Malgré la baisse de consommation d’antibiotiques pendant la pandémie, la France reste l’un des plus gros consommateurs d’Europe, en particulier en pédiatrie. Or leur juste prescription est un enjeu majeur de lutte contre l’antibiorésistance ; des outils pratiques existent pourtant, dont certains ont récemment évolué… On fait le point sur ces aides à la décision indispensables pour la pratique.

Quel bilan deux ans après le début de la pandémie ?

Fin 2021, Santé publique France publiait des chiffres montrant que la consommation d’antibiotiques en santé humaine avait baissé de façon très significative en 2020 (-18 % pour les prescriptions en ville), quelle que soit la classe d’âge considérée. Les facteurs liés à la pandémie expliquaient en grande partie cette baisse (gestes barrières, isolement, diminution des consultations dans un premier temps), qui était particulièrement marquée pour les pénicillines à large spectre.

Mais, bien qu’entre 2010 et 2019 une baisse progressive de la consommation des antibiotiques en ville ait été observée, la rupture qu’a constitué l’année 2020 ne pouvait pas être interprétée comme le prolongement de cette évolution – étant donné le contexte particulier. Ainsi, en 2021, la recrudescence des infections dans le dernier trimestre de l’année, en particulier en pédiatrie, a entraîné une hausse de la prescription d’antibiotiques : « [Cette] augmentation […] n’est pas un bon signe », a déclaré le Dr Anne Berger-Carbonne, responsable de l’unité « Infections associées aux soins et résistance aux antibiotiques » de Santé publique France.

La tendance à la baisse observée sur la période 2010-2019 a été la plus marquée pour les prescriptions initiées par les médecins généralistes (-20,4 %) : garder ce cap est essentiel, compte tenu du poids de la prescription en ville des antibiotiques (80 % du total : environ 70 % par les médecins généralistes et 10 % par les chirurgiens-dentistes). Pour ce faire, divers outils sont disponibles pour aider les praticiens au quotidien...

Des fiches pour le choix et la durée de l’antibiothérapie

Réduire les durées de traitement antibiotique est une stratégie fondamentale pour restreindre l’exposition excessive aux antibiotiques et lutter contre l’antibiorésistance. En août 2021, la Haute Autorité de santé (HAS), en partenariat avec la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) et le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP), a élaboré de nouvelles recommandations préconisant le choix et les durées d’antibiothérapies (les plus courtes possibles) pour les infections courantes.

Ces 19 fiches synthétiques concernent les infections bactériennes fréquemment observées en médecine de ville : infections urinaires chez la femme (notamment la cystite aiguë simple, à risque de complication ou récidivante), ORL chez l’adulte et l’enfant (telle que l’otite moyenne aiguë purulente de l’enfant, fréquente lors de la vie en collectivité), infections cutanées, à Helicobacter pylori chez l’adulte, urétrites, cervicites et diverticulite aiguë sigmoïdienne non compliquées, etc.

Antibioclic

Le site Antibioclic, développé par le Collège de la médecine générale (CMG) et le Collège national des généralistes enseignants (CNGE), en partenariat avec la Spilf, sert aussi d’outil d’aide à la prescription d’une antibiothérapie rationnelle en soins primaires, avec des adaptations pour les patients insuffisants rénaux, les femmes enceintes ou allaitantes, et selon l’âge du patient.

Selon une enquête publiée en janvier 2022 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), plus de 60 % des médecins généralistes déclaraient utiliser ce site, qui, selon les annonces de leurs créateurs, fera l’objet d’importantes mises à jour cette année, sur le contenu et l’ergonomie. Par exemple, en renseignant le code postal, certains contenus (annuaires, liens avec centres régionaux en antibiothérapie) pourront être personnalisés.

Centres régionaux en antibiothérapie (CRatb)

Ces structures régionales, créées en 2020 et en cours de mise en place, ont des missions d’expertise et appui au professionnels de santé en lien avec les ARS : animation d’un réseau d’équipes multidisciplinaires, référents et généralistes formés à l’antibiothérapie, mais aussi promotion du bon usage auprès du grand public.

Les médecins généralistes pourront s’y référer notamment lorsqu’ils ont affaire à des situations compliquées (résistances microbiennes importantes, patients complexes), que ni les recos pour les pathologies courantes ni Antibioclic n’auront pu résoudre.

Ordonnances de non-prescription d’antibiotiques, TROD…

Développée par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), l’ordonnance de non-prescription d’antibiotiques est un document prérempli (à télécharger ici), dont la visée est pédagogique : le but est d’aider le médecin à expliquer à leurs patients pourquoi, à l’issue de la consultation, il n’a pas jugé nécessaire de prescrire un antibiotique.

Daté et signée par le médecin, le document est remis en fin de consultation comme une ordonnance classique… mais ne contient aucun médicament ; elle peut, le cas échéant, être accompagnée d’une ordonnance classique pour un traitement symptomatique.

Pour les angines, en particulier – pour lesquelles les patients sont souvent demandeurs d’antibiotiques – les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) permettent d’en vérifier l’origine virale ou bactériennegrâce à un prélèvement de gorge, afin que la prescription d’antibiotiques soit raisonnée (moins d’une angine sur cinq est d’origine bactérienne). Les patients peuvent bénéficier du TROD directement en pharmacie (prise en charge à 70 %), pour être orientés vers le médecin en cas de résultat positif.

Pour les patients

La plateforme en ligne Antibio’Malin, élaborée par le ministère de la santé, contient aussi des outils pour les aider à mieux comprendre les infections courantes et pour les accompagner dans la prise d’un antibiotique, les impliquant ainsi dans leur bon usage.

Pour en savoir plus
Antibiothérapie en ville : nouvelles recos.  Rev Prat (en ligne), 1er septembre 2021.
Cordel H, Némorin M, Bouchaud O. Quand (et pourquoi) ne pas prescrire une antibiothérapie ?  Rev Prat 2019;69(5);4475-80.
Bon usage des antibiotiques : il faut garder le cap !  Rev Prat (en ligne), 25 novembre 2021.
Cygler M. Antibiotiques : des aides à la prescription pour prescrire malin.Medscape 6 avril 2022.
Taine M, Offredo L, Weill A. Pediatric Outpatient Prescriptions in Countries With Advanced Economies in the 21st Century.JAMA Netw Open 25 avril 2022.
Tattevin P, Picard L, Patrat-Delon S. Focus Item 177. Pourquoi le bon usage est-il particulièrement important pour la classe thérapeutique des anti-infectieux ?  Rev Prat 2021;71(2);e61.
Tattevin P, Picard L, Patrat-Delon S. Prescription et surveillance des anti-infectieux chez l’adulte et l’enfant (voir item 330). Partie 1 : Antibiotiques.  Rev Prat 2021;71(2);e51-60.