Les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI) sont un ensemble hétérogène de maladies définies par la présence d’une arthrite débutant avant l’âge de 16 ans, d’étiologie inconnue. Le diagnostic n’est confirmé qu’après au moins 6 semaines d’évolution (2 semaines pour la forme systémique).
La prévalence des AJI en Europe et en Amérique du Nord varie de 16 à 150/100 000 enfants. En France, on estime la prévalence aux alentours de 5 000 patients.
La classification internationale reconnaît classiquement 7 sous-groupes (tableau 1) mais une nouvelle classification en cours de validation propose de simplifier, avec 5 sous-groupes : la forme systémique, les oligo et polyarthrites avec anticorps anti-nucléaires de début précoce (associées à un risque d’uvéite antérieure chronique), les polyarthrites avec facteur rhumatoïde, les spondylarthropathies juvéniles et les formes non groupables.
Quand évoquer le diagnostic ?
Il faut y penser chez un enfant qui a soit un gonflement articulaire, soit une gêne articulaire d’horaire inflammatoire (douleurs plus marquées en fin de journée et la nuit) avec un dérouillage matinal ou encore une lombalgie, une talalgie ou une fessalgie d’horaire mixte ou inflammatoire. À côté de l’arthrite, certains patients ont d’autres symptômes : soit des signes systémiques (fièvre, éruptions, arthromyalgies, hépatosplénomégalie), soit une atteinte inflammatoire des insertions tendineuses (enthésites), des rachialgies inflammatoires et une uvéite à œil rouge, soit une uvéite à œil blanc de découverte fortuite. Certaines de ces manifestations peuvent survenir plus tardivement.
La forme systémique d’AJI ou maladie de Still est particulièrement sévère chez les très jeunes enfants, et peut mettre en jeux le pronostic vital par activation majeure du système immunitaire (syndrome d’activation macrophagique) ou atteinte pulmonaire secondaire. Elle est caractérisée par une arthrite et une fièvre avec un ou deux pics hyperthermiques par jour, typiquement le soir, et une résolution spontanée, associées à une éruption fugace (figure).
Reconnaître l’arthrite et adresser rapidement l’enfant à une consultation de rhumatologie pédiatrique est essentiel pour réduire l’errance diagnostique, limiter les gestes invasifs et les séquelles à long terme.
Les diagnostics différentiels sont nombreux : tableau 2.
Prise en charge : rôle du MG
L’approche thérapeutique est guidée par le nombre d’articulations atteintes, la présence d’une sacro-iliite et les manifestations systémiques. Dans le but d’une rémission rapide et d’un meilleur pronostic, le traitement doit être initié précocement. Les recommandations internationales récentes se fondent sur l’approche thérapeutique « treat-to-target », consistant à se fixer des objectifs précis au début et au cours de l’évolution de la maladie. Cette stratégie utilise des traitements de plus en plus ciblés (biothérapies, petites molécules) et implique une évaluation régulière de la situation du patient pour adapter les traitements en vue de maîtriser l’inflammation et les complications de la maladie, de limiter la toxicité des traitements et de viser, idéalement en quelques mois une maladie inactive voire une rémission complète.
La prise en charge est donc pluridisciplinaire, coordonnée par un pédiatre rhumatologue.
Le rôle du médecin traitant est essentiel pour accompagner la prise en charge globale en lien avec le pédiatre rhumatologue, les autres acteurs de santé, les parents et les acteurs socio-éducatifs. Il doit s’assurer de l’observance, de l’efficacité et de la tolérance du traitement, ainsi que de la gestion du risque infectieux (mise à jour du calendrier vaccinal, cf. ci-dessous).
Vaccinations : une priorité
Du fait de leur AJI et de leurs traitements, les enfants avec une AJI sont plus à risque d’infections sévères : il est donc essentiel de les vacciner correctement. Or, ces enfants ont de manière paradoxale une couverture vaccinale insuffisante, pouvant grever le pronostic de la maladie de fond. En dehors du calendrier vaccinal national en vigueur, les recommandations internationales de l’EULAR de 2021 indiquent la possibilité d’utiliser certains vaccins vivants atténués même sous traitement immunosuppresseur comme le méthotrexate et les biothérapies. C’est le cas de la vaccination contre la varicelle chez les patients non immunisés ou du rappel du vaccin anti-rougeole-oreillons-rubéole.
Les bons réflexes :
- Vérifier le statut vaccinal des patients porteurs d’AJI et suivre les recommandations remises à jour de manière annuelle.
- Aux vaccinations du calendrier vaccinal s’y ajoutent la grippe saisonnière et le pneumocoque.
- La mise à jour des vaccinations doit se faire le plus tôt possible au cours de la maladie, si possible avant la mise en route de tout traitement immunosuppresseur, qui peut diminuer leur efficacité.
- Les vaccinations restent possibles pendant les poussées de la maladie, même en cas d’uvéite active, particulièrement celles contre la grippe et le pneumocoque
- Avant de vacciner, il faut s’assurer de la bonne tolérance des vaccinations antérieurement reçues et informer le patient et sa famille des bénéfices attendus, bien supérieurs aux rares effets secondaires.
Les vaccinations des patients avec une AJI sont résumées en annexe 8 ici : Arthrites juvéniles idiopathiques – PNDS.
Où adresser ?
Pour optimiser la démarche diagnostique et thérapeutique, des ressources utiles dont le réseau des centres de référence et de compétence maladies rares sont indiquées dans l’encadré ci-dessous.
Liens utiles pour les professionnels de santé et pour les patients
Informations destinées aux professionnels de santé
- RAISE – Centre de référence des rhumatismes inflammatoires et maladies auto-immunes systémiques rares de l’enfant
- Liste des centres de référence et de compétences de la filière
- FAI²R – Filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares
- Orphanet
Informations destinées aux patients
- Kourir – Association de parents d’enfants et adolescents atteints d’arthrite juvénile idiopathique et autres maladies rhumatismales
- AJI ados – Association pour ados et jeunes adultes atteints d’arthrite juvénile idiopathique
- Une balade pour Justine et Lou – Association pour la lutte contre l’arthrite juvénile
- Inflam’œil – Association française de patients souffrant d’uvéite et d’inflammation oculaire récidivante
- Resrip – Réseau rhumatismes inflammatoires pédiatriques
- Alliance maladies rares
- Eurodis – Fédération d’associations de malades et d’individus actifs dans le domaine des maladies rares
- FAI²R – Filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares
- FMO – Fédération des maladies orphelines
- Maladies rares Info services
- Annuaire ETP Maladies Rares (Éducation thérapeutique du patient)
- Cortisone Infos
- France Assos Santé
- Ligne Santé Infos Droits tél : 01 53 62 40 30
Aeschlimann FA, Quartier P. Arthrites juvéniles idiopathiques. Rev Prat 2019;69(2);188-94.