La découverte des antibiotiques a été une véritable révolution thérapeutique. Une nouvelle ère, pleine d’espoirs, s’est alors ouverte. Quelques grammes de pénicilline ou de streptomycine suffisaient pour modifier le pronostic de maladies jusqu’alors souvent incurables. Mais face au génie scientifique, les bactéries ont su, assez rapidement, s’adapter pour résister. Un phénomène naturel que Fleming avait déjà envisagé. Si la recherche pharmaceutique a permis de proposer des molécules innovantes pour répondre aux évolutions bactériologiques, elle marque malheureusement le pas : les nouveaux antibiotiques sont de plus en plus rares et les bactéries regagnent du terrain. L’antibiorésistance est donc devenue un sujet majeur de préoccupation.
Ce phénomène est parfaitement ressenti par les généralistes : parmi les 3 300 praticiens interrogés par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees)1, une moitié déclarent y avoir été confrontés dans les trois mois précédant l’enquête. C’est d’autant plus préoccupant que 72 % des antibiotiques sont prescrits en médecine de premier recours et que la France se situe au cinquième rang européen de la consommation d’antibiotiques (dépassant de 20 % la moyenne des autres pays) !
Alors, comment expliquer cette surconsommation ? Est-elle nécessaire ou s’agit-il d’un véritable mésusage ?
Pour 1 généraliste sur 5, elle tiendrait à de fréquentes incertitudes diagnostiques (conduisant à des « antibiothérapies probabilistes ») et à la crainte de possibles suites médicolégales données à un défaut de prescription. La principale cause de surprescription est, pour 80 % d’entre eux, la difficulté à refuser un antibiotique au patient qui le demande. Or, presque tous les praticiens (95 %), conscients de cet enjeu de santé publique, estiment avoir un rôle à jouer, et la majorité (75 %) est disposée à partager la décision avec ses patients ! Alors que proposer ?
Tout d’abord, savoir dire non est un droit, voire un devoir, pour tout prescripteur responsable, qui est loin d’être facile à appliquer ! Oser dire non n’est en effet pas une posture intuitive. Elle nécessite une véritable réflexion sur sa pratique, son identité et ses limites. Les formations initiales et continues ne doivent donc pas se cantonner à la clinique pure mais inclure une part de sciences humaines et sociales. Un axe qui n’est (hélas !) pas envisagé par la nouvelle stratégie nationale proposée par le ministère pour la prévention des infections et de l’anti­biorésistance2. En revanche, ses objectifs pour le grand public, surtout à destination des jeunes générations, sont tout à fait pertinents. Il faudra que les procédés de communication mis en œuvre soient adaptés et pragmatiques. Le message simple « Les anti­biotiques, c’est pas automatique » avait, à ce titre, montré son efficacité en permettant une prise de conscience de la population et l’ouverture à la négociation en consultation.
L’antibiorésistance concerne à la fois les prescripteurs et les patients. Il faut se donner les moyens d’agir pour s’en prémunir !
Références
1. Verger P, et al. Un médecin généraliste sur deux est confronté à des problèmes d’antibiorésistance. Drees, Études et Résultats, n° 1217, janvier 2022. https://bit.ly/35sY4vC
2. Ministère des Solidarités et de la Santé. Stratégie nationale pour la prévention des infections et de l’antibiorésistance 2022-2025. Février 2022. https://bit.ly/3vBEbx1