En cas d’angines à répétition, faut-il proposer une amygdalectomie ? Les recos chez les adultes ne sont pas bien établies, et l’efficacité clinique de cette intervention mal évaluée dans cette population... Un essai randomisé britannique paru dans le Lancet vient combler cette lacune.

Devant des angines récidivantes, une ablation chirurgicale (amygdalectomie) peut être proposée, mais les preuves sur l’efficacité de l’amygdalectomie dans la population adulte sont lacunaires : une revue de la Cochrane en 2014 a par exemple conclu à une faible qualité des preuves disponibles. C’est pourtant l’une des chirurgies les plus fréquentes (16 000 par an en Angleterre, plus de 100 000 aux États-Unis). Toutefois, au cours des deux dernières décennies, les taux d’amygdalectomies ont beaucoup diminué en Europe (réductions de jusqu’à 50 %), alors qu’en parallèle les hospitalisations pour angines récidivantes ont augmenté, de plus de 100 % parfois, ce qui interroge sur le rapport coût-efficacité de l’ablation chirurgicale versus un traitement conservateur. En effet, d’un point de vue médico-économique, le coût des épisodes récidivants d’angine n’est pas anodin (recours répétés aux soins, absentéisme) : au Royaume-Uni, il est estimé à plus de 2 milliards de livres par an ; aux États-Unis, à plus de 3 milliards de dollars.

Des études étaient donc nécessaires, à la fois sur l’efficacité de cette intervention chez l’adulte et sur sa rentabilité médico-économique. C’est chose faite, grâce à une étude récemment parue dans le Lancet.

Cet essai randomisé ouvert contrôlé, mené au Royaume-Uni entre 2015 et 2018, est le plus vaste conduit à ce jour dans le but d’évaluer l’efficacité clinique et d’effectuer une analyse coût-efficacité de l’amygdalectomie chez des adultes ayant des angines récidivantes.

Multicentrique, il a recruté des participants âgés de 16 ans et plus dans 27 hôpitaux britanniques : 453 personnes éligibles (âge médian : 23 ans ; 78 % de femmes) ont été aléatoirement assignées (1:1) soit au groupe amygdalectomie soit au groupe traitement conservateur. Les participants devaient répondre aux critères d’indication de l’amygdalectomie stipulés dans les recommandations britanniques : au moins 7 épisodes de maux de gorge dus à des angines aiguës dans l’année précédente, ou au moins 5 épisodes par an sur les 2 années précédentes, ou au moins 3 épisodes par an sur les 3 années précédentes ; ces épisodes devaient altérer considérablement la santé et la qualité de vie des patients. Dans le premier groupe, les participants ont eu une amygdalectomie dans les 8 semaines suivant l’inclusion, tandis que dans le second, les participants ont reçu un traitement conservateur non chirurgical (analgésie, antibiotiques lors des épisodes d’angine bactérienne sévère) sur toute la durée du suivi, soit 24 mois.

Le critère de jugement primaire était le nombre de jours où un mal de gorge était rapporté durant la période de suivi (données collectées une fois par semaine par le biais d’un SMS). Les critères secondaires comprenaient des scores de qualité de vie et l’évaluation économique de l’intervention (coûts endurés par le système de santé par la prise en charge des épisodes récurrents d’angine des participants durant le suivi). L’analyse a été effectuée pour tous les participants randomisés, mais 35 % d’entre eux n’ont finalement pas reçu le traitement assigné. 

Résultats : les participants ayant eu une amygdalectomie rapportaient par la suite moins de jours avec un mal de gorge que ceux ayant eu un traitement conservateur (médiane de 23 jours contre 30 jours) ; après ajustement pour la sévérité des symptômes notamment, cela correspondait à un rate ratio de 0,53 (IC95% : 0,43-0,65), soit environ 50 % moins de jours avec un mal de gorge. 

Concernant les effets indésirables, 191 ont été estimés en lien avec l’intervention (ils ont eu lieu chez 39 % des participants) ; les plus fréquents étaient les saignements, qui ont donné lieu à une hospitalisation chez 16 % des participants. 

Enfin, l’analyse médico-économique fondée sur le ratio coût/QALY (quality-adjusted life year) indique que l’amygdalectomie est très probablement rentable.

Ainsi, selon les auteurs, comparée à un traitement conservateur, l’amygdalectomie est une intervention efficace et ayant un bon rapport coût-efficacité pour les adultesayant des angines récidivantes.