En 2019, le consortium international du Global Initiative for Asthma (GINA) a proposé des modifications de prise en charge,1 incluant notamment la possibilité d’associer corticoïde inhalé + formotérol à la demande dans l’asthme léger à modéré chez l’adulte et l’adolescent. Ces recommandations ont été parfois mal interprétées. Notamment, les bronchodilatateurs de courte durée d’action (BDCA), traitement de secours, ont été considérés à tort comme ne faisant plus partie de l’arsenal thérapeutique.

Principaux changements

De nombreux asthmatiques ayant des symptômes intermittents prennent uniquement un BDCA à la demande, palier 1 des anciennes recommandations.
Actuellement, il est proposé que tous les asthmatiques symptomatiques aient un traitement anti-inflammatoire par corticostéroïde inhalé (CSI), dès le diagnostic, quelle que soit leur sévérité. Trois stratégies sont possibles (tableau) :
– dose fixe et faible d’un CSI seul pris quotidiennement, associé à un BDCA à la demande (salbutamol ou terbutaline) si symptômes ;
– association fixe d’un CSI à faible dose + formotérol, pris à la demande lors de symptômes ;
– CSI à faible dose pris à la demande, chaque fois qu’un BDCA est nécessaire.
En cas d’échec, le traitement sera intensifié selon les paliers déjà connus (figure), notamment via le recours aux associations CSI + BDLA à doses fixes.

CSI à la demande : pourquoi ?

L’hyperréactivité bronchique – toux, dyspnée et sifflements– est la manifestation d’une inflammation locale mal contrôlée. Un patient qui utilise des BDCA a donc besoin d’un traitement anti-inflammatoire. La notion d’asthme léger est en effet faussement rassurante, car ces sujets font tout de même des exacerbations, dont certaines peuvent être graves, voire mortelles, notamment si le malade est mal entraîné à reconnaître ses symptômes et n’a pas de plan d’action. L’observance du CSI est médiocre dans l’asthme, surtout dans les formes modérées, car s’astreindre à une prise quotidienne peut être difficile pour les patients peu gênés, aux symptômes intermittents (uniquement en saison pollinique par exemple).
La majoration symptomatique précède le diagnostic d’exacerbation de plusieurs jours, période au cours de laquelle l’intensification de la thérapie anti-inflammatoire pourrait éviter le recours aux corticoïdes oraux. Une stratégie de prise de CSI après chaque administration de BDCA a déjà été évaluée à plusieurs reprises.2 Cependant, l’inconvénient évident est l’utilisation en parallèle de 2 dispositifs d’inhalation différents et le risque de sous-utilisation du CSI, une fois le patient soulagé par le BDCA.
Ces constats ont conduit à évaluer la nouvelle stratégie associant formotérol et budésonide à doses fixes : le patient est soulagé par la prise de formotérol, qui a la particularité d’être très rapidement bronchodilatateur, et en même temps (dans le même dispositif), il prend une dose de CSI, qui sera proportionnelle à l’importance des symptômes.

Limites de CSI + formotérol à la demande ?

Cette stratégie qui n’a pas actuellement l’AMM en France a fait l’objet de réserves de la part de la Société de pneumologie de langue française.3 Elle a été évaluée par 2 essais industriels, SYGMA 1 et 2,4, 5 et 2 essais académiques, Novel START et PRACTICAL,6, 7 uniquement avec l’asso­ciation budésonide 200 µg-formotérol délivrée par un dispositif à poudre sèche (Symbicort Turbuhaler). Si le GINA a étendu la possibilité d’utiliser d’autres associations fixes CSI + formotérol, cela n’a pas été validé. Globalement, le taux d’exacerbation est comparable à celui de la modalité classique de budésonide à dose fixe (taux annuel d’exacerbation de 0,07 vs 0,09, pour SYGMA 1, proportion de patients en ayant fait une : 8,5 vs 8,8 %, pour SYGMA 2), mais le niveau de contrôle et la fonction respiratoire sont moins bons dans le groupe « à la demande » dans les études SYGMA. En revanche, la stratégie « à la demande » permet de réduire la consommation annuelle de CSI. Elle n’a pas été évaluée au plan pharmaco-économique.
Cette stratégie, en apparence facile à prescrire et à prendre, ne dispense pas d’explications : enseignement de la manipulation du dispositif, identification des symptômes devant déclencher la prise, plan d’action si exacerbation. En pratique, le concept « si besoin » est parfois difficile à comprendre pour les patients. Les manifestations de la maladie diffèrent selon les cas, mais la toux, l’oppression thoracique, les sifflements sont également des symptômes qui requièrent un traitement. L’écueil le plus évident de ce type de prescription est la sous- utilisation de la thérapeutique que les patients risquent de réserver, dans un souci d’épargne médicamenteuse, uniquement aux symptômes ressentis comme sévères et aux exacerbations avancées, d’où un possible échec de la stratégie. Enfin, une prise quotidienne de plus de 8 bouffées de CSI-formotérol à la demande doit faire suspecter une exacerbation et discuter la prise de corticoïdes oraux.

Dire adieu à la Ventoline ?

Ce serait une bien grossière erreur ! Il faudrait plutôt dire « bonjour les corticoïdes inhalés » ! Bien évidemment, la possibilité d’une prescription de CSI à la demande n’invalide pas la stratégie classique de CSI à doses fixes et de BDCA à la demande. Chez les patients qui utilisent et maîtrisent cette modalité et en sont satisfaits, il n’y a aucune raison de la modifier. De même, ceux ayant un asthme modéré ou sévère et recevant en traitement de fond une association fixe d’un CSI à dose moyenne ou forte (plus de 400 µg/j de budésonide, plus de 250 µg/j de fluticasone, plus de 160 µg/j de ciclésonide, plus de 220 µg/j de mométasone, plus de 200 µg/j de béclométasone) et d’un BDLA, doivent continuer d’utiliser le salbutamol ou la terbutaline en cas de symptômes car l’augmentation transitoire des doses « suprafortes » de CSI n’apporte aucun bénéfice clinique. Les BDCA restent bien sûr la référence dans l’urgence en cas d’exacerbation sévère.

Références

1. Boulet LP, Reddel HK, Bateman E, Pedersen S, FitzGerald JM, O’Byrne PM. The Global Initiative for Asthma (GINA): 25 years later. Eur Respir J 2019;54:1900598.
2. Rodrigo GJ, Castro-Rodríguez JA. Daily vs. intermittent inhaled corticosteroids for recurrent wheezing and mild persistent asthma: a systematic review with meta-analysis. Respir Med 2013;107:1133‑40.
3. Raherison C, Deschildre A, Garcia G, et al. Management of mild asthma in 2019-2020: What about new international therapeutic proposals (GINA 2019)? Rev Mal Respir 2020 [ahead of print].
4. O’Byrne PM, FitzGerald JM, Bateman ED, et al. Inhaled Combined Budesonide-Formoterol as Needed in Mild Asthma. N Engl J Med 2018;378:1865‑76.
5. Bateman ED, Reddel HK, O’Byrne PM, et al. As-Needed Budesonide-Formoterol versus Maintenance Budesonide in Mild Asthma. N Engl J Med 2018;378:1877‑87.
6. Hardy J, Baggott C, Fingleton J, et al. Budesonide- formoterol reliever therapy versus maintenance bude­sonide plus terbutaline reliever therapy in adults with mild to moderate asthma (PRACTICAL): a 52-week, open- label, multicentre, superiority, randomised controlled trial. Lancet 2019;394:919‑28.
7. Beasley R, Holliday M, Reddel HK, et al. Controlled Trial of Budesonide-Formoterol as Needed for Mild Asthma. N Engl J Med 2019;380:2020‑30.

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essentiel

Les corticoïdes inhalés doivent être prescrits dès le diagnostic d’asthme, pour éviter les exacerbations.

Dans les formes légères, les médecins doivent s’approprier différentes stratégies, le plan d’action d’urgence doit être adapté à chacune d’elles.

Le choix d’un CSI fixe ou à la demande dépend de la sévérité et de la préférence du patient.

L’importance du traitement anti-inflammatoire est un message important à transmettre.