Certaines études ont suggéré que la prise des antihypertenseurs le soir était plus efficace sur le contrôle de l’HTA, mais leurs résultats étaient discutés. L’essai randomisé Time, conduit sur plus de 21 000 personnes, a tranché sur cette question. Explications.

Présenté fin août lors du congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC, European Society of Cardiology), l’essai Time est une étude randomisée prospective menée sur plus de 21 000 patients au Royaume-Uni prenant au moins un médicament antihypertenseur, suivis pendant une durée médiane de 5 ans (jusqu’à 9 ans pour certains patients). Il compare l’effet d’une prise du traitement antihypertenseur le matin ou le soir sur la survenue d’événements cardiovasculaires.

L’âge moyen des patients était de 65 ans ; il y avait 58 % d’hommes ; 10 503 prenaient leur traitement le soir (entre 20 h et minuit) et 10 601 le matin (entre 6 h et 10 h). Le critère primaire d’évaluation composite était la survenue d’un infarctus du myocarde non fatal, d’un AVC, ou un décès d’origine vasculaire. Ces informations étaient obtenues auprès des participants par courriel et en les recoupant à des bases de données nationales ; d’autres données recueillies auprès des médecins traitants et des hôpitaux ont été incluses, évaluées de manière indépendante et en aveugle. La survenue de l’un de ces événements fut observée chez 3,4 % des participants dans le groupe « soir » (0,69 événements pour 100 patients-années) et 3,7 % de ceux du groupe « matin » (0,72 événements pour 100 patients-années), soit un hazard ratio de 0,95 (non ajusté). Ces résultats étaient similaires dans les analyses par sous-groupes. Les auteurs en ont conclu à une équivalence de l’efficacité du traitement quelle que soit l’heure d’administration.

Les résultats sont surprenants, car l’hypothèse qu’une prise le soir puisse être bénéfique partait du constat que la pression artérielle ne baisse pas la nuit chez de nombreux patients ; or, la PA étant l’un des meilleurs prédicteurs de survenue d’événements CV, « nous pensions que si le pic d’efficacité des antihypertenseurs survenait la nuit, cela diminuerait le risque d’événements cardiovasculaires. Cela aurait été la mesure la plus ʺcoût-efficaceʺ, mais ce n’est pas ce que nous avons observé », explique le Pr Thomas MacDonald, investigateur principal de l’essai Time.

Cet essai contredit en effet les résultats d’études précédentes qui suggéraient un bénéfice de la prise le soir : ceux de l’essai Hygia (N = 19 084), notamment, selon lesquels les patients qui prenaient les traitements antihypertenseurs le soir avaient significativement moins d’événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, AVC, décès pour cause cardiovasculaire…). Cette étude, parue en 2019 dans l’European Heart Journal, avait toutefois été critiquée par les pairs, en raison d’incohérences dans le protocole et de possibles erreurs de randomisation. Les auteurs de cette analyse critique, dont le président de la Société européenne d’hypertension, ne recommandaient donc pas aux praticiens de suivre ses conclusions en prescrivant une prise le soir, d’autant plus qu’une hypotension au milieu de la nuit peut exposer à un risque accru d’ischémie ou d’infarctus cérébral silencieux, en particulier chez les patients âgés.

Cependant, les auteurs de l’essai Time ne concluent pas, à cet égard, à un risque accru d’une prise vespérale non plus : l’étude n’a pas mis en évidence d’effet délétère d’une prise des médicaments le soir.

Qu’en retenir pour la pratique ? Inviter les patients à prendre leurs médicaments antihypertenseurs au moment de la journée qui leur convient le mieux.

Pour améliorer l’observance, on peut définir avec eux une heure précise pour la prise du traitement, à indiquer sur l’ordonnance.

Une question, un commentaire ?