En France, l’appendicite aiguë est la première cause d’intervention chirurgicale. Au total, l’incidence est de 11,2 cas pour 10 000 habitants. Elle peut survenir à tout âge, du nourrisson à la personne âgée, avec un pic de fréquence à l’adolescence, entre 10 et 20 ans. Elle est légèrement plus fréquente chez l’homme (52 %) que chez la femme (48 %).
Des données récentes suggèrent l’existence de deux formes distinctes dont la physiopathologie serait différente : la forme non compliquée (70 à 90 % des appendicites aiguës), liée à un processus purement infectieux avec inflammation de la muqueuse appendiculaire, mais sans obstruction de la base, qui n’évolue pas vers une perforation ; la forme nécrotique, résultant d’une obstruction de la lumière appendiculaire (par un stercolithe, un corps étranger, une hyperplasie lymphoïde…), qui évolue rapidement vers la gangrène, avec perforation de l’appendice.
Nous abordons uniquement la prise en charge de l’appendicite aiguë non compliquée.
Formes en fonction de la position anatomique de l’appendice (figure)
Appendicite aiguë latéro-cæcale. Dans cette forme typique, la douleur abdominale est constante : initialement ressentie dans la région périombilicale, voire épigastrique (crampes de faible intensité), elle migre en quelques heures en fosse iliaque droite où elle devient plus vive, continue, sans irradiation, localisée au point de McBurney. Les signes fonctionnels digestifs sont aussi typiques : nausées (60 %), vomissements (30 %), anorexie d’apparition précoce, constipation (30 %) ou diarrhée (10 %). 3e symptôme clé : une fièvre modérée, entre 37,8 et 38,5 °C (60 % des cas). À l’examen physique : le patient est figé, évitant toute tension abdominale douloureuse avec un psoïtis, flexion antalgique de la cuisse droite signant une irritation du muscle psoas au contact de l’inflammation appendiculaire. La palpation douce recherche une défense localisée au point de McBurney +++, présent chez un malade sur deux. Des signes d’irritation péritonéale, tels que le signe de Blumberg (douleur localisée en fosse iliaque droite à la décompression rapide de la fosse iliaque droite) et celui de Rovsing (douleur localisée en fosse iliaque droite lors d’une pression exercée en fosse iliaque gauche), peuvent s’y associer.
Appendicite aiguë pelvienne. Les douleurs, localisées en hypogastre et non en fosse iliaque droite, sont fréquemment associées à des signes fonctionnels urinaires (pollakiurie, dysurie, voire rétention aiguë d’urines) et rectaux (ténesme, faux besoins, diarrhées). À l’examen, la fosse iliaque droite est libre alors qu’on trouve une sensibilité, voire une défense, de l’hypogastre ainsi qu’une douleur du cul-de-sac de Douglas au toucher rectal.
Appendicite aiguë rétro-cæcale. Les signes cliniques sont dominés par l’attitude en psoïtis, alors que les signes fonctionnels digestifs sont typiquement absents. La douleur peut se localiser en fosse lombaire droite ; le reste de l’abdomen reste souple.
Appendicite sous-hépatique : elle mime classiquement les douleurs de cholécystite aiguë (douleur provoquée, voire défense en hypochondre droit et fièvre).
Appendicite mésocæliaque. L’appendice enflammé, situé au milieu des anses digestives, est responsable d’un iléus réflexe provoquant un arrêt des gaz et des selles, des nausées et des vomissements. L’absence d’antécédent chirurgical abdominal ainsi que la présence d’une fébricule orientent vers ce diagnostic plutôt que vers celui d’occlusion sur bride.
Formes selon le terrain
L’appendicite aiguë du nourrisson est rare, et son diagnostic souvent tardif, au stade de péritonite appendiculaire dans près d’un cas sur deux. Le tableau clinique est trompeur, évoquant une gastroentérite aiguë fébrile. L’histoire de la maladie est généralement impossible à retracer, et l’examen physique est alors fondamental. L’appendicite aiguë doit être évoquée de principe devant toute diarrhée aiguë, météorisme abdominal, agitation, insomnie, anorexie, associés à une fièvre supérieure à 38,5 °C. Dans les formes évoluées, le nourrisson a une altération de l’état général, est prostré, anorexique, le faciès pâle et les yeux cernés.
Chez l’enfant, le pic de fréquence se situe entre 4 et 12 ans. La symptomatologie est généralement identique à celle décrite chez l’adulte avec toutefois un diagnostic différentiel majeur : l’adénolymphite mésentérique. Il est donc essentiel de rechercher une virose ou une rhinopharyngite dans la semaine précédente et de confirmer le diagnostic par une échographie abdominale.
Chez la femme enceinte, au cours du 1er trimestre de grossesse, l’appendice est en situation latéro-cæcale habituelle et la symptomatologie est identique à celle de l’adulte. Dès le 2e et surtout au 3e trimestre, le volume de l’utérus refoule l’appendice en haut vers l’hypochondre droit, parfois vers l’arrière. Cela peut orienter à tort vers une cholécystite aiguë, ou une pyélonéphrite.
Chez le sujet âgé ou immunodéprimé, la symptomatologie de l’appendicite aiguë et de ses complications est atténuée, et il s’agit souvent d’un tableau d’occlusion subaiguë fébrile, faisant évoquer un cancer du côlon droit ou du cæcum en occlusion. Les signes d’irritation péritonéale sont généralement absents, même au stade de péritonite aiguë, alors que les signes digestifs et généraux avec nausées, vomissements et altération de l’état général sont au premier plan.
Diagnostics différentiels
En raison du peu de spécificité des symptômes au cours d’une appendicite aiguë, de nombreux diagnostics différentiels peuvent être évoqués (tableau).
Un diagnostic différentiel classique de l’appendicite aiguë latéro-cæcale de l’adulte est l’ulcère gastroduodénal perforé, à évoquer devant une douleur brutale épigastrique (plutôt que périombilicale), apparaissant à distance d’un repas, migrant vers la fosse iliaque droite et la région hypogastrique, associée à un sepsis sévère (fièvre > à 39 °C).
Chez l’enfant, il faut penser à l’adénolymphite mésentérique (fièvre > 39 °C et antécédent de rhinopharyngite dans la semaine précédente) et à l’invagination intestinale aiguë (douleur d’apparition brutale, associée à des diarrhées et des rectorragies).
Chez la jeune femme en période d’activité génitale : grossesse extra-utérine, salpingite aiguë, torsion de kyste ovarien.
Examens complémentaires
- Bandelette urinaire, pour éliminer une cystite et une colique néphrétique
- ßHCG pour éliminer une grossesse extra-utérine
- NFS
- CRP
- Créatininémie
On retrouve dans 80 % des cas une hyperleucocytose supérieure à 12 × 109/L, et souvent une CRP élevée, mais les marqueurs biologiques ne sont pas suffisants pour poser le diagnostic. Cependant, l’absence concomitante d’une défense en fosse iliaque droite, de leucocytose > à 10 × 109/L et d’une CRP > à 8 mg/L rend le diagnostic très peu probable.
Dans les autres cas, l’imagerie est nécessaire pour confirmer le diagnostic. L’abdomen sans préparation (ASP) n’est pas indiqué. Les examens recommandés sont la TDM adomino-pelvienne avec et sans injection de produit de contraste et/ou l’échographie abdominale chez la femme enceinte ou l’enfant. Objectif : confirmer le diagnostic, rechercher des complications (abcès appendiculaire, plastron, péritonite) et éliminer les diagnostics différentiels.
Prise en charge
Aujourd’hui, le traitement est toujours chirurgical. En effet, si plusieurs études récentes montrent que le traitement médical est faisable en cas d’appendicite aiguë non compliquée, l’antibiothérapie n’a pas montré une non-infériorité par rapport à la chirurgie.
Après appendicectomie, la pièce opératoire est systématiquement envoyée en anatomopathologie pour éliminer le diagnostic de tumeur de l’appendice (mucocèle appendiculaire, tumeur carcinoïde ou adénocarcinome appendiculaire), qui concerne 1 % des pièces opératoires.
Collard MK, Christou N, Lakkis Z, et al. Appendicite de l’adulte : recommandations pour la pratique clinique de la Société française de chirurgie digestive (SFCD) et de la Société d’imagerie abdominale et digestive (SIAD). J de Chir Visc 2021;158(3):263-73.
Nobile C. Appendicites aiguës : quand envisager un traitement non opératoire ? Rev Prat (en ligne) 30 septembre 2022.