L’arthrose digitale est une pathologie très fréquente, dont l’expression clinique est très variable. Le handicap associé peut être sévère. La prise en charge repose sur des mesures non pharmacologiques (exercices, orthèses…) et médicamenteuses, en veillant à ne traiter que les poussées douloureuses.

 

Les localisations digitales affectent plus particulièrement les articulations interphalangiennes distales, alors que l’atteinte du pouce est dominée par celle de l’articulation trapézométacarpienne (rhizarthrose).

L’expression clinique est très variable : de l’absence de tout symptôme à un retentissement fonctionnel marqué. L’arthrose débute souvent au niveau des articulations interphalangiennes distales (IPD), qu’elle atteint avec prédilection. Elle siège aussi aux interphalangiennes proximales (IPP) et n’épargne pas la trapézométacarpienne. Plus souvent qu’on ne le pense, elle peut aussi affecter les articulations métacarpophalangiennes, notamment des deuxièmes et troisièmes rayons, mais les atteintes structurales y sont moins sévères.

L’arthrose digitale des doigts longs évolue souvent par crises douloureuses et peut se distinguer par des signes inflammatoires locaux, en regard des articulations concernées, notamment dans sa forme érosive (figures). Un discret épanchement synovial peut être palpé, essentiellement au niveau des IPP, tandis que les kystes mucoïdes se développent surtout aux dépens des IPD. À un stade avancé, certaines articulations IPD sont le siège d’une laxité latérale, liée aux érosions osseuses et à la distension capsuloligamentaire. Des nodosités d’Heberden (IPD) et de Bouchard (IPP) peuvent être palpées : elles correspondent à l’ostéophytose du pourtour de l’articulation arthrosique. Une évolution vers l’ankylose des articulations distales est possible, à l’origine d’une déformation en position vicieuse et/ou d’un défaut de flexion, qui gênent considérablement la préhension.

L’expression clinique de la rhizarthrose est également hétérogène. Quand elle est présente, la douleur siège à la base du pouce, au bord supéro-externe de la main. Elle est habituellement mécanique, apparaissant à l’usage de la pince pollicidigitale, et très rarement inflammatoire, avec douleurs de repos et nocturnes. Les déformations sont tardives, le pouce en adduction et antéposition, qui accompagne souvent une déformation en console de la base du premier rayon. Douleur et gêne fonctionnelle limitent la préhension, ce qui peut se traduire par des lâchages d’objets. Là encore, l’évolution est souvent marquée par l’alternance de crises douloureuses et de périodes d’accalmie. Outre la douleur et la gêne fonctionnelle, la gêne esthétique est parfois au premier plan, notamment chez la femme.

Figure 1

Figure 2

Le handicap peut être majeur

Le handicap généré par la rhizarthrose est similaire, voire supérieur, à celui qu’entraîne une atteinte prédominante des IPD du 2e au 5e rayon. Globalement, les scores de qualité de vie, de gêne fonctionnelle et de fatigue sont nettement plus altérés chez les personnes qui ont une arthrose digitale, par comparaison aux patients sains, et assez proches de ceux que l’on observe dans la polyarthrite rhumatoïde traitée.

La prévalence radiographique est supérieure à celle symptomatique

Dans la cohorte de Rotterdam (n = 3 906), la prévalence radiologique de l’arthrose digitale a été estimée chez les patients de plus de 55 ans : 67 % des femmes et 54,8 % des hommes inclus avaient au moins une articulation arthrosique. Les articulations les plus concernées étaient : les interphalangiennes distales (47,3 %), la trapézométacarpienne (35,8 %), les interphalangiennes proximales (18,2 %), puis les métacarpophalangiennes (8,2 %). Au cours de la vie, le risque de développer une arthrose digitale est de 47 % chez les femmes et de 24 % chez les hommes aux États-Unis.

L’arthrose digitale annonce l’arthrose des membres inférieurs

La présence d’une arthrose digitale augmente le risque de développer ultérieurement une arthrose de hanche ou de genou : 1 235 sujets, qui n’avaient initialement aucun signe radiographique de gonarthrose ou de coxarthrose, ont bénéficié de nouveaux clichés de hanches ou de genoux, après un intervalle de 6 ans. Le risque de développer une coxarthrose ou une gonarthrose était significativement augmenté, soit respectivement des odds ratio (OR) de 3 et 1,6 chez les patients qui avaient une arthrose digitale à l’inclusion.

Dernières recommandations de prise en charge

Selon la Société européenne de rhumatologie (EULAR), le traitement symptomatique des poussées douloureuses fait appel aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), sous forme topique ou par voie orale.

Ces recommandations soulignent aussi l’intérêt du port nocturne d’attelles thermomoulées pour la rhizarthrose, dont on connaît l’efficacité sur la douleur et la fonction. L’éducation des patients et la pratique d’exercices d’assouplissement des doigts sont encouragées. Attention : les traitements de fond conventionnels et les biothérapies utilisés dans les rhumatismes inflammatoires sont inefficaces. En effet, plusieurs essais bien conduits ont démontré l’absence d’efficacité de l’hydroxychloroquine, des petites doses de méthotrexate, des anti-TNF, d’un anti IL6 et des anti IL1.

De nouveaux traitements ?

Le caractère inflammatoire de certaines arthroses digitales, en particulier érosives, a incité à évaluer les effets de 10 mg de prednisone/j dans les atteintes comportant des synovites. C’est la seule thérapeutique pour laquelle un bénéfice versus placebo a été démontré ces dernières années, sur la douleur et la fonction. Le risque de cortico-dépendance est bien sûr élevé ; dans cette maladie, il convient donc d’user très prudemment des corticoïdes oraux, qui doivent être réservés au traitement des poussées invalidantes.

La stimulation du nerf vague est une approche innovante en cours d’évaluation. En effet, des travaux scientifiques menés depuis une vingtaine d’années ont montré que le nerf vague, qui classiquement régule la fréquence cardiaque et la motricité digestive, a également une action anti-inflammatoire et antalgique. En 2019, une étude pilote conduite à l’hôpital Saint-Antoine chez 18 patients souffrant d’arthrose des mains douloureuse a montré la bonne tolérance de ce dispositif, une diminution de la douleur à 1 mois ainsi que la faisabilité d’une telle approche thérapeutique. Un essai randomisé contrôlé afin d’évaluer l’effet d’une stimulation active du nerf vague (une séance de 20 minutes par jour pendant 3 mois) sur la douleur des mains (versus stimulation factice) – appelée ESTIVAL et financée par le programme hospitalier de recherche clinique (ministère de la Santé) – est en cours en France.

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

D’après :

Richette P, Latourte A. L’arthrose digitale.  Rev Prat 2021;71(10);1118-20.

Kroon FPB, Kortekaas MC, Boonen A, et al. Results of a 6-week treatment with 10 mg prednisolone in patients with hand osteoarthritis (HOPE): a double-blind, randomised, placebo-controlled trial. Lancet 2019;394(10213):1993-2001.