Infections de l’enfant. La prescription des antibiotiques doit être réduite chez l’enfant et leur choix conditionné à des indications précises. Ainsi, dans les infections des voies respiratoires, c’est l’amoxicilline qui doit être prescrite et non une céphalosporine de 3e génération ou des quinolones.
thérapeutique
Les maladies infectieuses évoluent, notamment du fait des programmes de vaccination et de l’usage des antibiotiques. La résistance des bactéries aux antibiotiques est devenue un problème de santé publique majeur en France et dans le monde.1 Elle impose de réduire de façon massive les prescriptions d’antibiotiques, de prescrire les antibiotiques les moins sélectionnants et de mettre en place des outils de surveillance pour suivre l’évolution de ces résistances afin d’adapter au plus vite les stratégies diagnostiques et thérapeutiques.1, 2
Les axes principaux pour réduire les prescriptions d’antibiotiques sont :
– de les limiter aux situations où ils ont fait la preuve de leur efficacité ;
– de réduire au maximum l’incertitude diagnostique en renforçant l’exigence de rigueur dans l’analyse clinique et en s’aidant des tests de diagnostic rapide.
Les résistances aux antibiotiques aujourd’hui concernent essentiel- lement les bactéries à Gram négatif, et plus particulièrement les enté- robactéries du tube digestif. Ces bactéries sont responsables des infections digestives mais surtout des infections urinaires. Ce phénomène est la conséquence de la persistance d’une prescription massive et non justifiée d’antibiotiques dans les infections respiratoires hautes et basses qui représentent actuellement plus des deux tiers des prescriptions.3 C’est pour cette raison que l’utilisation des antibiotiques les plus générateurs de résistance comme les céphalosporines de 3e génération (C3G) orales et les quinolones doit être, sauf nécessité impérieuse, évitée.
L’amoxicilline est l’antibiotique recommandé de façon préférentielle dans les infections des voies respi- ratoires (otites sans conjonctivite, angines à streptocoque du groupe A, sinusites, pneumonies…). Les allergies vraies à l’amoxicilline sont exceptionnelles en pédiatrie et doivent être systématiquement confirmées par un allergologue. En effet, les manifestations cutanées suspectes d’allergie correspondent le plus souvent à des prescriptions d’antibiotiques inappropriées au cours d’épisodes de fièvre éruptive virale (roséole, mononucléose infectieuse, infection à parvovirus B19…). En cas d’allergie vraie ou fortement suspectée à l’amoxicilline, les C3G orales (cefpodoxime) ou parentérales (ceftriaxone) ainsi que les céphalosporines de 2  génération (céfuroxime) sont l’alternative la plus fréquente dans l’attente de l’expertise allergologique (les macrolides ne conviennent pas du fait de la résistance du pneumocoque encore élevée et de la sensibilité intermédiaire d’Haemophilus influenzae). Les réactions croisées entre les pénicillines et les céphalosporines de 2e et 3e générations sont rares du fait de leurs structures moléculaires différentes notamment au niveau des chaînes latérales.4
Cet article a pour but d’aider les cliniciens dans le choix et l’utilisation des antibiotiques en pédiatrie et se focalise en priorité sur les situations les plus fréquemment rencontrées en médecine générale. Il a été écrit à partir des recommandations officielles5, 6 et du guide d’antibio- thérapie du Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique de la Société française de pédiatrie.7

Infections ORL et stomatologiques de l’enfant

Les infections oto-rhino-laryngées (ORL) sont les infections les plus fréquemment rencontrées chez l’enfant et sont la première cause de prescription d’antibiotiques.3 Cependant, deux éléments majeurs tendent à prouver qu’ils sont bien souvent inutiles dans ces circonstances :
– l’immense majorité des infections ORL sont d’origine virale (rhinopharyngite, otite congestive, bronchiolite…) ;
– les infections ORL, même bactériennes comme les otites moyennes aiguës purulentes ou les angines à streptocoque du groupe A, évoluent le plus souvent spontanément vers la guérison.
On observe une diminution de la résistance aux antibiotiques pour les deux espèces bactériennes les plus souvent impliquées (Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae), due, en partie, à la généralisation de la vaccination contre le pneumocoque. Cela a permis, ces dernières années, de simplifier les choix antibiotiques. L’amoxicilline est désormais le traitement de première intention dans l’immense majorité des cas et doit donc, dans les infections ORL, représenter au moins 70-80 % des prescriptions.3
Le tableau 1 présente, pour les infections ORL et stomatologiques, les différentes situations cliniques, les cibles du traitement antibiotique, l’antibiothérapie préférentielle ainsi que les alternatives en cas d’allergie en pédiatrie.5, 6

Infections respiratoires basses de l’enfant

Les infections respiratoires basses sont la deuxième cause de prescription d’antibiotiques. De même que pour les infections respiratoires hautes, la plupart de ces infections sont d’origine virale et l’évolution naturelle se fait le plus souvent vers la guérison. La généralisation de la vaccination pneumococcique conjuguée chez le nourrisson a permis de réduire l’incidence globale des pneumonies et des pleurésies, et la part du pneumocoque dans ces pathologies.8 La résistance aux antibiotiques des pathogènes impliqués ayant diminué, notamment aux pénicillines et aux macrolides, cela a permis de la même façon, d’alléger les choix antibiotiques ces dernières années.
Le tableau 2 présente, pour les infections respiratoires basses, les différentes situations cliniques, les cibles du traitement antibiotique, l’antibiothérapie préférentielle ainsi que les alternatives en cas d’allergie en pédiatrie.5, 6

Infections urinaires de l’enfant

Les infections urinaires sont plus rares que les infections respiratoires hautes et basses. Elles représentent, en revanche, la majorité des infections bactériennes documentées en pédiatrie. Une bandelette urinaire (BU) doit toujours être analysée, à la recherche de leucocytes ou de nitrites, avant la réalisation d’un examen cytobactériologique des urines (ECBU), car une BU négative permet d’exclure à plus de 95 % une infection urinaire (hors nouveau-né, neutropénie). En pédiatrie, la qualité du recueil des urines est essentielle. Les méthodes à privilégier sont le sondage vésical et le prélèvement en milieu de jet. L’utilisation de la poche urinaire est largement remise en cause, source de nombreux faux positifs (50 %). La figure p. 11 résume l’interprétation d’une bandelette urinaire réalisée sur une poche selon le résultat de la leucocyturie et des nitrites.9
Le traitement probabiliste doit prendre en compte l’émergence de souches d’entérobactéries multirésistantes communautaires (Escherichia coli principalement). En France, la proportion de souches d’E. coli résistantes par production de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE) a régulièrement augmenté ces dernières années mais reste cependant inférieure à 10 % : il n’est pas rare que pour ces souches, aucun antibiotique administrable par voie orale ne soit actif.
Le tableau 3 présente, pour les infections urinaires, l’antibiothérapie probabiliste, les alternatives en cas d’allergie ainsi que l’antibiothérapie par voie orale à prescrire selon les résultats de la culture, en pédiatrie.5, 6 La possibilité d’un traitement par amikacine par voie intraveineuse en monothérapie (non disponible en ville) a volontairement été enlevée de ce tableau. De même, l’antibiothérapie des patients pour lesquels un traitement hospitalier est nécessaire ne figure pas dans ce tableau (âge < 3 mois, sepsis, uropathie sévère connue, déficit immunitaire, insuffisance rénale, néphropathie). Dans des situations à bas risque de cicatrices rénales, un traitement d’emblée oral par céfixime est possible (âge > 3 mois, absence d’uropathie sous-jacente, absence de sepsis, procalcitonine basse, bonne observance). Dans tous les cas, le traitement initial ne doit être prescrit que pour les 2 à 3 premiers jours et secondairement adapté aux résultats de l’antibiogramme qu’il faut récupérer rapidement dans un contexte d’émergence des entérobactéries BLSE.

Infections cutanées de l’enfant

Les infections cutanées bactériennes sont fréquentes chez l’enfant. Cependant, pour la majorité d’entre elles, un lavage soigneux à l’eau et au savon permet d’éliminer les bactéries en cause et d’éviter une antibiothérapie systémique. De même, en cas de lésions abcédées, le drainage spontané ou chirurgical facilite la guérison bien plus que les antibiotiques qui diffusent mal au sein du pus. Le diagnostic précis des lésions cutanées est complexe et variable selon les médecins.
Les infections cutanées sont le plus souvent dues à deux hôtes intermittents de la peau qui possèdent de très nombreux facteurs de virulence : Staphylococcus aureus et Streptococcus pyogenes du groupe A. Ces deux ger-mes sont susceptibles de produire des toxines responsables d’une atteinte sévère locale ou générale.
Les souches de S. aureus produisent, dans une immense majorité des cas, une bêtalactamase qui inactive l’amoxicilline. Cependant, la sensibilité actuellement préservée de la majorité (95 %) de ces souches à la méticilline garantit l’efficacité des antibiotiques stables à la bêtalactamase ou qui comportent un inhibiteur comme l’acide clavulanique. L’antibiotique de choix est donc, quand il est nécessaire, l’association amoxicilline-acide clavulanique.
Le tableau 4 présente, pour les infections cutanées et les morsures, les différentes situations cliniques, les cibles du traitement antibiotique, l’antibiothérapie préférentielle ainsi que les alternatives en cas d’allergie en pédiatrie.5, 6

Infections digestives de l’enfant

Les gastro-entérites sont le plus souvent virales et ne nécessitent que très rarement une antibiothérapie. Même en cas de cause bactérienne trouvée à la coproculture, le traitement antibiotique ne doit pas être systématique. En effet, il n’apporte que peu ou pas de bénéfice au-delà des trois premiers jours de gastro-entérite à Campylobacter jejuni et dans la majorité des salmonelloses non compliquées (hors S. typhi, S. paratyphi, âge < 3 mois, sepsis, drépanocytose ou immunodépression, bactériémie, fièvre prolongée et/ou diarrhée persistante).
Chez l’enfant, les indications de la coproculture sont rares et sont recommandées en cas :
– de comorbidité (immunodépression, maladie inflammatoire chronique de l’intestin…) ou si l’enfant est âgé de moins de 3 mois ;
– de diarrhée glairo-sanglante invasive (fièvre élevée, sepsis, syndrome dysentérique sévère) ;
– de diarrhée survenant chez un sujet qui a été en contact avec une personne atteinte d’infection à Shigella ou à C. jejuni ;
– de diarrhée au retour de voyage en zone exposée à un important risque fécal ;
– de toxi-infections alimentaires collectives.
L’antibiothérapie probabiliste doit donc rester exceptionnelle (principalement en cas de diarrhée glairo-sanglante très fébrile avec suspicion clinique de bactériémie pour laquelle l’hospitalisation est presque toujours nécessaire, et pour la diarrhée autour d’un cas de shigellose).
Le tableau 5 présente, pour les infections digestives bactériennes, les différentes situations cliniques, les cibles du traitement antibiotique, l’antibiothérapie préférentielle ainsi que les alternatives en cas d’allergie en pédiatrie.5, 6
Enfin, il faut noter que, chez l’enfant, la présence de toxine de Clostridium difficile n’a pas de valeur diagnostique avant 3 ans (sauf en cas d’obstruction intestinale) et que la maladie demeure rare après cet âge.
Références
1. Organisation mondiale de la santé. Résistance aux antibiotiques. Aide-mémloire, OMS 2016. http://www.who.int/mediacentre/factsheets/antibiotic-resistance/fr/ ou http://bit.ly/2m02cds
2. Cohen R, Bingen E, Grimprel E, Raymond J, Gendrel D. Résistance aux antibiotiques : un nouveau tournant à ne pas manquer. Arch Pediatr 2011;18:359-61.
3. Sellam A, Chahwakilian P, Cohen R, Bechet S, Vie Le Sage F, Levy C. Impact des recommandations sur la prescription en consultation de ville d’antibiotiques à l’enfant. Arch Pediatr 2015;22:595-601.
4. Pichichero ME, Zagursky R. Penicillin and cephalosporin allergy. Ann Allergy Asthma Immunol 2014;112:404-12.
5. Infectiologie.com. Recommandations. www.infectiologie.com ou http://bit.ly/2jT1WLo
6. Haute Autorité de santé. Tableau des recommandations ou travaux relatifs à la bonne pratique. www.has-sante.fr ou http://bit.ly/2BWlc1a
7. Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique. Guide de prescription d’antibiotique en pédiatrie. Arch Pediatr 2016;23:S1-S55. http://gpip.sfpediatrie.com ou http://bit.ly/2z3Dzmw
8. Levy C, Biscardi S, Dommergues MA, et al. Impact of PCV13 on community- acquired pneumonia by C-reactive protein and procalcitonin levels in children. Vaccine 2017;35:5058-64.
9. Dubos F, Raymond J. Pyélonéphrite aiguë du nourrisson : stratégies diagnostiques. Arch Pediatr 2012;19:S101-8.
10. Cohen R, Levy C, Cohen J, et al. Diagnostic des tournioles à streptocoque du groupe A. Arch Pediatr 2014;21:S93-6.

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