L’asthme, maladie hétérogène, touche 334 millions de patients dans le monde. Sa sévérité est jugée sur l’importance des symptômes, la fonction respiratoire et la charge thérapeutique nécessaire. Son efficacité évaluée lors de chaque consultation peut être très variable dans le temps. Environ 3,5 à 5 % des patients restent non contrôlés par les thérapeutiques classiques à fortes doses et une gestion jugée optimale par un spécialiste :1 ils sont atteints d’une forme sévère.
À distinguer d’un asthme difficile, mal contrôlé en raison d’une mauvaise observance, d’une technique d’inhalation inadéquate ou de l’absence de prise en charge des facteurs aggravants. Bien que touchant une faible proportion de patients, l’asthme sévère est à l’origine de 50 % des dépenses liées à la maladie (19 milliards par an en Europe). Cet important surcoût a polarisé les efforts de recherche conduisant à l’émergence de thérapeutiques immuno- logiques ciblées.

Qu’est-ce que l’asthme sévère ?

Cette forme rare n’est pas uniquement liée à l’intensité des symptômes. C’est un diagnostic d’élimination, souvent long à poser.1 L’éviction et le traitement des éléments favorisants ou des facteurs de risque d’exacerbation, partie la plus difficile de la prise en charge, implique MG, pneumologue, ORL, allergologue, psychiatre, infirmière, psychologue, assistant social, conseiller médical en environnement.1 Ces facteurs sont multiples et variés : exposition à des allergènes ou à des irritants professionnels ou ménagers (tabagisme…), rhinosinusite chronique, anxiété, dépression, obésité, infections respiratoires, syndrome d’hyperventilation, observance médiocre ou encore mauvaise technique d’inhalation.
La prise en charge ambulatoire peut se révéler complexe et chronophage. Plusieurs centres experts français animent des réunions de concertation d’asthme (RCA) dédiées. Un bilan complet en hôpital de jour est souvent nécessaire pour identifier et prendre en charge l’ensemble des éléments aggravants. C’est un temps privilégié pour refaire un point sur l’éducation thérapeutique. Enfin, au terme d’un bilan exhaustif, on caractérise le phénotype et l’endotype pour proposer un traitement personnalisé ou l’inclusion dans un essai thérapeutique.

Du phénotype à l’endotype

Plusieurs travaux ont révélé des liens entre le phénotype clinique et les mécanismes cellulaire et moléculaire impliqués (endotype), aboutissant à l’identification de diverses cibles thérapeutiques. Il est possible que chez un même patient la voie inflammatoire prédominante puisse varier en fonction d’événements intercurrents.
L’asthme allergique est le phénotype le plus facilement reconnu. Débutant souvent dans l’enfance, il est associé à des antécédents personnels ou familiaux d’eczéma, rhinite allergique ou allergie alimentaire. Il répond habituellement bien à la corticothérapie inhalée. Une éosinophilie bronchique et parfois sanguine, est souvent retrouvée.
Principales cytokines impliquées : IL-4, IL-5 et IL-13. L’IL-4 et l’IL-13 favorisent le développement de l’atopie en stimulant spécifiquement la production d’IgE par les lymphocytes B et participent au recrutement des éosinophiles. L’IL-5 est le facteur de croissance, de différenciation et de recrutement des éosinophiles. L’IL-13 agit directement sur les cellules épithéliales bronchiques et le muscle lisse bronchique, et provoque une hyper- sécrétion de mucus.
L’asthme éosinophilique non allergique débute en général plus tard, souvent accompagné d’une polypose nasosinusienne.
Malgré l’absence d’allergie identifiée, les marqueurs Th2 sont retrouvés : IL-4, IL-5 et IL-13, infiltration éosinophilique et activation des mastocytes au niveau de la muqueuse bronchique mais aussi augmentation des IgE totales.
Cet endotype sensible aux corticoïdes inhalés (CI) requiert plus fréquemment des cures de corticothérapie orale.
L’asthme non Th2 neutrophilique, moins bien décrit, est médié en partie par les lymphocytes Th17 secrétant cette cytokine. Classiquement peu corticosensible, il peut être déclenché par l’inhalation d’allergènes ou d’irritants bronchiques : fumée de cigarette, pollution atmosphérique, particules virales. Il est décrit chez les patients obèses.

Biothérapies : quels bénéfices ?

Exclusivement réservés aux asthmes sévères, ce sont 1 anti-IgE et 2 anti-IL-5.
Anti-IgE, l’omalizumab (Xolair) est le premier anticorps monoclonal ayant eu l’AMM dans l’asthme. Cet anticorps humanisé se fixe spécifiquement sur les IgE sériques libres, empêchant leur liaison aux récepteurs de haute affinité exprimés à la surface des mastocytes et les basophiles.
Il est indiqué à partir de 6 ans dans l’asthme atopique (défini par des symptômes évocateurs d’une allergie, confirmé par la positivité d’une IgE spécifique ou des prick tests cutanés positifs) sévère, non contrôlé malgré des CI à forte dose et un bronchodilatateur de longue durée d’action (BDLA) avec un taux d’IgE totales comprises entre 30 et 1 500 UI/mL. Plusieurs essais contrôlés randomisés en double aveugle versus placebo ont démontré son efficacité sur les exacerbations, le contrôle de la maladie, la réduction de la corticothérapie. Chez 246 asthmatiques sévères, l’injection sous-cutanée toutes les 4 semaines a permis de diminuer la dose de CI.2 Dans une étude plus récente chez 850 malades, la prise d’omalizumab pendant 48 semaines était associée à une diminution du nombre d’exacerbations de 25 % et une amélioration de la qualité de vie.3
Le profil de tolérance est bon. Comme tout anticorps monoclonal, il induit de très rares réactions anaphylactiques, touchant moins de 0,2 % des patients. Cela justifie la surveillance médicale lors des 2 premières injections.
Parmi les anticorps monoclonaux ciblant l’IL-5 : mépolizumab et benralizumab sont actuellement commercialisés, le reslizumab ne l’est pas pour l’instant.
L’intérêt du mépolizumab (Nucala) dans l’asthme sévère à éosinophiles a été démontré par plusieurs essais contrôlés et randomisés. L’un d’eux a inclus 621 asthmatiques mal contrôlés par l’utilisation quotidienne d’au moins 880 µg par jour de fluticasone ± une corticothérapie orale en plus d’un BDLA et ayant fait 2 exacerbations sévères dans l’année.4 Les patients étaient définis comme « éosinophiles » par un taux dans l’expectoration > 3 % ou plus 300 PNE/mm3 dans le sang dans les 12 mois précédents ou 150/mm3 à l’inclusion. L’injection de mépolizumab était associée à une baisse de la fréquence des exacerbations de 52 %. Chez des patients corticodépendants,5 le mépolizumab administré par voie sous-cutanée tous les mois pendant 20 semaines permettait dans 75 % des cas une baisse de la dose de corticoïdes 2,4 fois plus importante que le placebo, et une diminution médiane de 50 % de la corticothérapie orale. Cette molécule pourrait avoir également un effet sur la polypose nasosinusienne, souvent associée à l’asthme éosinophile.6 Dans toutes ces études, le profil de tolérance était similaire à celui du placebo. AMM chez l’adulte : traitement additionnel (100 mg/mois) de l’asthme sévère réfractaire à éosinophiles, défini par une éosinophilie sanguine > 300/mm3.
Une allergie, quand elle est associée à une éosinophilie sanguine, ou l’échec d’un traitement préalable par omalizumab, ne semble pas modifier la réponse au mépolizumab. Les 2 premières injections doivent être réalisées sous surveillance médicale.
Le benralizumab (Fasenra), anticorps monoclonal humanisé, cible le récepteur de l’IL-5. Deux essais de phase III ont confirmé son efficacité dans l’asthme sévère avec plus de 300 éosinophiles/mm3 : baisse de plus de 50 % de la fréquence annuelle des exacerbations, amélioration du VEMS et diminution de l’intensité des symptômes respiratoires.7 Administré par voie sous-cutanée, son effet dans le temps rend possible l’espacement des injections toutes les 8 semaines. Il permet de sevrer 52 % des corticodépendants, versus 19 % avec le placebo.
La dose de corticoïdes oraux à la fin de l’étude était réduite de 75 % dans le groupe traité contre 25 % sous placebo. La proportion de non répondeurs était de 21 %.8
Le reslizumab (Cinquaero), autre anti- corps monoclonal ciblant l’IL-5, a fait l’objet de 2 essais contrôlés randomisés versus placebo chez plus de 900 asthmatiques non contrôlés sous moyenne ou forte dose de CI. Le seuil d’éosinophiles à l’inclusion était fixé à 400/mm3. Le reslizumab était administré par voie IV (3 mg/kg) tous les mois pendant 1 an. Les résultats sont similaires à ceux observés avec le mépolizumab : baisse > 50 % des exacerbations versus placebo.9

Surveillance après initiation

Le médecin traitant joue un rôle central dans l’évaluation de l’observance thérapeutique et de la réponse au traitement.
Cette évaluation doit être faite à cha- que consultation, en s’aidant notamment de scores (ACT ou ACQ). L’absence d’efficacité d’une biothérapie doit d’abord conduire à vérifier la bonne observance puis à réfléchir à un éventuel switch thérapeutique.
Références
1. Chung KF, Wenzel SE, Brozek JL, et al. International ERS/ATS guidelines on definition, evaluation and treatment of severe asthma. Eur Respir J 2014;43:343-73.
2. Corren J, Casale TB, Lanier B, Buhl R, Holgate S, Jimenez P. Safety and tolerability of omalizumab. Clin Exp Allergy 2009;39:788-97.
3. Hanania NA, Alpan O, Hamilos DL, et al. Omalizumab in severe allergic asthma inadequately controlled with standard therapy: a randomized trial. Ann Intern Med 2011;154:573-82.
4. Pavord ID, Korn S, Howarth P, et al. Mepolizumab for severe eosinophilic asthma (DREAM): a multicentre, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2012; 380:651-9.
5. Ortega HG, Liu MC, Pavord ID, et al. Mepolizumab treatment in patients with severe eosinophilic asthma. N Engl J Med 2014;371:1198-207.
6. Gevaert P, Van Bruaene N, Cattaert T, et al. Mepolizumab, a humanized anti-IL-5 mAb, as a treatment option for severe nasal polyposis. J Allergy Clin Immunol 2011;128:989-95.e1-8.
7. Ortega HG, Liu MC, Pavord ID, et al. Mepolizumab treatment in patients with severe eosinophilic asthma.Engl J Med 2014;371:1198-207.
8. Nair P, Wenzel S, Rabe KF, et al. Oral Glucocorticoid-Sparing Effect of Benralizumab in Severe Asthma. N Engl J Med 2017;376:2448-58
9. Bjermer L, Lemiere C, Maspero J, et al. Reslizumab for Inadequately Controlled Asthma With Elevated Blood Eosinophil Levels: A Randomized Phase 3 Study. Chest 2016;150:789-98.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés
essentiel

De nouvelles biothérapies sont réservées exclusivement aux asthmes sévères, non contrôlés malgré une prise en charge médicale optimale.

Xolair, Nucala et Fasenra sont disponibles. Cibles : les phénotypes allergique et/ou éosinophile.

Le médecin traitant peut s’appuyer sur des centres experts, recours déterminant pour le diagnostic et le traitement personnalisé lors de RCA régionales dédiées.