Face à la progression de l’épidémie malgré la stratégie « tester-tracer-isoler », le gouvernement joue la carte de la responsabilité individuelle, en autorisant la vente des autotests en pharmacie. Comment fonctionnent-ils en pratique ? Pour qui sont-ils indiqués ? Quels sont les avantages, les inconvénients ? Qu’en attendre ?

La stratégie « tester-tracer-isoler » – fondée sur le diagnostic des individus symptomatiques, puis de leurs contacts à risque une fois identifiés, et sur l’isolement des cas positifs – n’est pas assez efficace pour bloquer les chaînes de transmission virale, car on estime qu’environ 50 % des personnes infectées sont asymptomatiques ou paucisymptomatiques. Même s’il est vraisemblable que les asymptomatiques transmettent moins le virus, ce n’est pas le cas des individus en phase présymptomatique, la charge virale étant déjà importante pendant les 2 jours qui précèdent les symptômes. Si l’arrivée des tests antigéniques rapides a permis de réduire les délais pour obtenir les résultats par rapport aux tests PCR, le prélèvement nasopharyngé, invasif et mal toléré, limite leur utilisation, tout particulièrement chez les personnes nécessitant des tests itératifs.

Dans ce contexte, le déploiement d’autotests rapides, simples et facilement réalisables peut faciliter l’accès au dépistage pour les sujets asymptomatiques. Ils représentent aussi une opportunité de tester les publics qui le sont peu aujourd’hui (classe d’âge des 15-19 ans, populations précaires, en Outre-mer, etc.). De plus, ils contribuent à faire de chacun un acteur de la lutte contre l’épidémie.

 

 

 

 

Qu’est-ce qu’un autotest ?

C’est un test antigénique, qu’on peut réaliser seul, après auto-prélèvement nasal ; le résultat est rapide, en 15 à 20 minutes, selon la notice du fabricant.

Un prélèvement « nasal profond » consiste à introduire un écouvillon spécifique dans le vestibule narinaire sur 3 à 4 cm jusqu’au cornet nasal médian. Certains écouvillons ont une collerette pour aider à apprécier la profondeur de leur introduction. Cette distance correspond également au collet de cassure de l’écouvillon. Puis, un mouvement de rotation doit être réalisé 5 fois avant retrait. Si le prélèvement d’une seconde narine est nécessaire, il faut procéder de la même façon avec le même écouvillon. Le test antigénique doit être réalisé immédiatement après le prélèvement nasal. La lecture est simple, comme pour un test de grossesse.

La vente des autotests antigéniques est autorisée en pharmacie depuis le 12 avril 2021. Lors de la vente, le pharmacien d’officine doit expliquer le geste à réaliser, la méthode de lecture du résultat et surtout la conduite à tenir en cas de test positif.

 

 

 

Quelles indications ?

Indiqués chez les personnes asymptomatiques , les autotests vont être déployés à l’échelle nationale en deux axes :

– dans le cadre de campagnes de dépistage itératif à large échelle, pour les publics qui se font moins tester et sont potentiellement les plus exposés à la contamination : populations plus jeunes, vivant en Outre-mer, publics éloignés du soin (précaires, QPV [quartiers prioritaires de la politique de la ville]) ;

– dans le cadre privé pour les particuliers (se faire tester avant des réunions de famille par exemple, mais sans abandonner les gestes barrières), là aussi de manière itérative.

Attention ! En cas de symptômes ou de contact à risque, l’autotest est formellement contre-indiqué : il faut alors recourir à un test PCR ou antigénique sur prélèvement nasopharyngé effectué par un professionnel.

 

Depuis le 26 avril, la HAS a levé la limite inférieure d'âge qu'elle avait établie à 15 ans : ces tests peuvent donc être réalisés chez les adultes comme chez les enfants.

 

 

Quelle fiabilité ?

Selon la HAS, les premières études disponibles ont rapporté des sensibilités cliniques de 80 à 95 % chez les patients symptomatiques et de 50 à 60 % chez les asymptomatiques (performances similaires, donc, à celles des tests antigéniques nasopharyngés). Cependant, les prélèvements des autotests n’étant pas réalisées par un professionnel de santé, mais par l’usager lui-même, le risque d’erreur de prélèvement pourrait être plus élevé.

Même avec des sensibilités imparfaites, plusieurs études ont souligné leur intérêt lors de dépistages itératifs : en répétant l’autotest une à deux fois par semaine, si l’on est porteur asymptomatique, on augmente les chances de le réaliser au début de la maladie, au moment où on est le plus contagieux.

 

 

 

 

Quel coût ? Quelle prise en charge ?

Les autotests en vente libre en pharmacie sont pris en charge à 100 % pour les aides aux personnes âgées ou handicapées : services d’aide à domicile (SAAD en service prestataire, intervenants mandataires, particuliers employeurs, salariés des SSIAD, salariés de service pour personnes handicapées), accueillants familiaux (sur présentation d’un justificatif du professionnel, dans la limite de 10 autotests par mois). Pour le grand public, le prix-limite de vente s’élève à 6 € par autotest dans un premier temps, puis à 5,2 € dès le 15 mai.

 

 

 

 

Que faire en cas de résultat positif ou négatif ?

Tout autotest positif impose un isolement immédiat et doit faire l’objet d’une confirmation par un test RT-PCR (nasopharyngé ou salivaire), qui permettra également de caractériser le variant. En cas de résultat négatif, il faut rester prudent car la fiabilité est limitée.

 

 

 

 

Quelles limites ?

Donner à une personne la possibilité de savoir par elle-même si elle est contagieuse ou pas revient à lui confier une responsabilité importante vis-à-vis de la collectivité. Contrairement aux TDR/TROD (tests de diagnostic rapide/tests rapides d’orientation diagnostique), dont la traçabilité est assurée par une déclaration dans SI-DEP, il n’existe à ce jour aucune traçabilité opérationnelle pour les résultats des autotests antigéniques, ce qui pourrait être préjudiciable au bon suivi de l’épidémie de Covid-19 et à un contact-tracing efficace.

Mais sachant que le système de traçage actuel a de nombreuses failles (même avec un test PCR réalisé en laboratoire, il n’y a aucune assurance que le sujet positif respecte l’isolement) et que le SARS-CoV-2 et ses variants pourraient s’installer dans notre quotidien sur la durée, jouer la carte de l’autonomie des personnes bien informées et éduqués à utiliser ces outils n’est-il pas aujourd’hui indispensable ?

 

 

 

 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

 

Pour aller plus loin :

Ministère des solidarités et de la santé. Petit guide d’utilisation de l’autotest nasal. 9 avril 2021.

Tutoriel vidéo – Autotests Covid-19. 

 

Image : Adobe Stock