Diagnostic clinique : recherche des conduites d’évitement et des appréhensions anxieuses qui les déterminent (encadré).
Certaines peurs développementales sont normales si elles sont transitoires et n’entraînent ni souffrance psychique ni évitement de situations sociales ou scolaires (tableau).
Capacité à verbaliser les affects : dépend de l’âge (les petits peuvent exprimer leur malaise à travers les dessins, les jeux...).
Manifestations somatiques : souvent associées, parfois seule plainte de l’enfant et motif de consultation (douleurs abdominales répétées, céphalées, nausées, vomissements, troubles du sommeil).
Possibles troubles du comportement : colère, instabilité, opposition, agitation ou inhibition.

Quelles manifestations ?

Anxiété de séparation :
– trouble le plus fréquent en période prépubère : prévalence de 3-5 % et pic d’apparition entre 7 et 9 ans ;
– détresse significative et inadaptée au niveau de développement, liée à la séparation avec une figure d’attachement, survenant lorsque l’enfant est laissé à la crèche, doit aller au lit, passe une nuit dans un autre lieu sans ses parents (voyage scolaire)... ;
diagnostiquée devant la persistance (au moins 4 semaines) d’au moins 3 des symptômes suivants :
. détresse excessive ou crainte récurrente lors des séparations ;
. peur qu’un malheur touchant l’enfant ou ses parents rende la situation définitive ;
. réticence ou refus d’aller à l’école, de dormir seul hors de la maison, ou d’y rester seul ;
. cauchemars à thème de séparation ;
. plainte somatique répétée lors des éloignements ;
. signe d’angoisse extrême en cas de séparation réelle ou anticipée avec parfois colères ou pleurs associés ;
. retrait social, apathie, tristesse ou difficulté à se concentrer sur le travail ou le jeu en l’absence d’une figure d’attachement ;
– rarement isolée, s’accompagne d’irritabilité, violence, tyrannie, dépression, autres troubles anxieux.
Phobie spécifique :
peur intense, permanente et irrationnelle d’un objet ou d’une situation précise : animaux, environnement, sang, injection (thème variant avec l’âge) ;
– débute vers 6-7 ans, peut s’amender ou se chroniciser et devenir invalidante à l’âge adulte ;
– manifestations somatiques : tachycardie, polypnée, sueurs, parfois sentiment de mort imminente.
Trouble anxieux généralisé :
– débute autour de 10-12 ans ;
– préoccupation irréaliste pendant plus de 6 mois concernant des actions quotidiennes ;
– enfants inquiets de tout en permanence, avec des difficultés de sommeil et beaucoup de ruminations négatives. Un des éléments princeps : difficulté à s’adapter à l’incertitude.
Anxiété sociale :
– un des troubles les plus fréquents chez l’adolescent ;
– peut débuter vers 6 ans, mais pic de fréquence : 11-13 ans ;
– peur persistante, intense et chronique (au moins 6 mois) de certaines expositions sociales avec crainte de rougir, d’être ridicule, de bafouiller ;
à rechercher systématiquement car risque de complications sévères à l’âge adulte : dépression ou addiction à des substances psychoactives.
Trouble panique :
volontiers vers la fin de l’adolescence et à l’âge adulte ;
– récurrence chez un même sujet d’attaques successives (au moins 4 en 4 semaines selon le DSM-5) ;
– anxiété soudaine, massive, avec malaise important en dehors de tout danger réel ;
– au moins 4 éléments parmi : palpitations, transpiration, tremblements, souffle coupé, douleurs ou inconfort thoracique, nausées, vertige, déréalisation, peur de devenir fou, de mourir, sensation d’engourdissement ou de picotement ; agoraphobie souvent associée ;
– dépression secondaire : possible, avec un risque suicidaire majoré par les raptus anxieux ;
– automédication et prise d’alcool peuvent entraîner une dépendance à l’âge adulte.
Refus scolaire anxieux :
– entité non reconnue par les classifications internationales ;
– angoisse associée à des circonstances très variées avec ou sans rapport avec l’école : anxiété de séparation, de performance, phobie sociale, conséquence d’un harcèlement sévère ;
– incapacité partielle ou totale de se rendre sur le lieu de scolarité, associée à des somatisations invalidantes, d’où absentéisme ou déscolarisation ;
urgence thérapeutique (risque de chronicisation, de dépression secondaire et de retard dans les apprentissages).
Mutisme sélectif :
– souvent associé à une anxiété sociale, incapacité durable (au moins 1 mois) de parler en société, disparaissant dans un environnement familier ;
– non lié à un trouble du langage.

Quel pronostic ?

Facteurs favorisants ou aggravants :
– tempéraments inhibés, en retrait ; timidité ;
– harcèlement scolaire (fréquent et à rechercher) ;
– violences familiales, parents malades ou décédés.
Évolution :
– varie avec la pathologie, mais risque de déscolarisation et d’évolution vers un trouble de l’humeur, des conduites addictives et suicidaires à l’âge adulte ;
peu de rémissions spontanées ;
– taux de guérison tous troubles confondus : 50 à 60 % en fin de traitement (thérapie cognitivo-comportementale, TCC) et même 70 à 80 % dans les 12 mois qui suivent ; plus faible si comorbidités.

Prise en charge

Si trouble d’intensité légère à modérée : psychothérapie de type TCC pendant 12 à 20 semaines (au moins 1 séance hebdomadaire au début) par un thérapeute expérimenté (cf.site de l’Association française de TCC ; AFTCC) ; remboursé si ce dernier est diplômé en TCC.
En l’absence d’amélioration, on ajoute un ISRS comme la fluoxétine (débuter par 5-10 mg/j, pour atteindre 25 mg [dose optimale] et jusqu’à 50 mg autorisés chez les plus de 15 ans) ou la sertraline (commencer par 25 mg ; dose optimale : 50-100 mg, et jusqu’à 200 mg après 15 ans).
Si trouble anxieux sévère et retentissement social et fonctionnel majeur : associer TCC + médicament ; thérapie de soutien aux parents selon les difficultés rencontrées par la famille (guidance parentale, thérapie familiale).
Quelques conseils :
– ISRS prescrits hors AMM, en dehors des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ;
– éviter les médicaments avant 6 ans ;
– pas de benzodiazépine (risque d’effet paradoxal avant 12 ans et de dépendance à l’adolescence).
à l’école :
– premiers symptômes d’anxiété de séparation repérables dès l’entrée en maternelle (pleurs lors du départ du parent) ;
– à partir de l’école primaire, rechercher un harcèlement ;
– si trouble anxieux invalidant et/ou phobie scolaire grave, établir un PAI (plan d’accueil individualisé) en concertation avec le directeur et les enseignants, avec les modalités de retour à l’école (quels type de cours, combien de jours dans la semaine) et sa durée (nombres de semaines).


Encadre

Caractéristiques des troubles anxieux

Anxiété de séparation

• Craintes que quelque chose de grave arrive à l’enfant ou aux figures d’attachement (souvent un parent) lors des séparations, d’où évitement de ces situations

• Rêve ou cauchemar de séparation

• Refus de dormir hors de la maison, d’y rester seul ou avec une nounou, d’aller à l’école, de rendre visite à des amis ou des proches

• Peur d’être kidnappé, blessé ou que les proches soient blessés ou tués

• Symptômes physiques dans l’attente de la séparation : vomissements, diarrhée et douleurs gastriques


Trouble anxieux généralisé (TAG)

• Tendance à s’inquiéter sur tous les sujets, peur que quelque chose de négatif survienne

• Évitement de certaines activités sociales : parler ou intervenir en public, rencontrer de nouveaux enfants, s’adresser à des figures d’autorité comme les professeurs, être le centre de l’attention et, chez les adolescents, peur des flirts

• Crainte de jugements négatifs des autres, notamment être jugé inintéressant, stupide, déplaisant, trop confiant ou bizarre

• Nombre limité d’amis et difficultés à s’en faire

• Haut niveau de conscience/attention de soi


Phobie sociale

• Crainte et évitement des interactions ou performances sociales par peur d’être jugé négativement

• Caractéristiques associées : voir TAG


Phobies spécifiques

• Noyau central : crainte et évitement en réponse à divers stimulus, situations ou objets. Peur que l’objet ou la situation entraîne une souffrance

• Les plus fréquentes : les animaux (chiens, oiseaux), insectes ou araignées, le noir, les bruits forts, notamment les tempêtes, les clowns, les masques ou les tenues inhabituelles, le sang, les maladies, les injections

Pour en savoir plus
Vera L. TCC chez l’enfant et l’adolescent, 2e ed. Paris: Elsevier Masson ; 2014.

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