Le fait que près de la moitié des patients hospitalisés pour Covid sont vaccinés est utilisé comme argument pour discréditer la vaccination. En complément au papier de Catherine Hill, interprétant les derniers chiffres français, le Pr Élie Cogan (Université libre de Bruxelles) propose une analyse graphique permettant de bien visualiser le risque encouru par les non vaccinés ainsi que l’intérêt d’une dose de rappel. Indispensable pour répondre aux questions de vos patients !

Dans un article intitulé « Autant de vaccinés que de non vaccinés à l’hôpital ? », Catherine Hill, épidémiologiste à l’Institut Gustave Roussy, met en perspective les derniers chiffres communiqués par la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) concernant les admissions en soins intensifs et les décès en fonction du statut vaccinal.

Les non vaccinés ou partiellement vaccinés contre le Covid représentent 52 % des patients hospitalisés dans les unités de soins intensifs. Le fait que près de la moitié des patients hospitalisés en réanimation sont vaccinés est utilisé par les vaccinosceptiques et antivax pour discréditer la vaccination et en contester l’efficacité.

C. Hill, à juste titre, insiste, graphique à l’appui, sur le fait qu’il existe en réalité une surreprésentation des non vaccinés dans les unités de réanimation (52 %) et dans les décès (45 %) par rapport à la population générale (12 %).

 

Une approche plus parlante

Une manière plus explicite de représenter le risque réel d’être hospitalisé ou de décéder d’une infection par le SARS-CoV-2 est de montrer le nombre de patients hospitalisés ou décédés par rapport à la population dont ils sont issus (vaccinés complètement avec rappel, vaccinés 2 doses de plus de 6 mois, vaccinés 2 doses de moins de 6 mois et non vaccinés ou partiellement vaccinés, v. tableau 1, annexe en bas de page).

Cette approche permet de mieux visualiser le risque encouru par les non vaccinés ainsi que l’intérêt d’une dose de rappel (figure 1).

Le risque d’hospitalisation en soins intensifs ou de décès peut être calculé selon le quotient entre non vaccinés et chacune des catégories de vaccinés. C’est ainsi que le risque d’hospitalisation en soins intensifs des non vaccinés est 10 fois supérieur à celui des vaccinés avec un schéma complet depuis moins de 6 mois.

Il y a une perte de protection significative pour les vaccinés de plus de 6 mois sans rappel tant pour les hospitalisations en soins intensifs que pour les décès. En revanche, la dose de rappel permet de retrouver une diminution de risque de 13 fois pour l’hospitalisation et de plus de 5 fois pour les décès.

Figure 1

Figure 1. Impact du statut vaccinal sur le risque d’hospitalisation en soins intensifs et la mortalité par Covid-19.

D’après les données de la DREES, population de 20 ans et plus, données du 25 octobre au 21 novembre 2021

VC&R : vaccination complète et rappel ; VC < 6 mois : vaccination complète, moins de 6 mois, sans rappel ; VC > 6 mois : vaccination complète, plus de 6 mois, sans rappel ; NV : non vaccinés ou partiellement vaccinés. Les colonnes représentent le nombre d’individus concernés rapportés à 100 000 individus de la même catégorie.

 


Calcul du risque d’une personne non vaccinée

Le risque d’être hospitalisé pour Covid pour une personne non vaccinée (R) peut être calculé à partir du pourcentage de personnes vaccinées hospitalisées (HpV) et du taux de vaccination pour chaque population concernée (PopV) selon l’équation 1 :

? = (100 ???? – ?p? ∗????) / (100 ?p? – ?p? ∗????)

Une autre manière d’apprécier la protection conférée par la vaccination est de considérer le risque d’être hospitalisé pour Covid pour une personne non vaccinée en fonction de la couverture vaccinale.

L’indice de protection contre une forme grave de Covid et une hospitalisation est lié au pourcentage de la population vaccinée. Plus la couverture vaccinale est élevée, plus l’indice de protection des personnes vaccinées sera important.

Le calcul de cet indice est fondé sur l’observation du pourcentage de sujets vaccinés parmi les hospitalisés. Il est donc possible de dériver des équations liant l’indice de protection à la couverture vaccinale pour différents pourcentages de vaccinés hospitalisés (v. annexe en bas). Les équations dérivées sont reprises dans le tableau 2 en annexe et les courbes correspondantes dans la figure 2.

 

Figure 2

Figure 2. Indices de protection de la vaccination en fonction de la couverture vaccinale de la population

 

Chaque couleur correspond au pourcentage de patients vaccinés parmi les patients hospitalisés. À titre d’exemple, le symbole carré rouge correspond à une situation proche de la situation actuelle, à savoir 78 % de couverture vaccinale effective (somme des vaccinations complètes avec rappel et vaccination complète de moins de 6 mois) et constat d’un taux de 32 % de patients hospitalisés vaccinés. Le report sur l’axe des ordonnées indique un risque environ 10 fois plus important pour les personnes non vaccinées.

L’utilité de la figure 2 est également de constituer un signal d’une perte de protection de la vaccination. L’exemple de l’accroissement des hospitalisations en Israël 6-7 mois après le début de la vaccination peut être intégré dans la figure 2.

Considérons le taux de vaccination de l’ordre de 70 % avec, pendant les premiers mois, une chute drastique des hospitalisations des patients vaccinés qui ne représenteraient que 10 % des patients hospitalisés (courbe rose 10 %) ; alors que le taux de vaccination reste inchangé, on remarque que le pourcentage des patients hospitalisés vaccinés passe à 30 %. Le graphique permet donc de déduire que l’indice de protection de la vaccination, qui était de 21 fois, passe à 5 fois. Cette réduction de la protection a justifié l’administration d’une dose booster de vaccin avec un effet rapide sur l’indice de protection.


Limites de cette approche

Ces courbes de risque devraient idéalement être calculées par tranche d’âge et par comorbidité.

L’évolution actuelle des chiffres indique que le bénéfice le plus significatif concerne les patients âgés de plus de 60 ans, ainsi que cela a été repris récemment dans LaRevue du Praticien.1

Il s’agit aussi d’identifier le nombre de comorbidités, tant chez les vaccinés que chez les non vaccinés hospitalisés en unité de soins intensifs voire décédés.

La réalité du terrain suggère que les sujets vaccinés décédés ou hospitalisés en soins intensifs ont quasiment tous au moins une comorbidité.

 

Annexe. Tableau 1.

Tableau 1

* La résolution de l’équation 1 pour chaque valeur de HpV donne une équation du type :

? = ? ∗????/(? – ? ∗ ????)

où a, b et c sont des constantes déduites de HpV.

a = (100-HpV)/10

b = 10 * HpV

c = HpV/10

 

Annexe. Tableau 2

Tableau 2

 

 

Pr Élie Cogan, hôpital Delta (CHIREC), professeur émérite de médecine interne, Université libre de Bruxelles