Pourquoi des recommandations spécifiques à l’adolescent ?
Il était important d’élaborer des recommandations tenant compte des particularités de cette tranche d’âge, à la transition entre l’enfance et l’âge adulte, caractérisée par des changements physiologiques (puberté), émotionnels, cognitifs et sociaux, avec un impact sur les manifestations et la prise en charge de l’asthme.
Que devient l’asthme à la puberté ?
On dit souvent que l’asthme disparaît lors de la puberté, mais c’est un message erroné ! Les enfants asthmatiques deviennent généralement des adolescents asthmatiques ; l’enfant grandit avec son asthme, qui reste plus ou moins sévère, il faut donc assurer la continuité de la prise en charge. Cependant, les manifestations cliniques peuvent changer, et certains symptômes peuvent apparaître, liés à l’anxiété notamment, comme l’hyperventilation, qui est assez fréquente à cet âge, ou plus rarement des syndromes de dysfonction respiratoire comme la dyskinésie des cordes vocales. Ainsi, devant un adolescent ayant des symptômes qui évoquent un asthme non contrôlé, il faut s’assurer que c’est bien le cas et qu’il ne s’agit pas de nouvelles manifestations associées.
Quelles autres particularités ?
À l’adolescence peuvent apparaître des comorbidités, qu’il faut rechercher en consultation : difficultés psychologiques, surpoids, mais aussi entrée dans le tabagisme et d’autres addictions. Il se pose également la question de l’orientation professionnelle : le médecin peut alors guider le jeune pour qu’il évite de choisir une carrière susceptible de le mettre en difficulté sur le plan respiratoire.
C’est le moment où on passe progressivement d’un suivi pédiatrique, du couple parent/enfant, vers une relation de face à face soignant/ado. L’observance n’étant pas optimale à cet âge (les ados ne prennent pas rigoureusement leurs traitements inhalés, s’exposant donc au risque de crise et de recours à la corticothérapie générale), il faut insister particulièrement sur l’importance de la continuité du traitement de fond et essayer d’engager l’adolescent dans une démarche d’observance et au besoin d’éducation thérapeutique.
Au niveau thérapeutique, quels changements ?
La prise en charge par paliers est synthétisée dans le tableau ci-contre.
Pour le palier 1 – asthme très peu symptomatique (symptômes ou recours au traitement de secours < 2 fois par mois sur les derniers mois, aucune crise sévère au cours des 12 derniers mois et EFR normale), on recommande les BDCA à la demande.
Les adolescents dont l’asthme est symptomatique, c’est à dire des symptômes ou des besoins en traitement de secours ≥ à 2 par mois sur les derniers mois ou partiellement ou non contrôlé sans traitement de fond, ou présentant des facteurs de risque de crise (v. encadré), ont un asthme justifiant la mise en œuvre d’un traitement de fond, au minimum par CSI à faible dose (palier 2). En cas de crise, le recours aux BDCA à la demande.
Désormais, à partir du palier 3, comme alternative aux BDCA à la demande en traitement de secours, l’association budésonide (dose faible)-formotérol en traitement de fond et de secours peut être recommandée en première intention, chez les patients qui maîtrisent l’utilisation d’un système à poudre (un seul dispositif pour le traitement de fond et de la crise). Toutefois, il faut savoir que cette utilisation du traitement combiné demande une éducation particulière, et impose la rédaction d’un protocole précisant les situations dans lesquelles cette stratégie s’applique et les circonstances justifiant une consultation en urgence. En effet, lorsque le patient a un traitement de secours différent (la Ventoline), il sait automatiquement qu’il se trouve « en zone d’alerte » ; cela est moins évident s’il utilise le même dispositif, avec un risque de consommation avant de consulter.
Dans le GINA, le traitement combiné est recommandé aussi dans l’asthme léger à partir de 12 ans…
Oui mais à la différence du GINA, nous n’avons pas souhaité généraliser le traitement combiné dans l’asthme léger (en traitement à la demande), pour plusieurs raisons : absence de travaux spécifiques chez l’adolescent, résultats peu convaincants notamment sur la fonction respiratoire, absence d’AMM dans cette indication, système d’inhalation à poudre nécessitant une bonne maîtrise de la technique.
Quand adresser au spécialiste ?
En l’absence de contrôle malgré une augmentation du traitement de fond (palier 3 puis 4), il faut adresser à un spécialiste pour affiner la démarche diagnostique (identification d’un diagnostic différentiel ou d’un facteur de risque de non contrôle /confirmation du diagnostic d’asthme sévère) ; s’il agit d’un asthme sévère résistant aux traitements, les adolescents peuvent bénéficier de stratégies nouvelles, notamment les biothérapies ; l’omalizumab est la molécule pour laquelle nous avons le plus de recul et notamment de données d’efficacité et de sécurité chez l’adolescent. Il est recommandé de discuter le choix de la biothérapie en traitement additionnel au cas par cas, après confirmation du diagnostic d’asthme sévère et selon ses caractéristiques, en centre expert et au mieux au cours d’une réunion de concertation pluridisciplinaire.
Que dire sur l’activité physique ?
C’est un point très important puisque la sédentarisation entraîne certains symptômes au moment de l'effort (mauvaise adaptation, déconditionnement) et peut aussi participer à la prise de poids. Il faut encourager les adolescents à pratiquer de l’activité physique, à trouver un sport adapté et les aider à gérer d’éventuels symptômes induits par l’effort.
Alors que les parents demandent souvent la prescription d’une dispense du sport, il faut donner deux messages :
1) la meilleure façon de ne pas être gêné est de bien prendre son traitement de fond ;
2) prévenir en encadrant la pratique du sport par la prise d'un BDCA juste avant la séance.
Si besoin, on peut orienter les jeunes vers des programmes de remise à l’effort afin qu’ils retrouvent un bon confort respiratoire au moment de la pratique de l’activité physique.
Si besoin, on peut orienter les jeunes vers des programmes de réentraînement à l’effort afin qu’ils retrouvent le bon confort respiratoire au moment de la pratique de l’activité physique.
Facteurs de risque de crises d’après le GINA (ginasthma.org)
Persistance des symptômes :
- Asthme non contrôlé
- ≥ 1 crise sévère au cours des 12 derniers mois
Anomalies fonctionnelles :
- VEMS pré-bronchodilatateur < - 1,64 z-score
- Réversibilité du VEMS
Comorbidités :
- Allergiques : allergie alimentaire IgE médiée, rhino-conjonctivite allergique
- Non allergiques : obésité, rhino-sinusite, reflux gastro-œsophagien, syndrome d’hyperventilation, dyskinésie des cordes vocales, SAOS
Traitement inadéquat :
- Observance, technique d’inhalation incorrectes
- Posologie des CSI inadaptée, utilisation importante des traitements de secours
Expositions persistantes :
- Allergéniques en cas de sensibilisation
- Tabagisme, moisissures, pollution
Antécédents :
- Hospitalisation aux soins intensifs, en réanimation ; intubation
- VEMS : volume expiré maximal en 1 seconde ; SAOS : syndrome apnées obstructives du sommeil ; CSI : corticostéroïdes inhalés