Longtemps considérée comme un vestige inutile de l’évolution, l’appendice joue en réalité un rôle complexe dans l’immunité intestinale, que les chercheurs s’efforcent actuellement de démêler.
Plusieurs études ont montré un lien avec la rectocolite hémorragique : les personnes dont l’appendice a été retiré (pour cause d’appendicite) semblent en effet protégées de cette maladie – à tel point que, même en l’absence d’appendicite, cette intervention est devenue une piste thérapeutique pour les patients atteints de formes résistantes de rectocolite hémorragique, en alternative à l’ablation totale du côlon. Un essai clinique est en cours aux Pays-Bas et au Royaume-Uni pour tester cette hypothèse (essai Accure).
Cependant, une équipe de Rennes, en utilisant un modèle de souris ayant une inflammation chronique du côlon mimant la rectocolite hémorragique humaine, a montré que, si l’appendicectomie entraîne une réduction importante de l’inflammation intestinale, les animaux opérés ont davantage de cancers colorectaux associés aux colites inflammatoires, avec un sur-risque compris entre 15 et 20 %.
#Comment expliquer ce résultat ?
Les chercheurs ont constaté un déficit important en lymphocytes T CD3 et CD8 dans les tumeurs des souris opérées. Or ces cellules sont impliquées dans la surveillance antitumorale, ce sont des sentinelles capables de repérer et d’éliminer des cellules cancéreuses. Ainsi, l’appendice pourrait jouer un rôle clé dans l’immunité antitumorale dans le côlon, en favorisant l’entrée de ces cellules immunitaires dans la tumeur.
Ces observations ont ensuite été confirmées sur des échantillons tumoraux humains, issus de patients atteints de rectocolite hémorragique : leur analyse a révélé un déficit en cellules T CD3 et CD8 chez les patients qui n’avaient plus leur appendice, par rapport aux autres.
Pour contrecarrer cet effet délétère de l’appendicectomie, les auteurs proposent deux pistes, qui sont toutefois éthiquement compliquées à réaliser : déclencher préalablement une appendicite, qui permet de faire monter les taux de lymphocytes T CD3 et CD8 dans le côlon avant de supprimer l’appendice, ou réinjecter des cellules T CD3 et CD8 prélevées chez le patient et activées in vitro pour stimuler l’immunité antitumorale.
Quoi qu’il en soit, ces résultats invitent à bien évaluer le rapport bénéfice/risque d’une appendicectomie thérapeutique dans la prise en charge de la rectocolite hémorragique.
Les résultats de l’essai ACCURE, qui vont clarifier le bénéfice attendu de l’appendicectomie thérapeutique, sont donc très attendus…