L’automesure tensionnelle (AMT) se définit par la mesure consciente et volontaire de la pression artérielle par le patient lui-même.

Ce n’est pas nouveau !

Les premiers résultats des mesures de la pression artérielle à domicile à l’aide d’un appareil semi-automatique ont été publiés en 1971.
Il a fallu attendre 1997 pour démontrer que les résultats des AMT réalisées à l’aide de tensiomètres oscillométriques automatiques sont comparables à ceux des mesures réalisées à l’aide de tensiomètres anéroïdes et d’un stéthoscope, chez des patients parfaitement formés à l’utilisation de ces appareils.
Fin 2005, la Haute Autorité de santé (HAS) actualise ses recommandations pour la prise en charge des adultes atteints d’hypertension artérielle (HTA) essentielle. Pour la première fois, dans des recommandations internationales, l’automesure devient un élément central de cette prise en charge : automesure pour s’assurer de la permanence de l’HTA avant de débuter un traitement, automesure dans l’HTA résistante et dans l’évaluation thérapeutique anti­hypertensive.
Actuellement, les sociétés savantes inter­nationales sont unanimes et recommandent l’AMT pour le diagnostic et le suivi de tous les patients hypertendus (sauf HTA sévère).1,2

Pourquoi est-elle incontournable ?

Il est maintenant démontré que l’auto­mesure tensionnelle est plus rentable que la mesure de consultation.

Moins variable

La mesure de la pression artérielle en consultation est une mesure unique, variable, sous la dépendance de nombreux paramètres. Sa reproductibilité est donc faible.
L’automesure, en multipliant les données et en standardisant la méthode, diminue de manière importante cette variabilité. L’AMT permet ainsi de poser le diag­nostic d’HTA par effet « blouse blanche » (PA élevée en consultation mais normale à domicile), habituellement de bon pronostic, et celui d’HTA masquée (PA normale en consultation mais élevée en AMT) de pronostic comparable à celui d’une HTA permanente.2

Plus efficace…

L’AMT est associée à une augmentation du nombre de médicaments prescrits, à une diminution de l’inertie thérapeutique et, de manière moins univoque, à une meilleure observance.
Chez les patients à haut risque cardiovasculaire, l’automesure avec autotitration du traitement s’accompagne d’un bénéfice tensionnel à douze mois.3

... même au long cours

L’intérêt de l’AMT repose aussi sur sa faisabilité au long cours, permettant d’adapter le traitement antihyper­tenseur. Différentes études et méta-­analyses4 concluent le plus souvent à une diminution de la pression artérielle obtenue dans le groupe suivi par auto­mesure (versus prise en charge classique) et qui est maintenue à long terme. Cette efficacité paraît plus importante lorsque l’automesure tensionnelle est utilisée avec des supports complémentaires (pharmacie, télétransmission, éducation thérapeutique, supports écrits ou par courrier, contacts téléphoniques ou par internet…).

Pour une meilleure qualité de vie

Tout ceci est obtenu sans majoration des effets indésirables ni de l’anxiété, sans augmentation du nombre de consultations et sans nécessité d’un suivi plus strict des règles hygiéno-diététiques.
Une amélioration de la qualité de vie (évaluation par questionnaire) est retrouvée, ainsi qu’un bénéfice en termes de coût-efficacité par rapport au suivi de consultation classique.

Mieux que la MAPA ?

Il peut exister une discordance entre l’auto­mesure et la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA), mais il n’existe pas encore d’études permettant de démontrer la supériorité d’une technique par rapport à l’autre. En revanche, il est certain que l’AMT est mieux acceptée que la MAPA, souvent mal tolérée, en particulier la nuit.

Selon quelles modalités ?

Si l’intérêt de l’automesure est maintenant clairement démontré et que son utilisation est recommandée par toutes les sociétés françaises et internationales d’HTA, encore faut-il que les patients la réalisent correctement.

Outils disponibles ou à venir

En 2020, d’après l’enquête FLAHS (French League Against Hypertension Survey, menée par le Comité français de lutte contre l’hypertension artérielle [CFLHTA] et la Fondation de recherche sur l’HTA [FRHTA]), 9,6 millions de Français possèdent un appareil d’automesure à domicile. Cela représente 50 % des patients hypertendus traités (contre 36 % en 2010).
 

Disponibles aujourd’hui

La commercialisation d’appareils automatiques homologués pour un coût entre 30 et 100 euros permet une utilisation accessible.
Des appareils connectés à un smartphone permettent l’enregistrement et la télétransmission, voire l’interprétation, des résultats.
Plusieurs applications ou sites internet proposent d’aider le patient dans le choix et l’utilisation de l’appareil, et analysent les résultats des mesures effectuées : depistHTA, SuiviHTA, Hy-Result, auto­mesure.com, site du CFLHTA, site de la FRHTA…
 

Et bientôt ?

De nouveaux appareils d’automesure permettront bientôt de mesurer la pression artérielle nocturne à l’instar de la MAPA sur vingt-quatre heures.
Enfin, des appareils sans brassard mesurant la pression artérielle à partir de l’onde de pouls artériel sont en développement mais ils sont encore en cours de validation.

Recommandations pour le patient

Le médecin étant (malheureusement) rarement prescripteur du type d’appareil et de son utilisation, les résultats apportés par le patient non formé au préalable sont souvent difficilement interprétables.
Or, après une éducation thérapeutique, il est montré que 98 % des patients avec une HTA résistante fournissent des résultats analysables.5
 

Avec quels appareils ?

L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (devenue depuis l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé [Anses]) avait dressé une liste officielle des appareils d’automesure de la pression artérielle recommandés. Cependant, cette liste n’est plus actualisée depuis 2012 car la preuve de la validation clinique d’un nouveau tensiomètre n’est plus demandée.
Les recommandations des sociétés savantes stipulent pourtant la nécessité d’utiliser des tensiomètres ayant obtenu le marquage CE et validés (protocoles de la Société européenne d’hyper­tension, de l’Association for the Advancement of Medical Instrumentation, et de l’organisation Stride BP). Malheureusement, moins de 10 % des appareils commercialisés suivent ces recommandations de validation. Comparer l’appareil automatique du patient avec l’appareil du médecin est une fausse sécurité, l’homologation étant réalisée sur une grande étendue de valeurs différentes de pression artérielle et non sur une seule mesure !
Il est recommandé d’utiliser des appareils oscillométriques automatiques avec enregistrement des mesures et,si possible, calcul automatique de la moyenne et transmission des résultats au médecin.
Le brassard huméral doit être spécifique à l’appareil utilisé et adapté à la taille du bras du patient.2 Pour certaines populations (enfants, femmes enceintes, patients dialysés, obèses…), des appareils et/ou des brassards adaptés et validés sont nécessaires. En effet, il est indispensable d’utiliser des brassards adaptés au diamètre du bras et à sa morphologie pour éviter de surestimer la pression artérielle en utilisant un brassard trop petit ou de la sous-estimer avec un brassard trop grand (enfant, patient âgé dénutri…).
Les appareils au poignet, qui représentent plus de la moitié des appareils vendus, ne doivent pas être employés puisqu’ils exposent à davantage d’erreurs d’utilisation.
Les appareils automatiques ne se recalibrent pas. En cas de dysfonctionnement, il convient de les changer.
 

Comment ?

Sauf indications spécifiques, l’auto­mesure est privilégiée par rapport à la MAPA1 pour des raisons pratiques.
La totalité des mesures doit être collectée et enregistrée dans la mémoire de l’appareil ou notée par le patient sans élimination de données.
L’AMT est à réaliser après quelques minutes de repos en position assise, et sur plusieurs jours. Les mesures sont interprétées par le médecin.
Les recommandations françaises proposent d’effectuer 3 mesures le matin au petit déjeuner avant le traitement et 3 mesures le soir avant le coucher à une minute d’intervalle pendant 3 jours (les recommandations européennes proposent, quant à elles, 2 mesures matin et soir sur 7 jours).
Si le patient ne peut effectuer l’auto­mesure, il est suggéré de la faire réaliser par un aidant, selon le même protocole.
Chez l’adulte, une moyenne des 18 mesures supérieure à 135/85 mmHg (ce qui correspond à 140/90 mmHg en consultation) définit une hyper­tension artérielle.
Suivant les dernières recommandations européennes, l’objectif thérapeutique est d’atteindre pour la plupart des patients une pression artérielle inférieure à 130/80 mmHg, en consultation comme en automesure. Des valeurs supérieures chez le sujet très âgé fragile peuvent être acceptées.2

Limites de l’AMT

Liées au patient

Quelques rares patients ne parviennent pas à effectuer une série suffisante de mesures. L’automesure, pour d’autres, peut devenir un sujet d’inquiétude.
Parfois, la présence d’une arythmie (particulièrement la fibrillation atriale) ou la morphologie du bras (notamment chez le patient obèse) empêchent l’obtention de mesures fiables.

Données limitées

Il est encore nécessaire d’obtenir des résultats d’études randomisées confirmant que la prise en charge par automesure aboutit à un meilleur pronostic cardiovasculaire (morbi-mortalité) que la mesure de consultation.
Si beaucoup de recherches existent actuellement sur l’utilisation de l’auto­mesure avec télétransmission et l’emploi d’applications dédiées, leur supériorité dans la prise en charge des patients hypertendus par rapport aux appareils classiques reste à démontrer.

Remboursement non acquis

Enfin, bien que l’Assurance maladie et la HAS recommandent l’utilisation des techniques de mesure hors du cabinet (et en particulier de l’AMT) pour le patient hyper­tendu, l’achat de l’appareil sur prescription médicale n’est toujours pas remboursé. Comme pour la MAPA, l’inter­prétation des résultats d’AMT n’est pas actuellement un acte médical codifié et remboursé.

Références

1. Denolle T, Asmar R, Boivin JM, et al. Recommandations sur la mesure de la pression artérielle. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle, filiale de la Société française de cardiologie. Presse Med 2019;48(11):1319-28.
2. Parati G, Stergiou GS, Bilo B, et al. Home blood pressure monitoring: methodology, clinical relevance and practical application: a 2021 position paper by the Working Group on Blood Pressure Monitoring and Cardiovascular Variability of the European Society of Hypertension. J Hypertens 2021;39(9):1742-67.
3. McManus RJ, Mant J, Franssen M, et al. Efficacy of self-monitored blood pressure, with or without telemonitoring, for titration of antihypertensive medication (TASMINH4): an unmasked randomised controlled trial. Lancet 2018;391(10124):949-59.
4. Tucker KL, Sheppard JP, Stevens R, et al. Self-monitoring of blood pressure in hypertension: A systematic review and individual patient data meta-analysis. PLoS Med 2017;14(9):e1002389.
5. Denolle T, Eon Y, Le Néel H, et al. District program to improve the cardiovascular risk of resistant hyper­tensive patients in general medicine. Arch Mal Coeur Vaiss 2005;98(7-8):761-6.

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essentiel

Tous les patients hypertendus (sauf HTA sévère) devraient bénéficier d’une automesure pour le diagnostic, puis régulièrement au cours de leur suivi.

Les recommandations françaises proposent d’effectuer 3 mesures de PA, matin et soir, pendant 3 jours. Une moyenne de ces 18 mesures supérieure à 135/85 mmHg définit l’HTA.

Cette technique nécessite une éducation thérapeutique du patient par son médecin.

Les appareils oscillométriques automatiques validés sont ceux à brassard huméral adapté à la taille du bras du patient, avec enregistrement des mesures.