La sclérose en plaques (SEP), maladie neurodégénérative inflammatoire chronique, s’accompagne d’un certain nombre de troubles psychologiques. Parmi eux, les plus fréquents sont l’anxiété et la dépression.
Deux troubles dominants
Anxiété et dépression peuvent avoir un effet dévastateur sur le fonctionnement quotidien, la qualité de vie et le bien-être des patients atteints de SEP.
Fréquents et intriqués
Selon une méta-analyse réalisée sur les études publiées entre 1965 et 2014,1 la prévalence d’un trouble anxieux caractérisé est en moyenne de 9,8 % chez les patients atteints de SEP. Les symptômes anxieux non spécifiques évalués par le biais d’autoquestionnaires sont plus fréquents (34,2 % en moyenne).
L’anxiété est un facteur de risque de dépression. Les inquiétudes, voire les ruminations, déclenchent des émotions négatives qui intensifient la fatigue, allant parfois jusqu’à l’épuisement, lequel peut conduire à une dépression.2 Le risque sur la vie entière de développer une dépression chez ces patients est supérieur à 50 %.2, 3 Selon les études, la prévalence d’un trouble dépressif caractérisé oscille entre 1,3 et 44,1 %, avec une moyenne de 20,6 %. Cette estimation varie considérablement d’une étude à l’autre en raison de différences méthodologiques importantes ; elle semble par ailleurs largement dépendante de l’outil de mesure utilisé.1
Réactionnels ou symptômes de la SEP ?
Des symptômes dépressifs et/ou anxieux sont souvent observés au décours de l’annonce diagnostique. Ils sont réactionnels au caractère imprévisible de la maladie, aux projections négatives, aux interrogations, ou encore à une méconnaissance.
Par ailleurs, une dépression qualifiée de sévère est plus fréquente chez les patients atteints de SEP que dans la population générale, ce qui laisse penser à un effet direct de la maladie.2 En effet, la dépression peut être majorée par une modification des structures cérébrales et le processus inflammatoire.3
Le risque suicidaire est également plus élevé que dans la population générale.2
Dépistage : s’affranchir des facteurs confondants
L’anxiété, comme la dépression, a un retentissement sur la cognition, l’évolution de la maladie et l’adhésion au traitement, raison pour laquelle il est primordial de les dépister précocement.4 Or il peut être difficile de diagnostiquer un trouble psychiatrique associé à la SEP, tant il existe de facteurs confondants (
L’échelle HADS (Hospital Anxiety and Depression Scale) est un autoquestionnaire permettant d’évaluer la sévérité des symptômes anxieux et dépressifs. Cet outil a été validé auprès de patients atteints de SEP, avec une bonne spécificité et sensibilité.5 Il est particulièrement adapté, en raison de l’absence d’items évaluant des symptômes somatiques (fatigue, insomnie, douleur et difficultés de concentration), limitant ainsi les faux positifs.2
Prise en charge : un arsenal de solutions à mobiliser
Antidépresseurs, mais pas sans psychothérapie
Plusieurs études ont montré que les antidépresseurs, et notamment les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), bien qu’efficaces dans le traitement de la dépression, ont plusieurs effets secondaires et un taux d’abandon élevé chez les patients atteints de SEP.3
Il semblerait que le soutien psychologique et les psychothérapies, en particulier la thérapie cognitivo-comportementale, soient bénéfiques chez ces patients souffrant de dépression, avec un effet à long terme.3, 6
Comme pour tout patient, la combinaison ISRS-psychothérapie est donc fortement recommandée.
Proposer systématiquement un entretien psychologique
Un accompagnement psychologique peut être proposé dès l’annonce diagnostique afin d’aider le patient à vivre avec la maladie, et lui faire bénéficier d’un soutien moral.7 D’autant que plus le niveau d’acceptation de la maladie est élevé, plus le patient est susceptible d’adhérer au traitement de fond proposé. Un accompagnement psychologique préventif peut permettre de travailler notamment sur les stratégies d’adaptation mais aussi sur la gestion du stress et plus largement les émotions négatives.7
Méditation en pleine conscience : efficace !
Une revue de la littérature de 2022 montre l’efficacité de programmes fondés sur la pleine conscience chez les patients atteints de SEP. Cette forme de méditation entraîne la capacité d’attention et de discernement à ce qui est présent dans l’instant. La pleine conscience diminue les symptômes dépressifs, permet une meilleure gestion de la douleur, réduit le niveau de fatigue et ainsi améliore la qualité de vie.8
Placer le patient au cœur de sa prise en charge par l’éducation thérapeutique
Dans la mesure où une meilleure connaissance de la maladie diminue le niveau d’anxiété, une séance de « reprise d’annonce diagnostique » peut s’avérer très bénéfique. Elle peut être menée par un(e) infirmièr(e) ou un(e) psychologue.
Dans la même idée, les programmes d’éducation thérapeutique (ETP) se sont beaucoup développés au cours des dernières années. Un bilan éducatif partagé permet dans un premier temps d’identifier les besoins du patient. Puis des ateliers (individuels ou collectifs) sont proposés sur des thématiques variées : reconnaître une poussée, SEP et traitements, SEP et travail, etc. Le principal objectif de l’ETP est de permettre au patient de développer une certaine maîtrise de sa maladie grâce à l’acquisition de savoirs et de savoir-faire. Il est alors plus armé, plus sensibilisé et moins anxieux pour surmonter les difficultés induites par la SEP et pour prendre des décisions.
Enfin, les associations de patients ont également une place importante dans l’accompagnement.
Facteurs de risque psychosociaux
Les patients atteints de SEP sont plus à risque de souffrir de dépression ou d’anxiété lorsque le support social est insuffisant, voire inexistant, ou lorsque les stratégies de coping sont inadaptées.4
Rôle essentiel de l’entourage
Tout d’abord, l’entourage (et notamment le réseau amical) joue un rôle central sur la qualité de vie des patients. Le dialogue et le soutien moral des proches atténuent le phénomène d’anxiété et la dépression.2, 3, 4
Influence des stratégies de coping
Les stratégies d’adaptation, plus souvent connues sous le terme de stratégies de coping (to cope with : faire face à) permettent de surmonter l’adversité. Plus spécifiquement, elles aident à gérer événements stressants et émotions, à ajuster les comportements et à nous adapter aux changements.
À l’annonce du diagnostic, les patients n’ont pas tous les mêmes ressources psychiques et ne réagissent pas de la même manière. Certains s’effondrent et ont avant tout besoin de réconfort, d’autres cherchent des réponses auprès des spécialistes. Des comportements de fuite sont observés chez d’autres encore : ce mécanisme de défense peut s’avérer certes nécessaire pour surmonter le séisme provoqué par l’annonce, mais le médecin doit se montrer vigilant quant à la durée du processus. Si le déni persiste, le patient risque en effet de refuser un traitement de fond ; une aide psychologique est alors proposée.
Plusieurs études ont prouvé que le coping centré sur le problème (recherche d’informations, élaboration d’un plan d’action) diminue le niveau d’anxiété, contribue à une évolution plus favorable de la maladie et à une meilleure qualité de vie.4, 7
Un accompagnement psychologique indispensable
Anxiété et dépression sont fréquemment associées à la sclérose en plaques. Réactionnelles ou symptômes de la maladie, elles doivent être dépistées dès le diagnostic par des outils spécifiques et prises en charge pour améliorer la qualité de vie, l’adhésion au traitement et le pronostic.
Facteurs confondants : troubles cognitifs et fatigue
Une altération cognitive, le plus souvent modérée, est observée chez 30 à 70 % des patients, à tous les stades de la maladie. La vitesse de traitement correspond au domaine cognitif le plus touché. Difficultés attentionnelles (notamment de concentration), perturbation de la mémoire de travail (système permettant de conserver temporairement des informations en mémoire afin de réaliser certaines opérations mentales) et dysfonctionnement exécutif (difficultés d’inhibition, défaut de recherche stratégique…) sont aussi fréquemment présents, et peuvent impacter les capacités d’apprentissage et de mémorisation des patients. Un examen neuropsychologique peut être proposé afin de déterminer la nature de ces troubles, de mettre en place des stratégies de compensation, et d’orienter si besoin vers des séances de remédiation cognitive auprès d’un(e) orthophoniste ou d’un(e) neuropsychologue.
La fatigue est considérée comme l’un des symptômes les plus courants de la sclérose en plaques. Cette fatigue peut être physique (diminuant la tolérance à l’effort), cognitive (se traduisant par des difficultés à se concentrer et à réfléchir), psychique ou émotionnelle. La MFIS (Modified Fatigue Impact Scale), validée auprès des patients atteints de SEP, permet d’évaluer l’impact de la fatigue sur leur vie quotidienne ; et d’orienter ainsi la prise en charge. À ce jour, la fatigue primaire inhérente à la maladie est difficile à traiter : le bénéfice des traitements médicamenteux est en effet très limité. Les patients peuvent néanmoins être conseillés et accompagnés par des professionnels de santé pour diminuer cette sensation de fatigue : pratiquer une activité physique régulière, organiser sa semaine (prioriser les tâches, fractionner son travail, s’octroyer des pauses) et appliquer des techniques de gestion des émotions.