Si les essais cliniques et les données de vie réelle semblent confirmer l’efficacité des vaccins disponibles contre le variant anglais (B.1.1.7), qui prédomine largement en France en ce moment (82 %), les données sont plus fragmentaires en ce qui concerne le variant sud-africain (B.1.351) et encore plus le brésilien (P.1), et difficilement comparables entre elles.

L’efficacité du vaccin AstraZeneca semble très faible voire nulle contre les formes légères de la Covid induite par le variant B.1.351, selon une étude randomisée menée chez des sujets jeunes (30 ans en moyenne). Les vaccins de Janssen et Novavax auraient un bon niveau d’efficacité contre les formes symptomatiques modérées ou sévères de Covid dues au variant sud-africain (52 % et 60 % respectivement) ; quant au vaccin Pfizer, son efficacité serait de 100 % contre les formes symptomatiques selon une petite étude rapportée dans un communiqué de presse du laboratoire (même si en Israël une analyse met en évidence une surreprésentation de cette souche parmi les échecs vaccinaux, c’est-à-dire les rares réinfections observées après vaccination).

 

Aujourd’hui, une seule dose de vaccin est désormais recommandée chez les personnes immunocompétentes ayant déjà eu un épisode de Covid. Cette stratégie permet-elle de protéger suffisamment ces individus contre les variants circulants ?

Dans une première étude, publiée par une équipe américaine, les chercheurs ont inclus 15 personnes (de 30 à 60 ans) ayant eu une infection par le SARS-CoV-2 6 mois auparavant pour évaluer l’effet d’une dose de vaccin à ARNm (Pfizer ou Moderna).

L’analyse des sérums de ces convalescents a montré qu’ils gardaient un certain pouvoir neutralisant contre la souche historique de Wuhan-Hu, mais une très faible activité vis-à-vis du variant sud-africain, ce qui pourrait expliquer les cas de réinfections observés en Afrique du Sud où ce variant est majoritaire.

Après 1 seule dose de vaccin à ARN, les titres neutralisants contre les deux virus ont été multipliés par près de 1 000, restant toutefois plus élevés contre la souche historique de Wuhan-Hu. De façon intéressante, ces titres étaient bien plus élevés que chez les individus ayant reçu 2 doses de vaccin. Le nombre de cellules B mémoires et les concentrations d’anticorps IgA et IgG capables de reconnaitre la protéine S étaient également très augmentés. Par ailleurs, les tests réalisés avec les anticorps monoclonaux ont montré que l’activité neutralisante stimulée par la vaccination était dirigée contre le domaine RBD (domaine de fixation au récepteur) et la région S2 de la protéine S du virus, qui sont pourtant concernées par les mutations apparues sur le variant.

Selon les auteurs, ces observations suggèrent que l’effet stimulant d’une dose de vaccin à ARN administrée à des personnes déjà immunisées par l’infection naturelle (« boost ») est capable de développer une réponse neutralisante contre le virus correspondant au vaccin mais aussi contre le variant sud-africain.

Dans une autre étude parue dans le NEJM, encore plus récente, les auteurs ont examiné l’effet d’une dose de vaccin BNT162b2 (Comirnaty, Pfizer) sur l’activité neutralisante contre les 3 variants B.1.1.7, B.1.351 et P.1 chez de personnes précédemment infectées. Les échantillons de sérum issus de 6 professionnelles de santé (femmes de 32 à 67 ans) infectées par le virus historique (ce qui a été confirmé par séquençage au moment du diagnostic) ont été prélevés à trois moments : 1 à 12 semaines après l'infection naturelle, immédiatement avant la vaccination (environ 10 mois après l’infection) et 1 à 2 semaines après l’administration d’une dose de vaccin.

Les échantillons obtenus 1 à 12 semaines après l’infection naturelle étaient capables de neutraliser le virus historique et les variants anglais et brésilien (titres moyens de 456, 256 et 71, respectivement) mais avaient une activité très faible contre le variant africain (8). Juste avant la vaccination, les titres moyens étaient 81, 40, 36 et 7 respectivement. En revanche, après une dose de vaccin, les titres étaient 9 195, 8 192, 2 896 et 1 625 respectivement, c’est à dire respectivement 114, 203, 81 et 228 fois plus élevés que ceux obtenus immédiatement avant la vaccination.

Cette étude suggère donc que chez des personnes ayant déjà eu un épisode de Covid, une seule dose de vaccin est capable de conférer une protection contre une réinfection par une souche différente de celle du premier épisode.

Face à la circulation active des variants qu’on constate aujourd’hui, ces résultats soulignent l’importance de la vaccination, même chez les patients précédemment infectés.

 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

 

 

 

Pour en savoir plus

Stamatatos L, Czartoski J, Wan YH. Antibodies elicited by SARS-CoV-2 infection and boosted by vaccination neutralize an emerging variant and SARS-CoV-1. MedRxiv 2021;21251182.

Tolou H. Après un épisode de Covid-19, une dose unique de vaccin à ARNm provoque une forte production d’anticorps capables de neutraliser le SARS-CoV-2 et son variant sud-africain. Mes vaccins février 2021.

Lustig Y, Nemet I, Kliker L, et al. Neutralizing Response against Variants after SARS-CoV-2 Infection and One Dose of BNT162b2. N Engl J Med 2021; DOI: 10.1056.

Stamatatos L, Czartoski J, Wan YH, et al. mRNA vaccination boots cross-variant neutralizing antibodies elicited by SARS-CoV-2 infection. Science 2021;DOI: 10.1126.