ÉVALUER le degré d’autonomie et de dépendance du sujet âgé.
DÉPISTER les facteurs de risque de déclin fonctionnel et ARGUMENTER les mesures préventives à mettre en œuvre.
Introduction
Définitions importantes
« L’autonomie est la capacité à se gouverner soi-même, ce qui présuppose la capacité de jugement (capacité de prévoir et de choisir), ainsi que la liberté de pouvoir agir, accepter ou refuser en fonction de son jugement, dans le respect des lois et des usages communs. »
« La dépendance est pour une personne la perte partielle ou totale de la capacité à réaliser les actes de la vie quotidienne, qu’elle soit physique, psychique ou sociale, et de s’adapter à son environnement. »
La fragilité est un syndrome clinique qui reflète une diminution des capacités physiologiques de réserve altérant les mécanismes d’adaptation au stress. Son expression clinique est modulée par les comorbidités et des facteurs psychologiques, sociaux, économiques et comportementaux. Le syndrome de fragilité est un marqueur de risque de mortalité et d’événements péjoratifs, notamment d’incapacités, de chutes, d’hospitalisations et d’entrée en institution. L’âge est un déterminant majeur de fragilité mais n’explique pas à lui seul ce syndrome. La prise en charge des déterminants de la fragilité peut réduire ou retarder ses conséquences. Ainsi, la fragilité s’inscrirait dans un processus potentiellement réversible.
Les capacités intrinsèques sont la combinaison de cinq fonctions physiques et mentales d’un individu. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini cinq domaines de capacités intrinsèques : mobilité, cognition, nutrition, statut psychologique, fonctions sensorielles (vision et audition). Ces cinq fonctions sont les plus corrélées au risque de dépendance.
Les capacités fonctionnelles sont la combinaison et l’interaction entre les capacités intrinsèques et l’environnement dans lequel évolue une personne.
Le vieillissement en bonne santé est défini par l’OMS « comme étant le processus de développement et de maintien des capacités fonctionnelles qui permet aux personnes âgées de jouir d’un état de bien-être. » Vieillir en santé, c’est continuer de faire ce qui est important pour chacun d’entre nous.
Épidémiologie de la dépendance
Histoire naturelle du processus de dépendance : passer du stade de robustesse à ceux de préfragile, de fragile, puis de dépendant
Le passage des états de robustesse à celui de préfragilité et de fragilité est potentiellement réversible, car accessible à des mesures thérapeutiques centrées sur les déterminants de la fragilité, en particulier la prise en charge des composantes nutritionnelle, psychique, sociale, thérapeutique et le maintien d’une activité physique.
L’absence de prise en charge précoce de la fragilité peut entraîner face à un stress un passage à l’état de dépendance, celui-ci étant, en revanche, le plus souvent irréversible.
Causes de la perte d’autonomie et de la dépendance
Un système de santé qu’il faut adapter au vieillissement de la population en prenant en compte la notion de fonction
Comorbidités et risque de perte d’autonomie
La dépendance iatrogène
- la pathologie entraînant l’hospitalisation (type, sévérité) ;
- les capacités de base du patient ;
- les processus de soins : ce sont eux qui, s’ils ne sont pas adaptés aux personnes âgées, vont être source d’une dépendance iatrogène liée à l’hospitalisation (
tableau 2 ).
L’incidence de la dépendance liée à l’hospitalisation serait estimée entre 30 et 60 %, tandis que l’incidence de la dépendance iatrogène liée à l’hospitalisation serait de 10 %, avec une part évitable estimée à 80 %.
Parmi les principaux facteurs de dépendance iatrogène à l’hôpital, on peut citer :
- l’absence de mobilisation et de reprise rapide de la marche ;
- l’absence de stimulation du patient à la réalisation de la toilette, de l’habillage ;
- la pose inutile de protections et/ou de sondes urinaires, de perfusions ;
- le maintien à jeun inutile, l’absence de prise en charge nutritionnelle ;
- le risque de confusion ;
- l’absence de réévaluation des traitements, en particulier d’antalgiques et de psychotropes.
La perte des capacités avec l’avancée en âge
Conséquences du déclin fonctionnel et de la perte d’autonomie
- pour les patients : confinement à domicile, isolement social, problématiques familiales et financières, hospitalisations à répétition, maintien au domicile difficile et possibilité d’entrée en institution ;
- pour les aidants. Qu’ils soient formels (professionnels) ou informels (familiaux : conjoints, enfants, petits-enfants) : risque d’épuisement physique et psychique avec répercussions familiales, professionnelles et financières, risque d’infantilisation et de maltraitance ;
- pour la société : selon la DREES, le « surcoût » lié à la perte d’autonomie des personnes âgées représentait 1,4 % du produit intérieur brut, soit 30 milliards d’euros en 2014 (
fig. 2 ).
Dépister les personnes âgées fragiles, prévention de la perte d’autonomie
Repérer les personnes âgées fragiles et préfragiles, définition de la fragilité, critères de Fried
Il repose sur la recherche de 5 critères, définissant le phénotype de L. Fried :
- perte de poids involontaire dans la dernière année ;
- impression subjective de fatigue ;
- réduction des activités physiques ;
- diminution de la vitesse de marche ;
- diminution de la force musculaire (mesurée par « hand grip »).
Le programme ICOPE de l’OMS
L’objectif de ces recommandations est de fournir une communication claire sur le dépistage dès les soins primaires, l’évaluation et la prise en charge de la baisse des capacités intrinsèques, à l’intention du patient, de ses proches, des acteurs sociaux et des professionnels de santé.
Cette prise en charge est fondée sur l’évaluation de cinq domaines en interrelation (cognition, mobilité, nutrition, fonctions sensorielles, psychologie) [
Cinq étapes (ou « steps ») sont détaillées.
Le STEP 1 (
Le STEP 2 (
Le STEP 3 correspond à la mise en place d’un plan personnalisé de soins, multidisciplinaire et centré sur le patient en le rendant acteur de sa propre santé. Il doit prendre en compte ses souhaits et ses aspirations, et s’associer à une prise en charge sociale et environnementale.
Le STEP 4 correspond au suivi du plan de soins et à l’orientation vers une prise en charge spécialisée (soins hospitaliers, recours à un gériatre) en cas de situations complexes.
Le STEP 5 est la dernière étape, et correspond au soutien aux aidants, et à l’implication de la communauté.
Une application ICOPE pour smartphone a été lancée en octobre 2019 par l’OMS : elle permet la réalisation simple du STEP 1 et du STEP 2, ainsi qu’un suivi dans le temps de l’évolution des capacités fonctionnelles. À terme, le monitorage des fonctions du sujet âgé pourra se faire via l’application mobile soit en auto-évaluation, soit par le médecin traitant.
Importance des interventions multi-domaine : exercice physique, nutrition, cognitif, prévention des facteurs de risque vasculaires et métaboliques
- de maintien d’une activité physique, entretien des capacités de marche et de l’équilibre, si nécessaire par le biais de soins de kinésithérapie ;
- de prise en charge nutritionnelle, avec au minimum la surveillance régulière du poids, un dépistage systématique de la dénutrition et si nécessaire l’intervention avec une prise en charge diététique personnalisée ;
- de maintien et d’entretien du statut cognitif, par le biais du maintien de l’insertion sociale, l’accès aux moyens de communication et à la culture, un dépistage des altérations des capacités cognitives ;
- de prévention des facteurs de risque vasculaires et métaboliques.
Un système de santé qu’il faut adapter au vieillissement de la population
- préservation de l’autonomie et prévention primaire : améliorer les grands déterminants de la santé et de l’autonomie (éduquer à la santé, développer une culture de l’autonomie tout au long de la vie) ;
- prévention secondaire : prévenir les pertes d’autonomie évitables au cours de l’avancée en âge ;
- prévention tertiaire : éviter l’aggravation des situations déjà caractérisées par une incapacité ;
- réduire les inégalités sociales et territoriales de santé ;
- former les professionnels à la prévention de la perte d’autonomie ;
- développer la recherche et les stratégies d’évaluation.
Évaluation de la personne âgée en perte d’autonomie et/ou dépendante
Évaluation gériatrique standardisée
Les différents domaines d’évaluation sont :
- la nutrition ;
- les capacités fonctionnelles ;
- les fonctions cognitives et thymiques ;
- les troubles sensoriels ;
- la polymédication ;
- l’évaluation de l’environnement et des ressources socio-économiques.
Outils d’évaluation du sujet dépendant (v. Focus)
- l’échelle des activités de la vie quotidienne ou ADL (activities of daily living), cotée sur 6 items : continence, alimentation, habillage, déplacement jusqu’aux toilettes, toilette, mobilité ;
- l’échelle des activités instrumentales de la vie quotidienne ou IADL (instrumental activities of daily living), cotée sur 5 à 8 en fonction de l’applicabilité des critères : utiliser le téléphone, faire les courses, préparer les repas, faire le ménage, s’occuper du linge, utiliser les transports, prendre ses traitements, gérer ses finances.
Grille AGGIR, outil médico-économique
Une personne âgée peut bénéficier de l’APA pour des GIR 1 à 4 (
Mettre en place un plan d’aide à domicile
Entourage familial
Aides professionnelles et services d’aides à la personne
Aides ménagères et auxiliaires de vie : elles assurent l’aide à la réalisation des actes de la vie quotidienne tels que les tâches ménagères, les courses, l’aide à la toilette et à l’habillage. Leur financement peut se faire via les caisses de retraite, les mutuelles, le département et/ou l’APA.
Autres intervenants à domicile : la rééducation à domicile par une orthophoniste peut être demandée, pour le travail de la communication dans le cadre de la démence, ou dans le cadre de troubles de la déglutition. La kinésithérapie peut également avoir un rôle clé dans la prévention de la perte d’autonomie fonctionnelle ou du risque de chute (travail de la marche, de l’équilibre, rééducation, prise en charge antalgique, kinésithérapie respiratoire).
Ergothérapie : l’intervention d’un ergothérapeute à domicile peut se faire dans le cadre des équipes spécialisées Alzheimer (ESA), qui permettent l’adaptation personnalisée du domicile en fonction des besoins de la personne âgée et de ses aidants.
Services, aides matérielles et techniques : des services et des aides techniques ou matérielles peuvent être financés par la Sécurité sociale, l’APA, les mairies ou les conseils départementaux :
- portage des repas à domicile (souvent proposé par les mairies) ;
- service de téléassistance, avec un dispositif d’appel (bouton d’appel en bracelet, collier), nouvelles technologies (tablettes, smartphones adaptés) ;
- adaptation du domicile par la location ou l’achat (sur prescription) de matériel médical (lit médicalisé, matelas anti-escarre, chaises garde-robe, lève-malade, fauteuil de transfert, déambulateur).
- accueil de jour : ce service s’adresse principalement aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de syndromes apparentés, et aux personnes en perte d’autonomie, avec un double objectif : d’un côté, de permettre pour les personnes âgées l’entretien de leurs capacités, un suivi et un accompagnement adaptés, et de l’autre, pour leurs proches, de leur libérer du temps et de leur permettre de s’absenter ponctuellement ;
- hébergement temporaire : il permet aux personnes âgées vivant à domicile de trouver des solutions d’hébergement de courte durée dans un établissement pour personnes âgées ou chez des accueillants familiaux. De cette manière, les aidants peuvent passer le relais de manière ponctuelle. Il peut aussi être un premier essai avant une entrée définitive en EHPAD.
Prise en charge financière et sociale
Pour bénéficier de l’APA, il faut :
- être âgé de 60 ans ou plus ;
- résider en France de façon stable et régulière ;
- être en perte d’autonomie, c’est-à-dire avoir un degré de perte d’autonomie évalué comme relevant du GIR 1, 2, 3 ou 4 par une équipe de professionnels du conseil départemental.
La déclaration d’une maladie chronique inscrite sur la liste des affections longue durée (ALD 30) permet une prise en charge à 100 % par la Caisse primaire d’assurance maladie, avec exonération du ticket modérateur.
Afin d’accompagner les patients et leur famille dans leur démarche, il est parfois nécessaire de les orienter vers une assistante sociale.
Il est aussi possible, dans certaines situations sociales complexes, d’avoir recours à la MAIA ou « Méthode d’Action pour l’Intégration des services d’aide et de soin dans le champ de l’Autonomie », qui est une structure ayant pour objectif de favoriser le maintien à domicile, et d’organiser la continuité du parcours de santé, dans des situations difficiles.
La demande d’une mesure de protection juridique auprès du juge des tutelles peut être nécessaire en cas d’altération des facultés d’une personne conduisant à une incapacité à défendre ses propres intérêts.
L’entrée en maison de retraite : savoir l’anticiper et bien la préparer
Décision, choix et objectifs de l’entrée en institution
La prise en charge devra maintenir et préserver les fonctions existantes, s’assurer d’une qualité de vie et du respect des choix de la personne. Elle devra également savoir poser l’indication des soins de fin de vie.
Coût d’une institutionnalisation
Si le reste à charge est trop élevé, il est possible d’avoir recours à l’aide sociale à l’hébergement (via le conseil départemental), mais celle-ci donne lieu à une obligation alimentaire des descendants (pension alimentaire fixée par la commission départementale d’aide sociale en fonction des ressources et des charges) ainsi qu’à une récupération sur succession.
POINTS FORTS À RETENIR
La perte d’autonomie n’est pas une conséquence obligatoire de l’avancée en âge, et ne doit pas être confondue avec le vieillissement normal.
9 à 14 % des personnes âgées de plus de 60 ans peuvent être considérées en perte d’autonomie.
L’absence de prise en charge précoce de la fragilité peut entraîner à la suite d'un stress aigu, un passage vers un état de dépendance, le plus souvent irréversible.
L’incidence de la dépendance iatrogène liée à l’hospitalisation est de l’ordre de 10 %, avec une part évitable estimée à 80 %.
Autonomie et dépendance chez le sujet âgé
Pour l’examen classant national, il est important de ne pas faire l’impasse sur cet item central de gériatrie. En effet, il aborde des notions essentielles à l’exercice de tout médecin, mais il peut aussi facilement être la source de nombreux QCM, et il permet d’apporter de la transversalité en fin de dossier. L’exemple type est celui du dossier qui commence par une fracture de hanche chez un sujet âgé, avec ensuite les complications du décubitus et l’iatrogénie hospitalière, et enfin la mise en place d’un plan d’aide sociale, avec des questions sur les conditions d’attribution de l’APA. Par ailleurs, il est important d’avoir un ordre d’idée de l’épidémiologie de la dépendance, et il semble aussi essentiel de bien connaître certaines échelles de gériatrie, telle que l’ADL, l’IADL, la classification des GIR. Enfin, il est essentiel de bien connaître les cinq critères de la classification de Fried. Exemples de QCM Vrai ou faux ?
Critères de Fried
A. Les critères de Fried ont pour but d’évaluer le statut nutritionnel.
B. Une perte de 5 % du poids du corps en moins d’un an correspond à un critère de Fried.
C. Il existe 6 critères de Fried.
D. À partir de 3 critères de Fried, on peut considérer une personne comme « fragile ».
E. La présence d’un MMSE inférieur à 25 correspond à un critère de Fried.
APA
A. La demande de l’APA est possible à partir de l’âge de 65 ans.
B. Elle permet de financer un passage infirmier quotidien.
C. Elle permet de financer la location d’un lit médicalisé.
D. Elle est attribuée uniquement aux personnes classées GIR 1 à 4.
E. La demande d’APA s’effectue auprès de la Sécurité sociale.
Dépendance iatrogène
A. L’incidence liée à l’hospitalisation est de l’ordre de 30 %.
B. L’incidence liée à l’hospitalisation est de l’ordre de 10 %.
C. Dans le syndrome d’immobilisation on peut retrouver une perte des automatismes posturaux.
D. Lors d’une hospitalisation, l’aide à l’habillage doit être systématique.
E. La prévention d’une constipation par laxatif en cas d’utilisation d’antalgiques opioïdes doit être systématique chez le sujet âgé.
Dans cet article
- Introduction
- Définitions importantes
- Épidémiologie de la dépendance
- Histoire naturelle du processus de dépendance : passer du stade de robustesse à ceux de préfragile, de fragile, puis de dépendant
- Causes de la perte d’autonomie et de la dépendance
- Conséquences du déclin fonctionnel et de la perte d’autonomie
- Dépister les personnes âgées fragiles, prévention de la perte d’autonomie
- Évaluation de la personne âgée en perte d’autonomie et/ou dépendante
- Mettre en place un plan d’aide à domicile
- L’entrée en maison de retraite : savoir l’anticiper et bien la préparer