Les recommandations françaises (Société de pneumologie de langue française [SPLF] et Société pédiatrique de pneumologie et allergologie [SP2A]) sur la prise en charge de l’asthme de l’adulte ont été actualisées, avec l’objectif de répondre aux principales questions posées en médecine générale : quelle conduite diagnostique si la spirométrie n’est pas disponible ? La Ventoline a-t-elle encore une place ? Quand adresser au spécialiste ? Quelles spécificités chez la femme enceinte ? Le point avec le Pr Chantal Raherison-Semjen, service de pneumologie, CHU Guadeloupe, coordonnatrice de ces guidelines.
Pourquoi ces nouvelles recommandations ?
L’objectif était d’élaborer des recommandations collant à la pratique de la médecine générale. Pour cela, nous avons intégré dans notre groupe de travail des médecins généralistes. Avec ces recos, nous avons vraiment essayé de répondre aux questions pratiques posées en soins primaires.
Quoi de neuf dans le diagnostic ?
Jusqu’à maintenant, on partait du principe qu’il fallait toujours réaliser une spirométrie pour poser le diagnostic d’asthme. En pratique (pour des raisons liées notamment à la démographie médicale), cela n’est pas toujours possible. On a distingué de façon très pragmatique 4 situations en médecine générale : selon les symptômes, la probabilité clinique d’asthme et l’accès ou non à la spirométrie ; en découlent différentes conduites à tenir, résumées dans 4 arbres décisionnels.
Il faut retenir 2 messages importants : si la spirométrie n’est pas disponible, devant des symptômes évocateurs, on recherche une variabilité des débits expiratoires mesurés à l’aide d’un débit expiratoire de pointe. S’il y a une forte probabilité clinique (symptômes fréquents ou graves), on recommande de débuter un traitement de fond immédiatement (traitement d’épreuve) – sans attendre les explorations fonctionnelles respiratoires – pour évaluer si l’état du patient est amélioré ; une spirométrie doit être pratiquée dans les 3 mois suivants.
On insiste également sur le fait qu’il faut faire un bilan allergologique systématique chez tout asthmatique, puisque le résultat de ce dernier a un impact majeur sur le traitement : il permet de définir le phénotype allergique de l’asthme, de guider la prise en charge vers l’éviction ciblée de certains allergènes voire vers une désensibilisation, et – en cas d’asthme sévère – de faire le phénotypage et décider d’une biothérapie. Il vaut mieux avoir cette information en amont plutôt que la découvrir des années après !
Comment traiter les exacerbations d’asthme ?
Si les nébulisations de bronchodilatateurs de courte durée d’action (BDCA) ne sont pas accessibles, les sprays de BDCA délivrés avec chambre d’inhalation marchent aussi bien en termes d’amélioration de la fonction pulmonaire.
On associe une corticothérapie par voie générale, à un dosage compris entre 0,5 et 1 mg/kg par jour, sans dépasser 60 mg/j. Des doses supérieures n’ont jamais montré une meilleure efficacité, mais elles ont plus d’effets indésirables. Ce n’est pas la peine de réduire la posologie progressivement dans le cadre d’une cure courte : on prescrit une dose fixe pendant 5 à 7 jours.
Quelles nouveautés dans la stratégie thérapeutique ?
Les dernières recommandations du Global Initiative for Asthma (GINA) préconisent de ne plus utiliser les bronchodilatateurs de courte durée d’action à la demande, mais de les remplacer par des associations fixes formotérol-budésonide à la demande. Leur argument : l’utilisation de la Ventoline à la demande est un facteur de mauvais contrôle de l’asthme… En vérité, cette attitude n’est pas fondée sur un bon niveau de preuve et il n’y a pas d’alerte par la Food and Drug Administration (FDA) ni par l’Agence européenne des médicaments. Nous pensons que la Ventoline a toute sa place dans le traitement des symptômes et de la crise. Ainsi, à la différence des guidelines internationales, qui préconisent une association fixe à la demande dès le stade 1, nous recommandons un schéma classique (figure) : BDCA à la demande au stade 1 ; débuter un traitement de fond à partir du palier 2 : soit une corticothérapie inhalée à faible dose en monothérapie, soit en association fixe avec un BDLA.
Source : Réf. 3.
Quand adresser au spécialiste ?
Le médecin traitant doit envoyer au spécialiste tout patient ayant fait plus de 2 exacerbations dans les 12 derniers mois et ayant nécessité une corticothérapie générale : ces critères évoquent un asthme sévère, pour lequel une biothérapie peut être indiquée. En effet, il y a encore beaucoup trop d’asthmatiques sévères suivis en médecine générale, traités par des corticoïdes per os dont les effets indésirables ne sont pas anodins. Le spécialiste pourra explorer le phénotype de l’asthme (allergique ? éosinophilique ?) et proposer un traitement de plus en plus personnalisé. Il faut savoir que les biothérapies disponibles aujourd’hui ont un rapport bénéfices/risques très favorable : elles améliorent la qualité de vie et éliminent les crises (et le recours aux corticoïdes par voie générale).
Quels autres messages retenir ?
Le traitement durant la grossesse suscite beaucoup de questions pratiques. La prise en charge des femmes enceintes asthmatiques n’est pas optimale, et ce tout au long du parcours de soins. D’une part, les patientes ont tendance à arrêter les traitements et les médecins traitants à réduire le traitement de fond, ce qui est à l’origine d’exacerbations ; d’autres part, lors des exacerbations, les urgentistes ont des réticences à donner des corticoïdes par voie générale. Or les exacerbations sont un facteur de risque connu de complications materno-fœtales.
Ainsi, il faut rassurer les médecins traitants et les patientes : les médicaments contre l’asthme ne sont pas tératogènes, et il faut tout faire pour que l’asthme soit contrôlé au cours de la grossesse pour éviter les complications. La prise en charge est la même que celle chez les femmes asthmatiques qui ne sont pas enceintes.
Enfin, nous avons émis des conseils simples en matière d’environnement à donner aux patients : éviter – dans la mesure du possible – l’exposition au tabac, aux moisissures au domicile, à la pollution atmosphérique (trafic routier notamment) ; attention également aux expositions sur le lieu de travail, car l’asthme professionnel est sous-diagnostiqué.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
1. Raherison-Semjen C, Guilleminault L, Billiart I, et al. Mise à jour des recommandations (2021) pour la prise en charge et le suivi des patients asthmatiques adultes sous l’égide de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et de la Société pédiatrique de pneumologie et allergologie (SP2A). Version longue. Rev Mal Resp 2021;38:1048-83.
2. Raherison-Semjen C, Guilleminault L, Billiart I, et al. Mise à jour des recommandations (2021) pour la prise en charge et le suivi des patients asthmatiques adultes sous l’égide de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et de la Société pédiatrique de pneumologie et allergologie (SP2A). Version courte. Rev Mal Resp 2021;38:e1-13.
3. Erratum à « Mise à jour des recommandations (2021) pour la prise en charge et le suivi des patients asthmatiques… » [Rev Mal Respir 38 (2021) e1–e13]