. Sudeep DD, Sredhar K. The Descriptive Epidemiology of Acute Rheumatic Fever and Rheumatic Heart Disease in Low and Middle-Income Countries.  Am J Epidemiol Infect Dis 2013;1(4):34‑40.
3. Spinks A, Glasziou PP, Mar CBD. Antibiotics for treatment of sore throat in children and adults.  Cochrane Database Syst Rev 9 décembre 2021.
4. Pelucchi C, Grigoryan L, Galeone C, et al. Guideline for the management of acute sore throat: ESCMID Sore Throat Guideline Group.  Clin Microbiol Infect 2012;18(Suppl 1):1‑28.
5. Dillen H, Burvenich R, De Burghgraeve T, et al. Using Belgian pharmacy dispensing data to assess antibiotic use for children in ambulatory care.  BMC Pediatrics 2022;22(1):12.
6. 21. Risk Management Group. Increasing number of invasive infections with group A streptococci (iGAS). 17 janvier 2023.

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