Du fait d’une perte de l’activité neutralisante de certains anticorps monoclonaux vis-à-vis du variant omicron (désormais majoritaire en France), le ministère de la Santé a modifié les règles d’utilisation de ces traitements, aussi bien dans leurs indications curatives que prophylactiques. Ce qu’il faut savoir.
Les thérapies par anticorps monoclonaux sont indiquées :
– à visée curative, chez les personnes ayant contracté le Covid et qui ont un risque de développer une forme grave (par une immunodépression, un âge avancé, ou des comorbidités à risque), administré à un stade précoce de la maladie (soit 5 jours maximum après le début des symptômes), ou chez des patients hospitalisés pour Covid nécessitant une oxygénothérapie non invasive (non intubés) et qui n’ont pas développé leurs propres anticorps (patients séronégatifs) ;
– en prophylaxie pré-exposition (PrEP), chez les immunodéprimés non ou faiblement répondeurs à la vaccination et appartenant à l'un des groupes à très haut risque de forme sévère de Covid*, ou ayant une contre-indication à la vaccination et qui sont à haut risque de forme sévère ;
– en prophylaxie post-exposition (cas contact), chez ces mêmes patients, ou ceux (immunodéprimés) exposés à un cas confirmé de Covid dans les 7 jours suivant la dernière dose d’un schéma vaccinal complet.
* Sous-groupes à très haut risque de forme sévère de Covid-19 tels que définis par l’ANRS-Maladies infectieuses émergentes :
– receveurs de greffes d’organes solides,
– receveurs d’une greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques,
– ayant des hémopathies lymphoïdes : leucémies lymphoïdes chroniques traitées ou non, lymphomes non hodgkiniens et myélomes sous traitement, y compris les patients receveurs de thérapie cellulaire génique de type CAR-T cells (chimeric antigen receptor T-cell) ou d’anticorps thérapeutiques bi-phénotypiques,
– patients recevant un traitement par anticorps anti-CD20 ou inhibiteurs de BTK (Bruton Tyrosine Kinase) ou azathioprine, cyclophosphamide et mycophénolate mofétil,
– sujets porteurs d’un déficit immunitaire primitif.
Jusqu’à présent, ces indications concernaient :
– la bithérapie casirivimab + imdévimab (Ronapreve, de Roche) : chez les 12 ans et plus, pour l’utilisation en curatif, en PrEP et prophylaxie post-exposition ;
– la bithérapie tixagévimab + cilgavimab (Evusheld, d’AstraZeneca) : chez les 18 ans et plus, en PrEP.
Pour rappel, la bithérapie bamlanivimab + étésévimab (Lilly) et le bamlanivimab en monothérapie, qui étaient aussi indiqués à visée curative, n’étaient plus (ou peu) utilisés depuis l’émergence du variant delta du fait d’une résistance de celui-ci vis-à-vis du bamlanivimab.
Aujourd’hui, du fait de la circulation majoritaire du variant omicron, qui a montré des capacités d’échappement envers certains de ces anticorps, leurs règles d’utilisation sont modifiées :
1. En situation curative :
– la bithérapie Ronapreve ne doit pas être administrée en cas d’infection par le variant omicron, étant donné la perte totale d’activité neutralisante de chacun des deux anticorps du cocktail constatée sur ce variant ; elle est donc réservée à l’infection par delta (PCR de criblage nécessaire). Toutefois, étant donné la situation actuelle (délais parfois très longs pour obtenir les résultats des tests de criblage) et au regard de la situation épidémiologique au niveau local, un accès à Ronapreve peut être envisagé au cas par cas après accord de l’ANSM via une autorisation d’accès compassionnel ;
– quant aux thérapies de Lilly, leur ATU est soit clôturée (monothérapie) ou suspendue (bithérapie) depuis le 31 décembre 2021 ;
– le sotrovimab (Xevudy)a été autorisé en accès précoce par la HAS le 7 janvier 2022, en traitement curatif, chez les patients âgés de 12 ans et plus (et pesant plus de 40 kg) ayant contracté le Covid (forme légère, non oxygéno-requérante) et qui sont à haut risque d’évolution vers une forme grave (80 ans et plus ; immunodéprimés ; à risque de complications).
2. En prophylaxie post-exposition : l’administration de Ronapreve en cas de contact présumé avec un variant delta reste possible, donc sous réserve de réaliser un criblage à la recherche du type de variant ayant infecté le patient index ; en présence d’omicron, ou en l’absence d’information sur le variant infectant le patient index, ce traitement ne doit pas être administré.
3. En PrEP : Ronapreve ne doit plus être utilisée, mais Evusheld reste indiquée (la combinaison de ses deux anticorps conserve une activité neutralisante malgré une perte partielle d’activité sur omicron).
– Administration d’Evusheld en pratique
Ce traitement est soumis à prescription hospitalière, mais peut être administré en hôpital de jour, en consultation externe ou rétrocédé et administré au domicile du patient. Il consiste en 2 injections intramusculaires (tixagevimab 150 mg et cilgavimab 150 mg) effectuées consécutivement à deux points d’injection distincts. Il doit être administré et supervisé par un professionnel de santé qualifié et dans des conditions permettant de prendre en charge une réaction allergique pendant l’administration et au moins durant les 30 minutes suivantes.
La réalisation d’un test PCR 72 heures avant l’administration du traitement est recommandée, afin de vérifier l’absence de contamination par le SARS-CoV-2. Pour les patients bénéficiant de cette PrEP pour la première fois, une sérologie quantitative doit aussi être réalisée avant l’instauration du traitement (recherche d’anticorps anti-S : patient faiblement répondeur défini par des titres d’anticorps anti-S < 260 BAU/mL [Binding Antibody Units], pour plus de détails, voir ici). Pour les personnes ayant déjà bénéficié d’une PrEP par Ronapreve, le passage à Evusheld doit être fait le plus rapidement possible ou au plus tard 1 mois après la dernière injection de Ronapreve, et ne dépend pas d’un dosage d’anticorps anti-S. La réalisation d’une PCR 72 heures avant reste préconisée dans ce cas.
Attention : en raison d’un risque cardiovasculaire identifié lors des essais cliniques, ce traitement n’est pas recommandé pour les personnes ayant au moins deux facteurs de risque cardiovasculaire (dyslipidémie, diabète, obésité, hypertension, tabagisme, âge avancé...).
– Suivi
La durée de protection est d’au moins 6 mois après l’administration prophylactique d’une dose unique de 300 mg de l’association. En revanche, le suivi du dosage des anticorps tous les 3 mois doit être organisé (possible en médecine de ville), afin de confirmer le délai de renouvellement du traitement. Un test anti-spicule est utilisé pour le dosage, dont les résultats sont exprimés en BAU/mL ; l’usage d’un test identique tout au long du suivi est préconisé.
Un suivi virologique renforcé doit être organisé en cas de positivité ou de manifestation symptomatique évocatrice.
LMA, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Ministère des solidarités et de la santé. DGS Urgent – Mise à jour des informations relatives à l’utilisation des anticorps monoclonaux et des autres traitements en lien avec l’évolution de l’épidémie de COVID-19 liée au SARS-CoV-2 : impact de la diffusion du variant Omicron. 4 janvier 2022.
Martin Agudelo L. Rappel vaccinal : quelles spécificités chez les immunodéprimés ?Rev Prat (en ligne) 5 janvier 2022.