objectifs
Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
Le terme d’ascite désigne l’accumulation de liquide dans la cavité péritonéale, à l’exception du sang (hémo­péritoine), du pus (péritonite). En France, ses 2 causes principales sont la cirrhose du foie et la carcinose péritonéale.

Diagnostic de l’ascite

Clinique

L’existence d’une matité déclive perceptible nécessite un épanchement péritonéal de 2 litres environ. L’échographie (fig. 1) détecte les ascites minimes et aide au diagnostic des ascites cloisonnées. Une ascite abondante peut causer une dyspnée (d’autant plus qu’un épanchement pleural est associé), une gêne alimentaire, faire ressortir des hernies (notamment ombilicales) qui parfois la révèlent, se rompre enfin (surtout au niveau de l’ombilic). Le diagnostic différentiel de l’ascite comporte le globe vésical et les volumineuses tumeurs kystiques (clinique, échographie, analyse du liquide prélevé par erreur).

Ponction

La ponction exploratrice, faite aseptiquement, avec une aiguille assez fine, après anesthésie locale, habituellement dans la fosse iliaque gauche (au besoin sous contrôle échographique), l’artère épigastrique et les grosses collatérales veineuses étant à éviter, est toujours nécessaire en cas de première ascite, d’aggravation d’une ascite connue ou d’autre complication de la cirrhose.
Les complications de la ponction (saignement, infection) sont rares. Une thrombopénie sévère (< 50 000/µL), une fibrinolyse, ou un traitement antiagrégant intense (par exemple aspirine + clopidogrel), un traitement par antivitamine K doivent faire discuter le geste, surtout en cas de ponction évacuatrice au trocart

Analyse du liquide

L’aspect du liquide doit être décrit (citrin, limpide, rosé, hémorragique, trouble, lactescent, visqueux).
Du liquide doit être prélevé sur un tube sec (protides, lipase), un tube citraté (numération et formule des éléments de l’ascite, examen cytopathologique), et 2 × 10 mL injectés dans un flacon d’hémoculture aérobie et anaérobie.
La concentration en protides guide fortement le diagnostic :
  • < 20 g/L, elle est habituellement liée à une cirrhose ou une hypoalbuminémie sévère ;
  • > 20 g/L, elle indique soit une maladie du péritoine (tumeurs, tuberculose), soit une congestion hépatique (foie cardiaque, obstruction des veines hépatiques).
Un dosage de l’albumine de l’ascite associé à celui de l’albumine sérique permet de calculer le gradient d’albumine utile lorsque la cause de l’ascite n’est pas évidente (supérieur à 11 g/L, il est quasi spécifique d’ascite due à l’hypertension portale).
En l’absence d’infection, le liquide d’ascite est pauvre en cellules, en polynucléaires et en lymphocytes dans la cirrhose. Il est souvent riche en cellules (principalement mononucléées dans la tuberculose et les ascites tumorales où les cellules tumorales peuvent être plus ou moins abondantes).
D’autres recherches (triglycérides, recherche de mycobactéries) ne sont pas systématiques mais peuvent être nécessaires après la première orientation.
En cas de cirrhose connue ou probable, une première poussée d’ascite justifie une hospitalisation pour le diagnostic, les explorations, le traitement et l’éducation thérapeutique.

Diagnostic différentiel

Il faut éliminer (clinique, échographie, scanner… et parfois ponction involontaire) un globe vésical, une volumineuse tumeur kystique (essentiellement ovarienne).

Diagnostic de la cause de l’ascite (tableau I)

Ascites pauvres en protéines


Cirrhose du foie

La cirrhose du foie est la cause la plus fréquente de l’ascite (3/4 des cas), et l’ascite la complication la plus fréquente de la cirrhose, la moitié des malades « compensés » développant une ascite dans la décennie suivante, qui transforme le pronostic. À partir de la première ascite, la survie est d’environ 85 % à 1 an et 45 % à 5 ans.
L’ascite est liée à la sectorisation dans la cavité péritonéale (à cause de l’hypertension portale) d’une rétention sodée rénale secondaire à l’hypertension portale et à l’insuffisance hépatique liée à une vasodilatation artérielle généralisée.
L’ascite peut être associée à un épanchement pleural droit ou bilatéral prédominant à droite (gauche isolé, il est suspect d’une autre cause) et à des œdèmes des membres inférieurs et de la paroi abdominale.
Le diagnostic de cirrhose du foie est généralement facile en cas d’ascite, soit parce qu’il était déjà connu, soit évident devant l’association d’une hépatomégalie dure à bord inférieur tranchant (pouvant donner le signe du glaçon en cas d’ascite abondante), de signes d’insuffisance hépatocellulaire (ictère, angiomes stellaires, érythrose palmaire) et d’hypertension portale (circulation veineuse collatérale centrale, splénomégalie) ainsi qu’éventuellement d’une encéphalopathie hépatique (astérixis, confusion mentale et coma) ; la circulation collatérale latérale, cavocave, n’est pas spécifique de la cirrhose.
Biologiquement, on retrouve habituellement une anémie souvent macrocytaire, une leucopénie et surtout une thrombopénie d’intensité variable. Le taux de prothrombine est abaissé (et le facteur V en cas d’insuffisance hépatique sévère). Il existe une hyperbilirubinémie variable, souvent mixte (conjuguée et non conjuguée), une augmentation discrète des transaminases prédominant souvent sur l’ASAT ; l’augmentation des phos­phatases alcalines et de la gammaglutamyl-transférase (GGT) dépend de la cause. Il existe souvent une hypoalbuminémie, une hypergammaglobulinémie.
En cas de cirrhose, le liquide d’ascite est habituellement clair, citrin, pauvre en protéines (moins de 20 g/L et souvent moins de 15) et en cellules, avec moins de 75 polynucléaires/µL, et stérile.
L’échographie montre l’ascite, un foie dysmorphique, des signes d’hypertension portale (dilatation du tronc porte, circulation collatérale) et permet la recherche d’autres complications (tumeur du foie, thrombose portale) ; elle peut guider la ponction en cas d’ascite peu abondante ou cloisonnée.
L’endoscopie digestive haute recherche des varices œsophagiennes ou gastriques, une gastropathie congestive (aspect mosaïque, télangiectasies).
Il est exceptionnel que la biopsie du foie soit nécessaire au diagnostic de cirrhose en cas d’ascite. Si c’est le cas, elle doit être faite par voie transveineuse, ce qui permet également de mesurer les pressions sinusoïdales libre et bloquée, leur différence (gradient de pression hépatique) reflétant la pression portale (normalement inférieure à 5 mmHg) en cas de cirrhose.
Il faut rechercher un facteur ayant déclenché l’apparition de l’ascite : apport intempestif de sel (perfusions notamment), hémorragie digestive (toucher rectal systématique pour rechercher un méléna), poussée évolutive de la maladie causale (hépatite alcoolique, p. ex.), carcinome hépatocellulaire, infection bactérienne (cutanée, dentaire, pulmonaire, urinaire, septicémie et endocardite).
Une infection du liquide d’ascite (ou péritonite spontanée), une complication très grave, peut être responsable de symptômes (fièvre ou hypothermie, douleurs abdominales, diarrhée, choc), mais est souvent asymptomatique ; elle doit donc être systématiquement recherchée sur le liquide de ponction (> 75 polynucléaires neutrophiles/µL), la culture (prélèvement d’une grande quantité d’ascite injectée directement sur un flacon d’hémoculture aérobie et anaérobie) n’étant qu’inconstamment positive (Les principaux germes responsables sont les bacilles à Gram négatif [Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae], et des cocci à Gram positif [entérocoques, streptocoques autres, rarement staphylocoques]) ; des hémocultures et la recherche d’une porte d’entrée (cutanée, dentaire, respiratoire, mais souvent entérale) sont systématiques avant le traitement antibiotique en urgence.
L’infection du liquide d’ascite est d’autant plus fréquente que l’ascite est plus pauvre en protides et la sévérité de l’ascite plus grande.
L’ascite peut se compliquer de hernies (éventuellement de rupture de l’ombilic en cas d’ascite tendue, ou d’étranglement en cas de régression rapide), de dyspnée quand elle est tendue.
La cause de la cirrhose doit être identifiée (tableau 2) parce que seul le traitement étiologique peut améliorer le pronostic.
Un inventaire complet de la cirrhose doit être réalisé :
  • clinique, biologique, calcul des scores de Child-Pugh et de MELD ;
  • recherche d’une néphropathie organique associée (urée, créatinine, ionogramme sanguin, ionogramme, créatinine urinaire et protéinurie, recherche d’hématurie, éventuellement échographie rénale) ; en l’absence de néphropathie organique, l’existence d’une insuffisance rénale définit le syndrome hépatorénal, terme ultime des perturbations hémodynamiques secondaires à la cirrhose et dont on distingue 2 types selon leur rapidité d’installation, de pronostic très sévère ;
  • évaluation cardiovasculaire (facteurs de risque, examen clinique, ECG, échographie cardiaque).
La gravité de la cirrhose doit être évaluée (score de Child et MELD).

Autres causes d’ascites pauvres en protéines

Les hypoalbuminémies sévères (< 20 g/L) peuvent se compliquer d’ascite, généralement dans le cadre d’une anasarque associée à des œdèmes diffus. Les principales causes sont les pertes urinaires (syndrome néphrotiques), digestives (gastro-­entéro­pathies exsudatives), exceptionnellement cutanées (brûlures, dermatoses suintantes étendues).
En cas de thrombose portale, en l’absence de cirrhose et en dehors de la phase aiguë, il n’existe d’ascite qu’en cas de rétention sodée associée (après une hémorragie digestive, p. ex.).
Les métastases hépatiques massives peuvent causer une ascite pauvre en protides, en l’absence de carcinose péritonéale associée.

Ascites riches en protéines


Maladies du péritoine

Les maladies du péritoine causent habituellement une ascite riche en protéines et en cellules.
Tumeurs péritonéales(tableau 3) : la carcinose péritonéale (cancer secondaire du péritoine) en est la cause la plus fréquente. La nature tumorale de l’ascite peut être d’emblée suspectée parce qu’il existe un antécédent de cancer, parce qu’on palpe des tumeurs épiploïques (masses dures abdominales) ou du cul-de-sac de Douglas (toucher rectal) ou qu’il existe d’autres métastases (ganglion sus-claviculaire gauche, par exemple). Il existe souvent une altération de l’état général avec amaigrissement sans fièvre, et parfois des symptômes occlusifs (vomissements, arrêt transitoire des matières et des gaz). Le liquide d’ascite est riche en protéines (plus de 20 g/L), riche en cellules (essentiellement cellules mésothéliales, lymphocytes et monocytes) et contient souvent des cellules tumorales dont l’aspect et les caractères histochimiques et immunohistochimiques orientent vers la tumeur primitive. La tomodensitométrie abdominopelvienne montre l’ascite, des épaississements irréguliers ou des tumeurs péritonéales qui peuvent marquer leur empreinte sur la convexité du foie et de la rate, des aspects d’engainement rigide des anses intestinales. Des métastases hépatiques sont possibles. On peut souvent détecter la tumeur primitive (côlon, ovaire, pancréas, estomac), mais le risque qu’une lésion secondaire la simule n’est pas exceptionnel. En fonction des symptômes d’appel et des données cytologiques de l’ascite, on peut orienter la recherche de la tumeur primitive (œsogastroduodénoscopie, coloscopie en l’absence de symptôme occlusif, scanner thoracique, examen ORL, bronchoscopie). Lorsque le diagnostic reste hésitant, et pour rechercher spécifiquement une tumeur ovarienne, une cœlioscopie (laparoscopie) est indiquée ; il est préférable d’utiliser une voie d’abord médiane (y compris pour la ponction initiale) si on a l’espoir d’un traitement chirurgical à visée curative (risque de greffe tumorale sur le point de ponction). L’aspect macroscopique des lésions, et un bilan topographique soigneux (fig. 2) sont nécessaires, en plus des biopsies. Plus rarement, il peut s’agir de métastases de tumeurs neuroendocrines, de tumeurs stromales, de lymphomatose péritonéale, exceptionnellement de sarcomatoses.
Maladie gélatineuse (pseudomyxome) du péritoine : cette maladie rare est due aux greffes péritonéales d’adénocarcinomes mucineux, essentiellement appendiculaires (mucocèle appendiculaire). Elle est découverte à l’occasion d’une augmentation de volume de l’abdomen, d’une ascite ou de masses (l’aspect scanographique est évocateur). L’ascite est mucineuse. Le traitement est chirurgical et consiste en une exérèse aussi complète que possible des lésions, associée à une appendicectomie et à une ovariectomie bilatérale de principe, et à une chimiothérapie peropératoire. Les récidives sont fréquentes, mais l’évolution est relativement lente, avec une survie de 50 % à 5 ans (bien meilleure dans les formes de bas grade que de haut grade histologique) dépendant essentiellement de la complétude de l’exérèse chirurgicale ; des exérèses itératives sont possibles.
Causes ovariennes bénignes : sous le nom de syndrome de Demons- Meigs, on désigne un syndrome rare caractérisé par une ascite souvent associée à un épanchement pleural droit ou bilatéral, riches en protéines, due à une tumeur surtout ovarienne ou du ligament large, volumineuse, habituellement conjonctive bénigne (fibrome). L’épanchement régresse avec l’exérèse de la tumeur (qui sécrète probablement des cytokines ou facteurs de croissance modifiant la perméabilité péritonéale).
L’hyperstimulation ovarienne résulte d’une réponse folliculaire excessive lors de la stimulation utilisée pour obtenir des ovules multiples avant fécondation in vitro. Dans sa forme grave, ce syndrome associe une ascite, des épanchements pleuraux, de gros ovaires, une insuffisance rénale (hypovolémie) et un risque thrombo-embolique accru.
Tumeurs malignes primitives du péritoine : elles sont beaucoup plus rares, et de diagnostic morphologique souvent difficile.
L’atteinte péritonéale est observée dans un quart des mésothéliomes, associée ou non à une atteinte pleurale. Ils peuvent être de type épithélioïde, sarcomatoïde ou mixte. Elle est longtemps responsable de douleurs abdominales atypiques, et n’est souvent diagnostiquée qu’après l’apparition d’une ascite. Une altération de l’état général, des symptômes occlusifs, une masse abdominale, des syndromes paranéoplasiques sont possibles (hyponatrémie, hypoglycémie, thrombocythémie, coagulation intravasculaire disséminée).
Le diagnostic doit toujours être évoqué devant une carcinose péritonéale sans tumeur primitive retrouvée. Une atteinte pleurale, des calcifications diaphragmatiques, la notion d’exposition à l’amiante (plus rare que dans les mésothéliomes pleuraux) et la présence de fibres d’amiante dans l’expectoration ou le lavage alvéolaire sont des arguments importants en faveur du diagnostic. La cytologie aidée par l’immunohistochimie peut fortement orienter, mais le diagnostic repose sur l’examen histologique (difficile) de multiples biopsies faites sous cœlioscopie (précautions pour éviter l’ensemencement, nécessité d’immunohistochimie et avis d’experts nécessaires pour le diagnostic positif et à la classification sous-typique). Un bilan d’extension incluant un scanner thoracique et une IRM abdominopelvienne est nécessaire avant de poser les indications thérapeutiques en milieu spécialisé.
Maladies infectieuses et parasitaires du péritoine : la tuberculose peut atteindre le péritoine. Elle frappe surtout les migrants et les patients immunodéprimés (cirrhose, diabète, VIH, p. ex.). Cette atteinte peut être silencieuse (et suspectée a posteriori devant des calcifications ganglionnaires ou des complications tubaires), ou bien responsable de douleurs abdominales, de troubles du transit (voire d’une occlusion) et surtout d’une ascite (9 fois sur 10), associés à une altération fébrile de l’état général. Une atteinte extra-abdominale (thoracique, génitale, urinaire, ganglionnaire) est présente dans la moitié des cas et doit toujours être recherchée. En cas d’ascite, le liquide est riche en protéines et lymphocytaire. Le scanner montre l’ascite, des épaississements péritonéaux, parfois des adénopathies ou une atteinte iléocæcale. La cœlioscopie permet un diagnostic macroscopique et histologique (péritonite granulomateuse et éventuelle nécrose caséeuse). L’intradermoréaction à la tuberculine et QuantiFERON-TB ne sont qu’inconstamment positifs. La culture du liquide d’ascite n’est positive qu’une fois sur deux, celle des biopsies 3 fois sur 4, la PCR n’étant que rarement positive ; le dosage d’adénosine désaminase est d’utilité discutée. Le traitement antituberculeux (commencé avant le résultat des cultures) permet la guérison, mais des séquelles (génitales) sont possibles, que ne prévient pas une corticothérapie associée.
Actinomycose, histoplasmose, pneumocystose surviennent dans des contextes particuliers et sont reconnues par les examens microbiologiques du liquide d’ascite et de biopsies péritonéales, ainsi que par l’histologie des mêmes biopsies. Il en est de même de l’hydatidose péritonéale (contexte, sérologie, scanner).
Maladies inflammatoires du péritoine : l’ascite est généralement peu abondante, mais il existe des symptômes (fièvre, douleurs abdominales) et un contexte extrapéritonéal. Les principales causes sont les péritonites granulomateuses (corps étrangers, sarcoïdose, maladie de Whipple en fait infectieuse), la gastroentérite à éosinophiles, la localisation péritonéale des connectivites (lupus, maladie de Still, périartérite noueuse), la fièvre méditerranéenne familiale (où l’épanchement est habituellement minime).

Ascites riches en protéines sans maladie du péritoine

en cas de congestion hépatique, l’ascite est riche en protéines (hypertension portale sus-hépatique avec fuite de protéines au niveau de la capsule hépatique parce que les sinusoïdes hépatiques sont fenêtrées et laissent passer les protéines). Elle est pauvre en cellules.
Causes cardiaques : l’insuffisance cardiaque (ainsi que sa cause) est généralement évidente. Le principal problème se pose en cas d’adiastolie typiquement réalisée par la péricardite constrictive. Le scanner recherche des calcifications péricardiques. L’échographie cardiaque peut n’être que peu contributive, et dans les cas difficiles un cathétérisme cardiaque droit est nécessaire pour démontrer l’adiastolie (avec typiquement un aspect de « dip-plateau »). L’ascite régresse si la constriction péricardique est levée.
Maladie des veines hépatiques : la thrombose des veines hépatiques définit le syndrome de Budd-Chiari. Le diagnostic est suspecté sur l’absence habituelle d’insuffisance hépatique, la dysmorphie et surtout la mise en évidence de la(des) thrombose(s) des veines hépatiques à l’écho-Doppler et à l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) et souvent d’une circulation collatérale intrahépatique. Une cause locorégionale (carcinome hépatocellulaire ou tumeur atriale) et un état prothrombotique (syndrome myéloprolifératif, hémoglobinurie paroxystique nocturne, déficits héréditaires [protéine C, protéine S, facteur de Leiden notamment]) en sont les causes principales et parfois associées.
Il existe aussi des maladies des petits vaisseaux intrahépatiques. Dans la maladie veino-occlusive, le syndrome d’obstruction sinusoïdale et la péliose hépatique, on peut observer une ascite riche en protéines, associée habituellement à une cholestase et à une insuffisance hépatique. Ces lésions (reconnues sur la biopsie hépatique par voie transveineuse) sont essentiellement d’origine toxique (conditionnement pour greffe de moelle, éloxatine, séneçon notamment) mais aussi à un syndrome inflammatoire intense et prolongé.

Ascites pancréatiques

Elles sont liées à la rupture dans la cavité péritonéale d’un canal pancréatique, le plus souvent par l’intermédiaire d’un faux kyste lui-même rompu. L’ascite est riche en protéines et très riche en lipase. La maladie pancréatique (pancréatite aiguë ou traumatisme pancréatique passés, pancréatite chronique) peut être déjà connue ou reconnue par les examens morphologiques (scanner, IRM avec bili-pancréato-IRM). Le traitement de la rupture canalaire causale peut être perendoscopique (pose d’une prothèse pancréatique pour obturer la fistule et traiter l’éventuelle sténose wirsungienne d’aval).

Hypothyroïdie

Une ascite (et des épanchements pleuraux) ont été décrits dans des myxœdèmes historiques où les autres signes ne manquent pas et où la confirmation biologique (augmentation de la thyréostimuline, effondrement de la thyroxinémie) sont caricaturaux.

Angio-œdème

Dans ses formes graves, quelle que soit sa cause, l’angio- œdème à bradykinine abdominal peut provoquer douleurs abdominales, vomissements, diarrhée, ascite (visible au scanner avec l’œdème intestinal) et parfois choc hypovolémique avec hémoconcentration.

Ascite chyleuse

Le liquide d’ascite est trouble parce qu’opalescent ou lactescent, et riche en triglycérides (> 2 g/L) et en lymphocytes. Les principales causes sont un blocage lymphatique cœliomésentérique, habituellement tumoral (cancers régionaux ou lymphomes), les maladies inflammatoires et infectieuses (incluant la filariose) du péritoine, des adénopathies mésentériques bénignes (maladie de Whipple, maladie cœliaque), des plaies lymphatiques peropératoires, notamment rétropéritonéales, une congestion hépatique, des malformations lymphatiques. L’ascite peut être chyleuse ou chyliforme dans la cirrhose, du fait de rupture de lymphatiques mésentériques, et alors souvent réfractaire au traitement.

Causes mixtes

Elles ne sont pas rares ; il s’agit surtout de l’association cirrhose (ou insuffisance cardiaque) + carcinose péritonéale, ou plus rarement cirrhose + tuberculose ou cirrhose + pancréatite.

Ascites urineuses

Les ascites urineuses (aspect d’urine, protides indosables ou presque) sont essentiellement liées à des traumatismes urétéraux ou vésicaux (chirurgie, accident).

Ascites biliaires

Elles sont le plus souvent dues à une plaie opératoire (ou percu­tanée) de la vésicule ou des voies biliaires intrahépatiques.

Principes du traitement

Ascite de la cirrhose du foie

La prise en charge est détaillée dans l’item « Cirrhose hépatique ».

Ascites non cirrhotiques


Carcinose péritonéale

Le seul espoir de guérison (rare) repose, chez des malades en bon état général, aux lésions péritonéales relativement limitées, et en l’absence de métastase extrapéritonéale sur l’association de chimiothérapie systémique, d’exérèse des lésions péritonéales et de chimio-hyperthermie péritonéale. Ce programme doit être discuté dans des centres experts.
Sinon, le traitement repose sur une chimiothérapie adaptée au type de la tumeur, discutée en réunion multidisciplinaire. La place de l’immunothérapie (soit adaptée au cancer primitif, soit vis-à-vis des cancers exprimant EpCAM avec le catumaxomab) est en cours de définition.
Le traitement palliatif de l’ascite utilise le régime désodé et les diurétiques, souvent inefficaces, les ponctions à la demande (guidées par l’échographie), voire la pose d’un cathéter péritonéal tunnellisé, le traitement des syndromes occlusifs et de la douleur.

Tuberculose péritonéale

Le traitement antituberculeux est le même que dans toute tuber­culose (traitement de 6 mois avec quadrithérapie initiale de 2 mois avec antibiogramme préalable de la souche de bacille tuberculeux quand elle est isolée).
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Message de l'auteur

L'item « Ascite », qui inclut les maladies causales, est très large, et peut être la source de nombreux cas cliniques.

Après le diagnostic positif, la ponction pour analyse du liquide est l'étape clé du diagnostic.

La distinction entre ascites pauvres et riches en protéines (et sa base pathogénique) est capitale.

On peut préparer un cas clinique « ascite de la cirrhose (voir cet item), et particulièrement un cas d'ascite infectée », mais aussi diagnostic d'une ascite associée à une altération de l'état général (ascite riche en protéines qui fera discuter en premier une carcinose et une tuberculose), une ascite riche en protides avec gros foie sans insuffisance hépatique (qui mènera vers une adiastolie), une ascite riche en protides chez un malade alcoolique avec quelques anomalies biologiques hépatiques mais sans signe de cirrhose, qui amènera vers une ascite pancréatique.

Points forts
Ascite

Les deux causes principales : la cirrhose (80 % des cas) et la carcinose péritonéale (10 % des cas).

L’échographie qui rend faciles le diagnostic et la ponction de l’ascite (quand elle est peu abondante ou cloisonnée) et voit souvent sa cause.

Le pivot biologique du diagnostic : le taux de protides de l’ascite (et si besoin le gradient d’albumine).

La gravité pronostique de l’apparition de l’ascite dans la cirrhose et ses facteurs déclenchants.

Les facteurs de risque, le diagnostic et le traitement d’urgence de l’infection d’ascite.

La cœlisocopie dans le diagnostic de la tuberculose et des maladies malignes du péritoine.

La nécessité d’une discussion systématique des lames de cytologie et de biopsies péritonéales en cas de maladie maligne du péritoine.

Pour en savoir
1. Runyon BA. AASLD practice guideline. Management of adult patients with ascites due to cirrhosis: update 2012. Hepatology 2013 ( www.aasld.org/practiceguidelines/Documents/ascitesupdate2013.pdf )
2. HAS. Critères diagnostiques et bilan initial de la cirrhose non compliquée. www.has-sante.fr (2008)
3. Carrier P, Jacques J, Debette-Gratien M, et al. L’ascite non liée à la cirrhose : physiopathologie, diagnostic et étiologies. Rev Med Int 2014;35:365-71.
4. Rousset P. Imagerie du péritoine. HepatoGastro et Oncol Dig 2014;21:610-9.
5. Réseau RENAPE (Réseau National pour le traitement des tumeurs malignes rares du péritoine). http://www.renape-online.fr
6. Cavalli Z, Ader F, Valour F, et al. Clinical presentation, diagnosis, and bacterial epidemiology of peritoneal tuberculosis in two university hospitals in France. Infect Dis Ther 2016;5:193-9.

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