Début : généralement à la puberté chez la femme (9 femmes pour 1 homme).
Deux pics d’incidence : autour de 14 et 18 ans.
Prévalence en population générale : estimée entre 0,9 et 1,5 %.
Formes subsyndromiques plus fréquentes : 5 %, facteur de risque d’autres maladies psychiques et somatiques.
Repérage et prise en charge précoces :1 pour prévenir chronicisation et complications somatiques (encadré 1), psychiatriques ou psychosociales, surtout chez les adolescentes.

Un questionnaire simple

Populations particulièrement à risque : adolescentes et jeunes femmes, mannequins, danseurs et sportifs mais aussi sujets soumis à un régime particulier à cause d’une maladie chronique (diabète de type 1, maladie cœliaque, hypercholestérolémie familiale…).
Praticiens concernés : pédiatres, médecins traitants, du sport, scolaires, de l’université, du travail… notamment lors de la délivrance des certificats de non-contre-indication à la pratique sportive.
Les personnes atteintes de trouble du comportement alimentaire consultent plus fréquemment leur médecin traitant que la population générale dans les années précédant le diagnostic pour des plaintes somatiques diverses.
Chez des sujets à risque et/ou en cas de signe d’appel clinique (cf. infra), utiliser des questionnaires de dépistage validés tels le SCOFF-F (SCOFF pour Sick, Control, One stone, Fat, Food et F pour français ; encadré 2 page suivante).
Ou poser 1 ou 2 questions ciblées telles que : « Avez-vous ou avez-vous eu un problème avec votre poids ou votre alimentation ? » ou « Est-ce que quelqu’un de votre entourage pense que vous avez un problème avec l’alimentation ? ».
Surveiller les paramètres anthropomorphiques :
– chez l’adulte, l’indice de masse corporelle (IMC : poids en kg/taille2 en m2) ;
– chez l’enfant et l’adolescent : outre le poids et l’IMC, les courbes de taille à tracer dans le carnet de santé (la perte de poids pouvant induire un ralentissement de la croissance).
Rechercher les signes évocateurs : les patients ont habituellement des difficultés à repérer et témoigner d’anomalies dans la qualité et les quantités de leurs prises alimentaires. L’entourage peut alors aider, mais certains symptômes, vécus comme honteux ou difficiles à partager (vomissements, utilisation de laxatifs), peuvent rester longtemps cachés (encadré 3).

Signes évocateurs selon l’âge

Chez l’enfant prépubère :
– pas de critère spécifique établi ;
– ralentissement de la courbe de taille ou changement de couloir de la courbe d’IMC ;
– cognitions typiques de l’anorexie rares (désir de minceur par exemple). Plus souvent : refus alimentaire justifié par une symptomatologie digestive mise au premier plan (de type douleurs abdominales) ;
– augmentation de l’activité physique.
Chez l’adolescent :
– demande parentale qui exprime soit le problème de poids et/ou d’alimentation, soit d’emblée le diagnostic d’anorexie mentale ;
– détérioration de l’ambiance familiale, surtout lors des repas, l’adolescent refusant de consulter ;
– signes de retentissement endocrinien : retard pubertaire, aménorrhée ou cycles irréguliers ;
– différentes attitudes face aux études ou à l’activité physique (hyperactivité intellectuelle et/ou sportive) ;
– changement de couloir dans la courbe de croissance staturale ou de corpulence.
Chez l’adulte :
– refus de prendre du poids malgré un IMC faible +++ ;
– perte de poids de plus de 15 % ;
– IMC < 18,5 si accompagné d’autres éléments cliniques : peur de grossir, dysmorphophobie, contrôle alimentaire, distorsions cognitives… ;
– hyperactivité physique et/ou intellectuelle ;
– chez la femme : aménorrhée secondaire, trouble de la libido ou infertilité ;
– chez l’homme :
. trouble de la libido ou dysfonction érectile ;
. pas de retentissement sur la fonction exocrine ;
. forme restrictive pure plus rare, hyperactivité physique souvent plus marquée ;
. valeurs d’IMC plus élevées ; à IMC égal, la dénutrition est moins bien tolérée que chez la femme.

Encadre

1. Principales complications somatiques de l’anorexie mentale

Dermatologiques et morphologiques

• Peau sèche

• Troubles de la cicatrisation

• Escarres

• Ecchymoses

• Perte des cheveux, alopécie

• Ongles fragiles, cassants

• Lanugo, hypertrichose

• Amyotrophie

• Œdèmes

• Silhouette androgyne

Gastro-intestinales

• Constipation, occlusion fonctionnelle

• Retard de vidange gastrique

• Cytolyse hépatique de dénutrition

• Douleurs abdominales

• Altérations dentaires

• Parotidomégalie

• Bradycardie

• Hypotension

• Allongement de l’intervalle QT

• Troubles du rythme

• Atrophie myocardique

• Épanchement péricardique

• Emphysème

• Pneumothorax, pneumomédiastin

Hématologiques et métaboliques

• Anémie

• Leucopénie

• Thrombopénie

• Hypokaliémie

• Hyponatrémie

• Élévation de l’INR

• Hypoprotidémie

• Hypoalbuminémie

• Hypercholestérolémie

Endocriniennes et osseuses

• Aménorrhée

• Infertilité

• Diminution de la libido

• Hypoglycémie

• Arrêt de croissance

• Retard pubertaire

• Ostéoporose

• Fractures

Neurologiques

• Atrophie cérébrale

• Troubles cognitifs

• Asthénie, ralentissement psychomoteur

• Coma, convulsions

Encadre

2. Test de repérage de l’anorexie (SCOFF-F)

Vous faites-vous vomir parce que vous vous sentez mal d’avoir trop mangé ?

Vous inquiétez-vous d’avoir perdu le contrôle de ce que vous mangez ?

Avez-vous récemment perdu plus de 6 kg en 3 mois ?

Pensez-vous que vous êtes gros(se) alors que d’autres vous trouvent trop mince ?

Diriez-vous que la nourriture domine votre vie ?

Une réponse positive est cotée 1, une réponse négative 0.

Si score total > 2 sur l’ensemble du test, il est fort probable que le ou la patiente souffre d’un trouble alimentaire : assurer une surveillance accrue ou adresser vers un centre spécialisé.

Encadre

3. Déni dans l’anorexie : constant

Quand il n’est pas conduit en consultation par son entourage, le patient anorexique rencontre généralement le médecin, généraliste ou spécialiste, pour une complication physique ou une comorbidité psychiatrique de sa maladie (trouble anxieux, dépression).

Le diagnostic de trouble du comportement alimentaire est difficile, le patient réfutant régulièrement toute difficulté d’ordre psychologique. Ce déni est essentiel à prendre en compte. Différant de la négation consciente des symptômes, il adopte des formes variables, dont les rationalisations somatiques sur fond de ressentis physiques (ex. : douleurs gastriques digestives justifiant un refus alimentaire).

L’impossibilité d’une prise de conscience de la sévérité de l’amaigrissement, ou l’indifférence à l’égard des risques somatiques liés sont typiques.

Au final, les manifestations du déni peuvent paradoxalement participer au diagnostic.

Référence
1. HAS. Anorexie mentale : prise en charge. Recommandations de bonne pratique. Juin 2010. http://bit.ly/1PxbmSp

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés