Après la phase aiguë, bien peser les risques hémorragique et ischémique.
L’ antiagrégation plaquettaire et les anticoagulants parentéraux sont les traitements de première ligne du syndrome coronaire aigu (SCA). L’objectif est d’antagoniser la thrombose coronaire à l’origine de l’infarctus du myocarde (figure) et d’optimiser l’angioplastie coronaire primaire.1

Quels antiagrégants dans le SCA ST+ ?

Dès le premier contact médical, on associe à l’aspirine un inhibiteur du récepteur P2Y12 parmi les 4 molécules actuellement disponibles (tableau).1
Le prasugrel (Efient) à la dose initiale de 60 mg suivie d’une dose d’entretien de 10 mg, 1 fois par jour. TIMI-TRITON 38 (n = 13 000 patients) a montré une réduction de 20 % de la mortalité cardiovasculaire et des ré-infarctus du myocarde, et une baisse de 50 % des thromboses de stent comparé au clopidogrel.
En raison du sur-risque d’hémorragie, il est contre-indiqué chez les plus de 75 ans ou de moins de 60 kg, ou ayant un antécédent d’AVC.2
Pour le ticagrélor (Brilique), la dose de charge est de 180 mg, suivie de 90 mg 2 fois par jour. Dans PLATO (n = 18 000 patients), la mortalité cardiovasculaire et les ré-infarctus sont réduits – environ 20 % –, le risque de thrombose de stent baisse de 40 %. Effets secondaires : dyspnée et bradycardies rapidement résolutifs.3
En cas de contre-indication au prasugrel et au ticagrélor (antécédent d’hémorragie cérébrale, indication à une anticoagulation au long cours, insuffisance hépatique), le clopidogrel doit être utilisé en débutant par 600 mg puis 75 mg par jour.
Malgré son efficacité, le polymorphisme génétique du cytochrome CYP450 à l’origine de son métabolisme hépatique est responsable d’une résistance chez 30 % des patients.
Le cangrélor (Kengrexal) administré en intraveineux a une action rapide mais brève (elle s’estompe très vite après arrêt de la perfusion). Il est peu utilisé en pratique compte tenu de son coût mais pourrait trouver sa place chez les patients incapables d’ingérer les comprimés (arrêt cardiaque, choc cardiogénique…).
L’administration préhospitalière de ces antiagrégants réduit les thromboses de stent précoces sans augmenter les hémorragies par rapport à l’utilisation à l’hôpital. Cette pratique a été validée par l’étude ATLANTIC5 et fait ainsi désormais partie des recommandations européennes avec une classe I-C.

SCA ST- : quels AAP et dans quel délai ?

Comme précédemment, les antiagrégants de choix en plus de l’aspirine sont le prasugrel et le ticagrélor en première intention. En cas de contre-indication, le clopidogrel doit être utilisé.4 Néanmoins, il n’y a pas d’urgence à prétraiter ces patients par inhibiteurs du P2Y12 ; en effet, il n’y a pas de bénéfice ischémique, mais une augmentation des hémorragies majeures.
Il est crucial de connaître l’importance des lésions coronaires et leur étendue, et de savoir si le patient va être traité par angioplastie (75 %), pontage (10 %) ou prise en charge médicale seule (15 %).
En cas de coronaropathies nécessitant une revascularisation chirurgicale par pontage, l’administration d’un anti-P2Y12 est associée à un taux élevé d’hémorragies péri-opératoires. La prudence incite donc à le réserver aux patients devant subir une angioplastie.

Après le SCA ?

La bithérapie antiplaquettaire est classiquement prescrite durant 12 mois. Le rationnel est de diminuer les récidives ischémiques composées à moitié de thromboses de stent précoces et tardives et à moitié de nouvelles ruptures de plaques entraînant infarctus ou AVC. En cas de haut risque hémorragique, les recommandations européennes préconisent de raccourcir cette durée à 6 mois, voire moins si chirurgie urgente.
Les derniers textes insistent sur l’importance d’une stratégie antiplaquettaire personnalisée en évaluant les risques hémorragique et ischémique. Le DAPT et le PRECISE-DAPT sont des scores de risque simples qui aident à la prise de décision concernant la durée de la bithérapie antiplaquettaire.

Patients sous anticoagulants

Environ 10 % des malades stentés pour un SCA ou une maladie coronaire stable ont une indication à recevoir un anticoagulant (FA, valve mécanique, maladie thrombo-embolique veineuse) en plus de la double antiagrégation plaquettaire. On parle alors de triple thérapie antithrombotique. Dans ce cas, prasugrel et ticagrélor sont contre- indiqués. Le sur-risque hémorragique lié à la triple association aspirine + clopidogrel + anticoagulant oral (AVK) a été souligné par de nombreuses études (WOEST, ISAR-TRIPLE, PIONEER-AF, REDUAL-PCI).
Pour le diminuer, il est conseillé d’utiliser les anticoagulants directs à faible dose (15 mg/j pour le rivaroxaban, 2,5 mg 2x/j pour l’apixaban et 110 mg 2x/j pour le dabigatran) et de raccourcir au mieux la durée de la trithérapie.
Ainsi, on arrête l’aspirine le plus tôt possible – dans un délai de 1 à 3 mois – pour garder une double association clopidogrel-anticoagulant (oral direct de préférence) après l’angioplastie.6
Encadre

Comment fonctionnent les AAP ?

L’aspirine, inhibiteur du thromboxane, acétyle de façon irréversible la cyclo- oxygénase plaquettaire COX1, ce qui inhibe le récepteur de la prothrombine responsable de l’agrégation plaquettaire et de la vasoconstriction artérielle. Utilisé seul, l’inhibition plaquettaire est modeste.

Les inhibiteurs des récepteurs P2Y12 à l’adénosine diphosphate (ADP), thiénopyridines, clopidogrel et prasugrel, sont des prodrogues, métabolisées par le foie en substance active. Elles se lient de façon compétitive et irréversible au récepteur du P2Y12, bloquant la voie de l’ADP (cf. infra).

Les antagonistes directs ticagrélor (oral) et cangrélor (IV), inhibiteurs directs et réversibles du récepteur P2Y12 à l’ADP sont des antagonistes puissants de l’activation et de l’agrégation plaquettaire. L’ADP provient de l’endothélium coronaire lésé par la plaque d’athérome ulcérée, mais aussi par les plaquettes riches en granules qui adhèrent à cette zone. Le complexe ADP-récepteur P2Y12 entraîne une boucle autostimulatrice importante d’activation et agrégation plaquettaire, à l’origine de l’accroissement du thrombus coronaire.

Les inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa (abciximab, ReoPro ; eptifibatide, Integrilin ; tirofiban, Agrastat), puissants, administrés par voie IV, inhibent la phase finale de l’agrégation plaquettaire et sont réservés aux infarctus massifs comprenant une forte charge thrombotique, en l’absence de sur-risque hémorragique.

références
1. Ibanez B, James S, Agewall S, et al. 2017 ESC Guidelines for the management of acute myocardial infarction (AMI) in patients presenting with ST-segment elevation: The Task Force for the management of AMI in patients presenting with ST-segment elevation of the ESC. Eur Heart J 2018;39:119-77.

2. Wiviott SD, Braunwald E, McCabe CH, et al. Prasugrel versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes. N Engl J Med 2007;357: 2001-15.

3. Wallentin L, Becker RC, Budaj A, et al. Ticagrelor versus clopidogrel in patients with acute coronary syndromes. N Engl J Med 2009;361:1045-57.

4. Roffi M, Patrono C, Collet JP, et al. 2015 ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation: Task Force for the Management of Acute Coronary Syndromes in Patients Presenting without Persistent ST-Segment Elevation of the ESC. Eur Heart J 2016;37:267-315.

5. Montalescot G, van ‘t Hof AW, Lapostolle F, et al.; ATLANTIC Investigators. Prehospital ticagrelor in ST-segment elevation myocardial infarction. N Engl J Med 2014;371:1016-27.

6. Valgimigli M, Bueno H, Byrne RA, et al. 2017 ESC focused update on dual antiplatelet therapy in coronary artery disease developed in collaboration with EACTS: The Task Force for dual antiplatelet therapy in coronary artery disease of the ESC and of the EACTS. Eur Heart J 2018;39:213-60.

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essentiel

L’aspirine (250-500 mg) doit être administrée dès le diagnostic de SCA avec ou sans sus-décalage du ST (SCA ST+ ou SCA ST-).

Si SCA ST+ : dose de charge de prasugrel (60 mg) ou ticagrélor (180 mg) dès le diagnostic, sauf si haut risque hémorragique : clopidogrel (dose de charge : 600 mg).

En cas de SCA ST-, attendre de mieux connaître l’importance des lésions coronaires avant d’administrer un deuxième antiagrégant (inhibiteur du P2Y12).

En prévention secondaire : double antiagrégation plaquettaire pendant 12 mois. Durée à adapter (raccourcir ou rallonger) après une évaluation individuelle et répétée des risques ischémique et hémorragique.

Si anticoagulation au long cours, stopper l’aspirine le plus tôt possible.