C’est à l’évolution du contexte d’exercice des pratiques ou des droits reconnus à la personne malade dans le cadre de la législation relative à la fin de vie que doit s’attacher l’approche éthique des diverses formes de limitation des traitements. La personne malade, en dehors d’un processus de décision collégiale, peut exprimer le choix de limitation et arrêt des traitements (LAT), qui est mis en oeuvre lorsque le patient, atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme, présente une souffrance réfractaire aux traitements. Le critère de recevabilité de la demande de sédation profonde et continue jusqu’au décès est la souffrance insupportable, une notion qui fait l’objet d’appréciations et d’adaptations évolutives dans différents pays.À ce propos, le 3e alinéa de l’article de la loi de 2016 précise que « lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’article L1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie ».Mais est-on toujours certain que la décision de LAT est la plus adaptée au regard de l’intérêt direct de la personne ? D’autres facteurs conjoncturels n’entravent-ils pas parfois ce principe ? Au moment où ont été évoquées encore récemment des notions comme celles de triage et de déprogrammation, « recevoir les soins les plus appropriés » relève-t-il d’une règle inconditionnelle avec laquelle les équipes soignantes ne doivent jamais transiger ?Un autre article de la loi introduit la notion de consentement de la personne, ou d’association de la personne de confiance au processus décisionnel. En réanimation, les circonstances peuvent rendre difficile l’approche personnalisée de l’arbitrage décisionnel. Elle conditionne cependant son acceptabilité tant pour les proches que pour l’équipe soignante.Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, et ce consentement peut être retiré à tout moment. Il est évident que toute perspective de LAT devrait relever d’une concertation avec la personne malade, parfois anticipée. En réanimation, cette concertation avec la personne malade n’est pas toujours possible, et la loi du 4 mars 2002 précise que « lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L1111-6, ou la famille, ou à défaut un de ses proches, ait été consulté ». Une décision du Conseil d’État du 24 juin 2014 présente une synthèse éclairant le processus de LAT en détaillant la définition et l’appréciation au cas par cas de ce qu’il conviendrait de désigner comme relevant d’une obstination déraisonnable. Ce texte précise que prendre une telle décision en fonction de l’appréciation de la situation est la mission reconnue au médecin, en conscience et en compétence, dans le cadre d’un examen collégial des données médico-scientifiques et des approfondissements relatifs à l’histoire de la personne et aux valeurs qui importent pour elle. C’est dire que l’approche éthique des LAT doit concilier la rigueur d’une décision médicalement fondée avec l’exigence du respect de la personne dans son intégrité, et ses droits fondamentaux.

Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, université Paris-Saclay, France

14 février 2023