En pédiatrie et en chirurgie orthopédique infantile, les anomalies de position des pieds à la naissance sont un motif fréquent de consultation. L’acquisition de la marche dans ce contexte est une source d’inquiétude pour les parents. Il est nécessaire de distinguer les anomalies idiopathiques des anomalies secondaires, et les malpositions des déformations ou malformations, dont l’évolution est différente. Des anomalies associées (luxation de hanche, torticolis congénital) et une cause sous-jacente doivent également être recherchées. L’examen clinique se fait sur un enfant entièrement déshabillé. Le bébé est examiné complètement sur le plan orthopédique mais également sur le plan général.
Comment distinguer la malposition de la malformation ?
En anténatal, certains indices peuvent orienter d’emblée vers la malformation : une découverte précoce pendant la grossesse et l’association à d’autres anomalies. A contrario, une anomalie repérée lors d’une grossesse gémellaire ou en cas de dystocie sont des éléments en faveur d’une malposition.
La distinction entre malposition sévère et malformation est plus aisée à la naissance mais peut rester complexe. L’évaluation de la souplesse et de la réductibilité du pied, la recherche d’anomalies associées sont alors nécessaires. Ainsi, la présence d’une déformation, et notamment d’un équin non totalement réductible passivement, plaide pour une malformation.
Enfin, en cas de malposition surtout, il faut s’assurer de l’absence de luxation congénitale de hanche associée.
Trois grands types d’anomalie (malpositions et malformations) peuvent être distinguées : anomalies de l’avant-pied, anomalies en inversion et anomalies en éversion (
Bon pronostic pour les anomalies de l’avant-pied
Metatarsus adductus et metatarsus varus sont deux malpositions à distinguer de la malformation du pied dite « en Z ».
Metatarsus adductus ou metatarsus varus : les parents à contribution
Ces deux malpositions (
Généralement, la malposition se réduit pendant le premier mois de vie. Les parents sont mis à contribution afin de stimuler les éverseurs à chaque change et d’étirer le bord interne du pied. Dans le cas où cela n’est pas suffisant, des séances de kinésithérapie peuvent être associées, ainsi que l’utilisation de chaussures articulées type Bebax, des attelles, voire des plâtres.
En cas d’échec ou de récidive à l’issue du traitement, le diagnostic est à reconsidérer. En effet, il peut s’agir d’une malformation du pied en Z, cliniquement proche du metatarsus adductus mais plus réfractaire à la prise en charge.
Pied en Z (serpentin) : rare et pouvant nécessiter une correction chirurgicale
Associant valgus de l’arrière-pied et adduction de l’avant-pied (
Anatomiquement, un valgus de l’arrière-pied est associé à une abduction du médiotarse et une adduction de l’avant-pied.
Rare, le pied en Z est le plus souvent idiopathique. Une adduction de l’avant-pied est observée lors de la marche. Le valgus de l’arrière-pied est, quant à lui, plus ou moins marqué. Cette malformation ne compromet pas la marche, mais une gêne au chaussage peut être ressentie.
Une correction chirurgicale est envisagée en cas de déformation importante, dès l’âge de 3 ans.
Pied varus équin et pied bot varus équin, anomalies en inversion
On distingue du pied varus équin, malposition réductible, le pied bot varus équin, malformation nécessitant une prise en charge plus complexe.
Régression spontanée possible du pied varus équin positionnel
Associant une supination, un varus de l’arrière-pied, une adduction de l’avant-pied et un équin de la cheville, le pied est en inversion (
Il est possible que cette malposition – due à une contrainte pendant la grossesse – se résorbe spontanément en quelques jours après l’accouchement. Pour faciliter la réduction de cette malposition, les parents sont encouragés à stimuler les éverseurs en « gratouillant » le bord externe du pied lors de chaque change, et on leur apprend à réaliser la décoaptation du bord interne du pied.
Si le pied n’est pas bien corrigé, après un mois, la kinésithérapie est mise en place, associée à des attelles pour maintenir la correction en cas de raideur du pied. Si cette raideur est très marquée, il est possible de mettre en place deux ou trois plâtres correcteurs avant l’utilisation des attelles – pour optimiser la correction.
L’évolution est généralement favorable, et les récidives comme les séquelles sont rares.
Pied bot varus équin : malformation débutant sous le genou
Cette malformation touche le pied mais aussi la jambe (
Quelques chiffres
Le pied bot varus équin concerne environ un enfant pour 1 000 naissances et affecte deux garçons pour une fille. Le plus souvent idiopathique, il est secondaire dans 10 à 20 % des cas. Il est bilatéral une fois sur deux.
Dans 75 % des cas, il est diagnostiqué au cours de la grossesse, lors de l’échographie morphologique. La réalisation d’une amniocentèse est systématique dans certains établissements, alors que d’autres n’y ont recours qu’en cas d’atteinte bilatérale. Le diagnostic anténatal permet de préparer les parents au traitement à débuter dès la naissance.
Le diagnostic est clinique, plus facile à la naissance. Le pied est en inversion, avec une supination, un varus de l’arrière-pied, une adduction de l’avant-pied, un creux plantaire et un équin. Cette anomalie est partiellement réductible, et le triceps sural est constamment rétracté. La radiographie n’a aucun intérêt dans les premiers mois de vie. L’échographie peut en revanche être réalisée afin de suivre l’évolution au fur et à mesure du traitement.
Méthode Ponseti : le traitement de référence
La méthode Ponseti consiste en la réalisation de plâtres correcteurs successifs (
Une correction rapide et globale de la déformation est ainsi obtenue mais doit être complétée par le port assidu d’une attelle de dérotation (
Il est parfois nécessaire de réaliser une nouvelle série de plâtres, voire un transfert du tendon tibial antérieur, lors de la survenue d’une récidive. On essaie d’éviter au maximum de réaliser une libération des parties molles car elle entraîne un enraidissement du pied.
Quelle évolution à distance ?
Ni la pathologie ni son traitement ne retardent l’acquisition de la marche. Néanmoins, il est important de noter qu’un pied bot ne guérit jamais sans séquelles ; en effet, le triceps sural, bien que fonctionnel, est toujours hypotrophique. Il en résulte un mollet moins galbé que la normale, ce qui peut s’avérer plus ou moins visible. Dans les cas d’atteinte unilatérale, le pied et la jambe sont plus courts du côté atteint par rapport au côté controlatéral, avec une inégalité de longueur estimée à 1 à 2 cm en fin de croissance.
Talus valgus et pied convexe, anomalies en éversion
Le pied talus – malposition fréquente et le plus souvent bénigne – et le pied convexe – malformation rare et nécessitant la recherche d’une cause sous-jacente – sont deux anomalies de position du pied en éversion.
Pied talus ou talus valgus, malposition à la régression spontanée
Le pied est en dorsiflexion complète : la face dorsale du pied est au contact de la face antérieure de la jambe (
Généralement, cette malposition fréquente régresse rapidement de manière spontanée. Lorsque ce n’est pas le cas, il est proposé de positionner une compresse roulée au niveau du dos du pied ; le recours au port d’une attelle est rarement nécessaire.
Distinguer le pied talus du pied convexe peut s’avérer complexe, notamment en cas de malposition sévère.
Pied convexe, malformation rare
Cette malformation du pied est rare, secondaire dans 50 % des cas. Sa découverte impose la recherche d’une cause sous-jacente (génétique, neurologique).
Le pied convexe est une luxation du médiotarse au niveau de l’interligne de Chopart, parfois difficile à distinguer d’une malposition à la naissance.
Cliniquement, l’arrière-pied est en équin, l’avant-pied en flexion dorsale. La plante du pied a un aspect convexe, dit « en tampon de buvard ». La tête du talus fait saillie sur le bord interne du pied (
À la radiographie, la verticalisation du talus ne se corrige pas lors de la mise en flexion dorsale (
Le traitement est d’abord orthopédique, associant des attelles à la kinésithérapie. En cas de persistance de la luxation, un traitement chirurgical est envisagé à partir de l’âge de 18 mois.
Rassurer face à une malformation des orteils
Motif très fréquent de consultation en chirurgie orthopédique, la malformation des orteils ne nécessite généralement aucun traitement. Rassurer est donc essentiel, notamment sur l’acquisition de la marche et le chaussage qui ne sont en rien altérés dans la grande majorité des cas.
Plusieurs anomalies de l’orteil sont possibles :
• les chevauchements d’orteils (fig. 10) sont fréquents ; ils régressent à l’acquisition de la marche puisque le pied s’élargit ;
• les clinodactylies (fig. 11) sont aussi fréquentes ; il est conseillé de reconsulter uniquement si un conflit cutané apparaît lors du chaussage. Toutefois, il est rare de revoir ces patients ;
• les syndactylies partielles de la deuxième commissure (fig. 12) sont considérées comme quasiment physiologiques. Les syndactylies complètes ou des autres commissures sont plus rares. Les deux seules indications chirurgicales concernent les syndactylies de la première commissure (visant à séparer les deux premiers orteils, car un hallux libre est indispensable pour une bonne propulsion) et les syndactylies complètes avec une croissance asymétrique des orteils puisque l’orteil le plus long a tendance à se mettre en griffe, créant une gêne au chaussage (en pratique, il s’agit de raccourcir la première phalange de l’orteil le plus long, geste plus simple et plus rapide que de séparer les deux orteils) ;
• les polydactylies des orteils (fig. 13) peuvent être associées à des polydactylies des doigts ; le traitement consiste en une exérèse chirurgicale.
Que dire à vos patients ?
• Qu’il s’agisse d’une malformation ou d’une malposition, des solutions existent pour la réduire partiellement ou totalement.
• Les anomalies des pieds empêchent rarement l’acquisition de la marche.
• Les anomalies des orteils ne doivent pas inquiéter.
• La plupart des malpositions régressent spontanément.
Chotel F, Wicart P, Kohler R. Le pied de l’enfance… à l’adolescence. Montpellier: Sauramps Medical, 2014.
Ponseti IV. Congenital clubfoot: fundamentals of treatment. Oxford: Oxford University Press, 1996.
Pouliguen JC. La consultation en orthopédie pédiatrique. Paris: Arnette, 1998.