Étiopathogénie
Génétique. Le risque relatif est doublé chez la sœur d’une femme souffrant d’une arthrose et multiplié par 6 chez une jumelle homozygote.
Autres facteurs. Un surpoids défini par un IMC > 27,4 semble associé à l’arthrose des IPP avec un OR à 1,4 (IC à 95 % : 1,2-1,7) après ajustement pour l’âge, le sexe et le tabagisme.5 Pour les IPP, lien connu avec certaines activités manuelles ou professionnelles (coiffeur, dentiste, tennis…). En revanche, pas de lien pour les IPD. La main d’un patient paralysé ne développe pas d’arthrose clinique ni radiologique. La maladie est plus importante au membre dominant.
La physiopathologie ne diffère pas de celle de l’arthrose commune : détérioration du cartilage, changements morphologiques de l’os sous-chondral et parfois inflammation synoviale. Deux grandes formes sont décrites : érosive et non érosive.
Atteinte des MP, IPP, IPD
– douleurs souvent modérées de la face dorsale des articulations, d’horaire mécanique, à l’utilisation des doigts. Évoluant soit de façon chronique, soit par poussées d’allure inflammatoire accompagnées d’un dérouillage matinal de quelques minutes, elles sont entrecoupées de phases de rémission, même si la destruction articulaire radiologique est importante, donc sans parallélisme radio-clinique ;
– dysesthésies, engourdissement des extrémités digitales ;
– gonflement articulaire (synoviale et ostéophytes) ;
– déformation latérale et dorsale par des nodules pouvant toucher plusieurs doigts : Heberden sur l’IPD et Bouchard sur l’IPP ;
– désaxation latérale de l’articulation ;
– mobilité réduite par destruction du cartilage, à l’origine d’un enraidissement ;
– pseudokyste dit mucoïde, essentiellement en regard de l’IPD.
Clinique de la rhizarthrose
Éliminer les diagnostics différentiels
Certaines affections sont à écarter. La polyarthrite rhumatoïde touche de façon assez symétrique poignets, MP (2e et 3e généralement), IPP avec, le plus souvent respect des IPD, et ce chez des femmes du même âge. Les douleurs sont inflammatoires. Déminéralisation épiphysaire en bande, érosions péri- articulaires, pincement articulaire sont évocateurs.
Le rhumatisme psoriasique (RP) est parfois difficile à identifier, d’autant que les lésions cutanées peuvent ne pas être visibles. L’atteinte de 3 articulations d’un même rayon est très hautement spécifique. Le rhumatisme à apatite est évoqué devant des calcifications tendineuses, aux doigts en particulier ; le syndrome régional douloureux complexe (ex-algodystrophie) se manifeste par des gonflements (
En cas de doute, un scanner permet d’éliminer une fracture.
Seule l’échographie est susceptible d’aider au diagnostic. Entre des mains expertes, elle permet parfois la distinction entre arthrose simple et érosive (en faveur de cette dernière : hypervascularisation au doppler et synovite).
Pas d’IRM sauf cas rares : doute entre PR et arthrose érosive.
La biologie a peu d’intérêt : VS normale, parfois CRP modérément élevée. La recherche de microcristaux dans le liquide articulaire est négative.
Prise en charge
Rassurer le patient en lui expliquant que la douleur, même en cas d’arthrose déformante, est souvent transitoire. Ne pas négliger la dimension psychologique liée au caractère inesthétique des déformations.8 Cependant, il est rare d’avoir recours à la chirurgie.
Traitement médical
Pour soulager les symptômes, le paracétamol est l’antalgique de 1re intention. Il est prescrit à raison de 1 g toutes les 6 heures, et non « à la demande ».
En cas d’inefficacité, choix entre AINS – dont l’usage est à limiter – et antalgiques de palier II. Exceptionnellement, les paliers III sont utilisés.
Ne pas négliger les traitements locaux :
– topiques à base d’AINS (gels plutôt que pommades car effet rémanent) ou de capsaïcine ;
– orthèses de repos (antalgie et prévention des déformations), de fonction (protection et amélioration), de correction (lutte contre une déformation) et de rééducation (en postopératoire, lors des séances de rééducation ;
– infiltrations de corticostéroïdes réservées aux poussées douloureuses résistant aux traitements habituels (
– injections d’acide hyaluronique intéressantes, avec efficacité prolongée, de 3 à 6 mois, en particulier dans la rhizarthrose ;9
– physiothérapie et soins thermaux (ondes électromagnétiques courtes, ultrasons, parafangothérapie, crénothérapie, manuluve…) utilisés comme thérapeutiques adjuvantes, sans véritable preuve d’efficacité, mais très appréciés des patients ;
– rééducation basée sur l’ergothérapie afin d’éviter les déformations.
En traitement de fond, les anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente, chondroïtine, glucosamine, diacéréïne, insaponifiables d’avocats (médicaments non remboursés) ont permis, lors de poussées dans diverses études, de réduire la consommation d’AINS aux effets secondaires plus importants.
Dans les formes érosives, méthotrexate ou antipaludéens de synthèse sont indiqués.
Traitement chirurgical
Aux IPP et IPD, on peut enlever un kyste mucoïde gênant. L’arthrodèse interphalangienne est réservée aux formes douloureuses et raides. Les arthroplasties sont actuellement abandonnées du fait de réactions locales, parfois pires qu’avant l’intervention.
Dans la rhizarthrose rebelle, l’intervention dépend du bilan clinique, de l’âge du patient, de ses souhaits, de la forme et de la taille du trapèze, des pathologies associées et… des habitudes du chirurgien.
Gestes possibles : arthrodèse trapézométacarpienne, techniquement difficile, nécessitant une immobilisation de plus de 2 mois, avec des complications à type de pseudarthrose (20 à 50 % des cas) et de SDRC (syndrome douloureux régional complexe) de type II ; trapézectomie (
Spécificités en fonction des sites
La rhizarthrose touche plus souvent la femme (sex-ratio 8/1) ; 25 % sont concernées après la ménopause, mais une seule sur cinq en souffrira. Parmi celles qui en pâtissent, 80 % sont améliorées par le traitement médical. La rhizarthrose est le plus souvent symétrique, accentuée sur la main dominante. Étiologie principale : le surmenage fonctionnel de l’articulation, secondaire aux mouvements d’opposition du pouce comme lors des gestes professionnels répétitifs.
La stabilité de la TMC, articulation en double selle inversée (fig. 1), est assurée par la congruence articulaire, l’association capsulo-ligamentaire et, enfin, tendons et muscles. L’arthrose y est particulièrement handicapante du fait de la gêne engendrée par l’impossibilité de mettre le pouce en opposition avec les autres doigts (pince paucidigitale).
L’arthrose des MP doit faire rechercher un traumatisme ancien. Certains sports sont à risque : équitation, sports de combat, de ballon, ski. En l’absence de cette cause, on s’oriente plutôt vers une chondrocalcinose (CCA), surtout pour les 2e et 3e rayons.
L’arthrose des IPP, post-traumatique chez le sujet jeune, est souvent primitive chez la personne plus âgée. Elle s’accompagne dans 30 % des cas de nodosités de Bouchard (fig. 2). Elle n’atteint que quelques articulations, parfois même une seule. Après quelques années d’évolution, une limitation de la flexion est à l’origine d’une gêne fonctionnelle plus ou moins handicapante.
L’arthrose des IPD, la plus fréquente, s’installe insidieusement avec des poussées inflammatoires, vers la périménopause. Elle concerne plus volontiers les 2e, 3e et 4e rayons, parfois de façon symétrique. Elle peut être très gênante du fait d’une l’instabilité et d’un kyste mucoïde dorsal (fig. 3), comprimant la matrice unguéale et déformant l’ongle.
Le kyste précède ou accompagne l’évolution des nodosités d’Heberden (fig. 3), inesthétiques, avec un risque de fistulisation, donc d’infection.
Cas particulier : l’arthrose érosive
Apanage de la femme, elle débute volontiers vers la péri-ménopause aux IPD, pour atteindre successivement IPP et TMC. Caractérisée par des douleurs intenses, d’horaire inflammatoire (réveils nocturnes), elle évolue par poussées de plusieurs semaines. Qualité de vie, force de préhension, mobilité y sont plus altérées que dans l’arthrose classique. Selon des études récentes, son vécu est proche de celui de la polyarthrite rhumatoïde.6
Lorsque les déformations sont fixées, les symptômes rejoignent ceux de l’arthrose digitale simple. L’évolution vers l’ankylose des IPP et IPD est possible.
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3. Michon M, Maheu E, Berenbaum F. Assessing health-related quality of life in hand osteoarthritis: a literature review. Ann Rheum Dis 2011;70:921-8.
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6. Slatkowsky-Christensen B, Mowinckel P, Loge JH, Kvien T. Health-related quality of life in women with symptomatic hand osteoarthritis: a comparison with rheumatoid arthritis patients, healthy controls and normative data. Arthritis Rheum 2007;57:1404-9.
7. Zhang W, Doherty M, Leeb BF, et al. EULAR evidence-based recommendations for the management of hand osteoarthritis: report of a task force of ESCISIT. Ann Rheum Dis 2007;66:377-88.
8. Hodkinson B, Maheu E, Michon M, Carrat F, Berenbaum F. Assessment and determinants of aesthetic discomfort in hand osteoarthritis. Ann Rheum Dis 2012;71:45-9.
9. Papalia R, Diaz LA, Torre G, et al. Intrarticular injections of hyaluronic acid for trapezio-metacarpal osteoarthritis: a systematic review. J Biol Regul Homeost Agents 2017;31(4 Suppl 2):45-53.