La fibrillation atriale est fréquente chez les personnes âgées et très âgées et expose à un risque majeur d’AVC. Quelles spécificités cliniques ? Quel anticoagulant préférer ? Quelles précautions ? Une fiche pour la pratique.

FA : des spécificités cliniques chez les seniors

Chez les personnes âgées, la FA est souvent asymptomatique et découverte de façon fortuite. Ainsi, les nouvelles recommandations européennes proposent la réalisation systématique d’un ECG chez les plus de 75 ans.

Lorsqu’ils sont présents, les symptômes sont variés : dyspnée, palpitations, douleur thoracique, malaises, chutes, syncope, asthénie… Chez les personnes âgées, les palpitations sont moins fréquentes que chez les plus jeunes. La FA peut aussi être découverte à l’occasion d’une complication (accident embolique, insuffisance cardiaque) ; elle survient fréquemment de façon aiguë à l’occasion d’un stress provoqué par un épisode infectieux, notamment bronchopulmonaire, une décompensation cardiaque ou respiratoire ou des troubles métaboliques. Ce passage en fibrillation témoigne une probabilité élevée de pathologies cardiovasculaires sous-jacentes et un risque de récidive de FA plus élevé par rapport à des personnes plus jeunes.

Par ailleurs, chez les personnes âgées, les comorbidités (HTA, insuffisance cardiaque, coronaropathie, valvulopathie, diabète, obésité, syndrome d’apnées du sommeil, BPCO…) sont fréquentes et aggravent le pronostic de la FA. Elles peuvent être la cause ou la conséquence de la FA. Dans tous les cas, leur prise en charge est essentielle.

Enfin, les syndromes gériatriques tels que troubles cognitifs, chutes, insuffisance rénale, dénutrition, état de dépendance fonctionnelle, dépression, ainsi que les polymédications, sont fréquents et aggravent le pronostic. Une évaluation est indispensable (cf. ci-après).

Évaluer la balance bénéfice/risque

Avant de prescrire un traitement anticoagulant, il faut évaluer le risque thrombotique et le risque hémorragique.

L’évaluation du risque thrombotique se fait au moyen du score CHA2DS2 -VASc (tableau 1). Sur la base de ce score, il est recommandé que la majorité des patients de plus de 75 ans ayant une FA reçoivent un traitement anticoagulant (l’âge ≥ 75 ans correspondant à 2 points dans ce score), en tenant compte du risque hémorragique.

Le risque hémorragique sous anticoagulant augmente avec l’âge. L’incidence des accidents hémorragiques est de l’ordre de 4 à 6 % après 80 ans, avec un risque d’hémorragie cérébrale de l’ordre de 1 %. Ainsi, le risque ischémique sans anticoagulant apparaît le plus souvent supérieur au risque hémorragique sous anticoagulant.

L’évaluation du risque hémorragique peut se faire à partir de différents scores : HAS-BLED (patients à haut risque hémorragique si score > 3 ; v. tableau 2), ou HEMORR2HAGES. Un score élevé ne contre-indique pas les anticoagulants, mais doit faire rechercher des facteurs modifiables et discuter le rapport bénéfice/risque du traitement.

Les facteurs de risque gériatriques sont à rechercher systématiquement avant la mise en route du traitement anticoagulant afin d’évaluer son rapport bénéfice/risque.

On parle de la « règle des 4C » :

  • chutes,
  • clairance de la créatinine,
  • cognition,
  • comédications.

Le tableau 3 détaille la conduite à tenir en présence de ces facteurs pour réduire le risque hémorragique (adaptation posologique des AOD selon les molécules, gestion de la polymédication)…

Trois principes sont également à connaître :

  • il n’y a aucune place pour l’antiagrégation plaquettaire (aspirine) chez ces patients ayant une FA ;
  • le caractère clinique de la FA (paroxystique ou permanente) ne doit pas conditionner l’indication de la prévention du risque thromboembolique ;
  • le risque thromboembolique et le risque hémorragique doivent être réévalués périodiquement pour guider les décisions de traitement et permettre une réévaluation des risques hémorragiques modifiables.

Quel anticoagulant préférer ?

AOD ou AVK ? La gestion des AVK est souvent complexe chez les sujets âgés en raison des nombreuses comédications associées et de la difficulté de garder un INR dans la zone thérapeutique. Depuis 2018, la HAS indique que les AOD ou les AVK peuvent être prescrits en première intention. D’après une méta-analyse1 des essais randomisés ayant comparé les AOD aux AVK, ayant inclus 28 135 sujets âgés de plus de 75 ans, les AOD ont une meilleure efficacité que les AVK (réduction significative des AVC de 20 %) et une meilleure sécurité (réduction significative de 53 % des hémorragies cérébrales). Ainsi, les recommandations européennes proposent d’utiliser de préférence les AOD plutôt que les AVK.2

Quel AOD choisir ? Les modalités pratiques d’utilisation des AOD chez le sujet âgé (doses, adaptations posologiques…) sont résumées dans le tableau 4.

Quelle surveillance ?

Chez un patient traité par AVK, il faut surveiller les INR tous les 15 - 30 jours (voire plus en fonction de la labilité des dosages).

En cas de traitement par AOD, l’absence de test d’anticoagulation n’est pas synonyme d’« absence de biologie de contrôle » au cours du suivi. La fonction hépatique et l’hémogramme doivent être contrôlés tous les ans. Chez le sujet âgé, il convient de surveiller la clairance de la créatinine :

  • tous les 3 mois ;
  • en cas d’épisode aigu (infection, déshydratation, décompensation cardiaque…) ;
  • en cas d’anémie.

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